La nouvelle lutte fiscale

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Par Charles Sannat Modifié le 13 novembre 2012 à 14h47

Lorsque l’on n’a plus d’idée, ce qui arrive fréquemment lorsque la situation économique est désespérée, on ressort invariablement le sujet de la fraude fiscale. C’est donc ce que nous a fait notre ministre Monsieur Cahuzac (qui me semble, soit dit en passant, quelqu’un de bien, ce qui reste somme toute un jugement de valeur subjectif je vous l’accorde, non ce que je veux dire en fait, c’est que ce n’est certainement pas le moins incompétent de nos ministres).

Donc, le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a déclaré lundi à Libération vouloir améliorer le rendement des services fiscaux, moyennant un arsenal anti-fraude renforcé en vue de récupérer un milliard d’euros supplémentaire l’an prochain. Une série de mesures seront présentées mercredi en Conseil des ministres, destinées à renforcer l’arsenal législatif contre la fraude et l’optimisation fiscale, dans le cadre du collectif budgétaire (version corrigée du budget) de fin d’année afin de conclure l’année 2012.

Le milliard d’euros qui serait engrangé sur les 3 à 5 milliards que rapporte chaque année la lutte contre la fraude est « loin d’être négligeable », a déclaré M. Cahuzac au quotidien. C’est « une estimation basse [qui] permettra d’augmenter jusqu’à 20 % le rendement des services fiscaux », a-t-il ajouté. Bon, ce milliard avait déjà été quantifié dans les économies budgétaires prévues par le projet de budget 2013 présenté fin septembre par le gouvernement, a précisé Bercy à l’AFP, donc de ce côté-là, il n’y a rien à attendre, et cela ne viendra pas alléger la note de Dexia par exemple.

La loi visera notamment les particuliers qui refusent de dévoiler l’origine de sommes non déclarées, placées à l’étranger, a-t-on appris de même source, confirmant l’information de Libération. Elles seront taxées à 60 %, c’est-à-dire au même taux qu’une transaction hors transmission dans le cercle familial. La loi renforcera en outre « l’obligation de justifier les encaissements sur ses comptes », à partir d’un montant de 200 000 euros par an.


« Ces mesures n’ont rien à voir avec une quelconque inquisition fiscale, il s’agit seulement d’un minimum de transparence de bon aloi », a déclaré M. Cahuzac à Libération. Il vous sera donc impossible d’échapper aux griffes de Bercy, cependant cela on le savait déjà, et globalement l’efficacité marginale de ce genre d’action reste bien faible mais permet à moindre frais de montrer que l’on travaille dur… Donc, comme dirait notre humoriste Canteloup, c’était l’information la moins importante du jour bien qu’elle fasse quelques gros titres.

L’information la plus importante, c’est plutôt l’économie nipponne qui patine et pédale dans la choucroute, puisqu’elle vient de retomber en récession, pardon en croissance inversée. Je me souviens encore des économistes grandiloquents nous expliquant que vraiment le tsunami c’était génial et extraordinaire – ce n’était pas dit tout à fait comme ça mais cela signifiait bien la même chose –, parce qu’il allait falloir reconstruire le Japon. Et ça, franchement, c’était une super nouvelle pour l’économie de l’archipel qui allait pouvoir sortir de sa déflation de 30 ans.

Eh bien rien. Figurez-vous qu'en plus de Fukushima (dont on ne parle pas, donc il n’y a pas de problème), qui a irradié la moitié de l’île et dont la situation peut se dégrader à tout instant, le produit intérieur brut de l’archipel nippon a régressé de près d’1 % (0,9 pour être précis) par rapport aux 3 mois qui précèdent. C’est une fameuse contraction. En rythme annualisé, cela fait moins 3,5 %. Alors une récession de 3,5 %, c’est juste énorme.

Ce qui explique ce mauvais score, c’est avant tout la chute des exportations qui ont reculé de 5 % durant les mois de juillet à septembre. Pourquoi ? Parce que les grands clients de l’industrie japonaise sont eux-mêmes en mauvaise posture. Il y a d’abord l’Europe, qui souffre de ses programmes d’austérité et qui achète beaucoup moins de biens d’équipements. Il y a aussi la Chine qui importe moins de voitures et de composants électroniques, en partie parce qu’elle ralentit elle aussi, mais surtout parce que le conflit territorial sur les îles Senkaku pousse les Chinois à boycotter les produits made in Japan, un conflit diplomatique qui intervient au plus mauvais moment puisque, dans le même temps, la relance américaine est insuffisante pour compenser le manque de commandes chez les autres partenaires commerciaux !


Le ralentissement économique est contagieux et la crise européenne ne passe pas inaperçue. Et c’est bien ce qui fait dire aux autorités internationales comme le FMI de mettre la pédale douce sur l’austérité. Car si on met tout le monde au régime, c’est l’économie mondiale qui maigrit. Et les médecines localisées ne suffisent plus à soigner le malade. Les autorités japonaises avaient, par exemple, pris des mesures de relance après le tsunami de l’an dernier, mais si elles ont fait long feu, elles n’ont pas suffi à redynamiser la consommation intérieure et les investissements des entreprises. Même le gouvernement japonais est aux abois, puisque désormais « il n’exclut pas une récession d’ici la fin de l’année » alors qu’ils sont en plein dedans. J’aime l’optimisme de nos dirigeants quand il s’agit de notre argent. Et quand on sait que le Japon est la 3e puissance économique mondiale, c’est un mauvais signal à ne pas sous-estimer.

Pour mémoire, le Japon est le pays industrialisé et développé le plus endetté au monde avec 250 % de dettes sur PIB plus tout le reste…

Voilà, ça c’est une information importante, sans oublier bien sûr l’Espagne et le Portugal où la colère gronde.

Au Portugal, après le défilé de 5 000 militaires, c’est un accueil « chaleureux » qui a été réservé à Angela Merkel par la population qui voit évidemment en elle le sauveur de l’économie portugaise. Ha Sainte Merkel vient vanter les mérites de la rigueur germanique. Si Angela commence à se déplacer dans tous les pays où les populations râlent, elle finira par passer plus de temps en Europe qu’en Allemagne. Je soupçonne ses opposants de l’inciter à ce genre de déplacements…


En Espagne (le pays juste à côté), un mouvement populaire très fort est en train de prendre de l’ampleur pour rejeter les expulsions massives. Les mauvais payeurs sont de plus en plus nombreux. Des centaines de milliers de familles frappées par le chômage ne peuvent plus faire face aux remboursements de crédit bancaire. Faut-il les expulser quand même ?

Disons que la situation américaine nous a simplement démontré que lorsque tout le monde est au chômage, expulser les mauvais payeurs ne fait que mettre des gens à la rue et baisser le prix des maisons qui ne trouvent tout simplement plus d’acheteur. À l’arrivée, je trouve le résultat stupide puisque c’est une stratégie perdante/perdante !! La famille perd son logement, la banque ne retrouve pas son argent et doit passer des dépréciations d’actifs qui nécessitent un renforcement de son capital… par les États !!

Ne me dites pas que l’on ne peut pas faire autrement. Il vaut mieux soutenir les banques en leur permettant de maintenir les gens sous un toit. Mais c’est sans doute trop demander à des gouvernements qui n’ont plus de démocratique que le nom, lorsque l’on voit les politiques aberrantes qui sont menées.

Un jour, les peuples se réveilleront, et il ne faut pas oublier que le pouvoir appartient aux peuples. Ils ont juste oublié cela mais ils sont en train, face aux difficultés, de le réapprendre.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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