« Les Suisses montrent la voie et, personnellement, je pense qu'il faut s'en inspirer », a déclaré lundi à Matignon le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, après le vote des Suisses qui se sont prononcés pour plafonner les « rémunérations abusives » et interdire les parachutes dorés des grands patrons du privé, ces indemnités de départ au montant parfois faramineux et souvent déconnectés des résultats obtenus par le dirigeant sur le départ. Heureuse coïncindence : le projet de loi auquel le gouvernement français réfléchit depuis plusieurs mois pour réformer l'encadrement des rémunérations dans le secteur privé doit justement être transmis au Conseil d'Etat d'ici la fin mars.
Parmi les options actuellement à l'étude, il est question de soumettre aux actionnaires, et non plus seulement au conseil d'administration, le montant de la rémunération du ou des dirigeants des grandes entreprises cotées. Cette procédure s'appelle le « Say on Pay ». Actuellement, l'assemblée des actionnaires a seulement son mot à dire sur l'attribution des stock-options, des actions gratuites, des retraites chapeau et des indemnités d'arrivée ou de départ. Une idée qui fait bondir le MEDEF, qui, lui, prévoit dans la nouvelle mouture de son code de gouvernance que les actionnaires puissent se prononcer sur la définition des politiques de rémunération des dirigeants, mais pas sur le montant lui-même.
Le gouvernement réfléchit aussi au plafonnement des retraites chapeau, financées intégralement par l'entreprise (et exonérée de cotisations sociales et de CSG). Le problème, c'est que contrairement aux idées reçues, les retraites-chapeaux ne concernent pas que quelques richissimes patrons du CAC 40, mais plus de deux millions de personnes, dont 200 000 retraités. Pour preuve : la rente moyenne des retraites supplémentaires d'entreprise tourne autour de 470 euros mensuels.
En France, la rémunération moyenne des patrons du CAC 40, une minorité évidemment des chefs d'entreprise français, s'est élevée à 4,2 millions d'euros en 2011 (24% en rémunération fixe, 32% en variable annuel, 16% d'autres avantages, 16% en actions gratuites et 12% en options), alors même que le CAC 40 a chuté de 17% sur la même période. A comparer au reste de l'Europe, la France se situe à la sixième place derrière le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, la Suisse et l'Italie.
Cet été déjà, le gouvernement français a adopté un décret plafonnant les salaires des patrons des entreprises publiques : désormais, ces derniers ne peuvent percevoir plus de 450 000 euros par an, soit près de 28 SMIC. Mais s'attaquer au privé est une autre affaire...