Un tiers de la nourriture destinée à la consommation humaine mondiale, soit 1,6 milliard de tonnes, est jeté chaque année aux ordures, déplore la FAO, l’organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture le 12 septembre. En plus d’être un gigantesque gouffre économique, ce gaspillage porte un grave préjudice à l’environnement.
Dans son dernier rapport, la FAO, la Food and Agriculture Organization de l’ONU, tire la sonnette d’alarme sur les conséquences économiques et environnementales des pertes agricoles et alimentaires mondiales.
Un fléau qui n’épargne personne
Des pertes effarantes qui représentent 1 milliard 300 millions de tonnes de nourriture et coûtent 750 milliards de dollars chaque année, en excluant les poissons et les fruits de mer. Coût qui correspond au PIB annuel de la Suisse…
Selon l’organisme des Nations unies, plus de la moitié, soit 54 % de ce gaspillage est enregistré en amont du processus, à savoir durant les phases de production, de récolte et de stockage. Les 46 % restants se situent en aval, lors de la préparation, de la distribution et de la consommation. Alors que durant la première phrase, les principaux fautifs de ce gaspillage sont les pays en développement, au cours de la deuxième, ce sont essentiellement les pays développés.
A elle seule, l'« Asie industrialisée » - Chine, Japon, Corée du Sud -, affiche 200 kg de légumes et céréales par habitant perdus chaque année - ce gaspillage s'étalant tout au long de la chaîne.
Des constats encore plus effrayants si on les confronte aux « 870 millions d’êtres humains [qui] souffrent de la faim chaque jour dans le monde », selon les termes du directeur général de la FAO, José Graziano da Silva.
Une addition salée pour l’environnement
Pour la première fois, des chercheurs ont entrepris d’analyser les impacts environnementaux des pertes alimentaires à l’échelle mondiale. Chaque année, les gaspillages coûtent à la planète, 250 km3 de ressources en eau, soit l’équivalent du débit annuel de la Volga en Russie, et occupent un tiers de sa surface agricole. Mathilde Iweins, experte de la FAO pour les ressources naturelles, schématise cette production à perte en expliquant « qu’en terme de surface, cela représente 1,4 milliard d’hectares. Si c’était un pays, ce serait le second pays le plus grand du monde. »
« L’empreinte carbone de la nourriture produite mais jamais consommée est estimée à 3,3 milliards de tonne de CO2 », affirme également la FAO. Ce qui ferait de la nourriture non consommée le troisième pollueur au monde, derrière la Chine et les Etats-Unis.
Les experts ont cherché à déterminer quels étaient les produits agricoles les plus nocifs pour l’environnement. La culture du riz, qui représente la majeure partie de la production céréalière asiatique, entraîne une importante production de CO2 et émet de fortes quantités de méthane. Par ailleurs, le gaspillage de la viande – à 80 % produite par les pays développés et l’Amérique latine – a également « un impact élevé en termes d’occupation des sols et d’empreinte carbone », révèle le rapport. Quant aux pertes de fruits, elles comptent parmi les principaux responsables du gaspillage de l’eau.
Redistribution de la nourriture excédentaire aux plus démunis
Ne se contentant pas d’énoncer les précédents constats, la FAO préconise un certain nombre de mesures, adaptées à chaque étape de la filière, pour réduire ce gigantesque gaspillage. Elle propose notamment l’amélioration des pratiques agricoles ainsi que des infrastructures de stockage et de transport dans les pays en développement.
En cas d’excédent alimentaire, elle recommande la mise en place d’un système de redistribution bénéficiant aux plus démunis. De plus, la technique du compostage devrait être généralisée ; les décharges étant l’un des plus gros producteurs de méthane, gaz à effet de serre très nocif.
Parmi les bonnes pratiques déjà en vigueur, la FAO cite en exemple le nouveau système d’emballage anglais permettant de garder au frais plus longtemps les fruits et les légumes, les sacs en plastique utilisés aux Philippines pour protéger le riz des rongeurs, de l’air et de l’humidité, ainsi qu’une ligne de supermarchés espagnole qui vend au détail les céréales et les fruits secs, afin d’éviter que le client n'achète en quantité superflue et ne gâche par la suite.
Achim Steiner secrétaire général adjoint de l’ONU et directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE), conclut en expliquant que ce rapport doit être perçu comme « une grande occasion pour les économies du monde entier d’effectuer la transition vers une économie verte inclusive, sobre en carbone et reposant sur une utilisation rationnelle des ressources. »
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