Quand bien faire son travail aboutit à faire le malheur d’autrui

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Par Pierre-Eric Sutter Modifié le 10 novembre 2012 à 7h58

Lee Oswald a bien visé puisqu’il a atteint sa cible, mais a-t-il bien agi en tuant Kennedy ?

Transposons cet exemple historique dans le long fleuve tranquille de la vie des organisations avec un cas bien réel. Soit Gérard, conseiller-clientèle d’une banque de réseau bien connue ; son employeur lui demande instamment de vendre, avec une belle prime à la clé, tel produit financier dont les risques sont élevés car les rendements sont plus qu’aléatoires ; il sait pertinemment qu’il peut fragiliser les économies et la retraite de cette vieille dame qu’il a en face de lui et qui lui fait confiance depuis de nombreuses années ; mais la vente de ce produit lui permettrait d’atteindre ses objectifs commerciaux, d’avoir un super bonus et de contribuer à la performance économique de son employeur.

Notre vendeur est alors face à un dilemme : comment doit-il agir ? La réponse n’est pas une question de compétences mais d’éthique. S’il ne vend pas se produit il va mal faire son boulot, ne pas toucher sa prime, être réprimandé par sa hiérarchie mais il va bien agir en préservant les intérêts de sa cliente, sans même qu’elle ne s’en rende compte ; s’il vend ce produit il va bien faire son job, être récompensé pour cela par son employeur mais par le même temps il va commettre un acte éthiquement limite du point de vue de ses valeurs, quoique pas illégal (la vieille dame n’a qu’à lire entre les lignes du contrat qu’elle va signer les yeux fermés, comme à son habitude).

Si le vendeur choisit la première branche de l’alternative, il sera insatisfait car il n’aura pas touché sa prime, toutefois il se sentira vertueux de n’avoir pas été en contradiction avec ses valeurs personnelles, ce qui contribuera à son bonheur. S’il choisit la seconde branche, il sera certes satisfait de toucher sa prime mais il se sentira peut-être un "salaud" d’avoir si mal agi ; il se dira alors "à quoi bon travailler dans cette banque si c’est pour mettre sur la paille les petites vieilles sans défense ?", ce qui contribuera à son malheur.

Et la boucle sera bouclée : en faisant bien son travail, il agira mal vis-à-vis d’autrui et son travail perdra tout son sens ; quand il se fait du bien il fait le malheur d’autrui, quand il cherche à faire le bien d’autrui, il fait son malheur. Et ce n’est pas la salle de relaxation du sous-sol, récemment installée à grands frais par son employeur, de concert avec le CE, qui pourra y faire quelque chose, aussi éthérée que soit la "coach bien-être" qui anime les lieux d’une verve toute pseudo-orientale.

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Psychologue du travail, titulaire d'un master en Gestion (IAE Paris), chercheur en Sciences Sociales, Pierre-Eric Sutter est expert depuis plus de 20 ans en évaluation des hommes dans la fonction RH et le management d’entreprises. Il est habilité IPRP (Intervenant en prévention des Risques professionnels). Pierre-Eric Sutter est également Président de m@rs-lab, société de conseil en management de la performance sociale et en en prévention des Risques psychosociaux. Il est membre du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants : commissions "stress & bien-être" et "dialogue social".) Il est l'auteur d'articles et d'ouvrages dans le domaine de l'ingénierie et l'informatisation des Ressources Humaines, la gestion des compétences et la performance sociale.  

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