Les récentes visites en Europe du président de la république populaire de Chine Xi Jinping et de son premier ministre Li Keqiang montrent que les dirigeants de la deuxième puissance économique mondiale sont de redoutables joueurs de Go, ce jeu chinois millénaire qui consiste à dessiner des territoires dans lesquels on encercle les pions de ses adversaires pour les capturer.
Parmi les parties que joue la Chine à l’échelle mondiale celle qui l’oppose à l’Union Européenne est particulièrement active depuis l’annonce du pharaonique projet des nouvelles routes de la soie.
Les nouvelles routes de la Soie
Lancé en septembre 2013 peu après l’arrivée de Xi Jinping à la tête de l’état chinois ce projet pharaonique de développement de voies terrestres et maritimes nouvelles est destiné à connecter l’Asie au reste » du monde avec un ensemble d’infrastructures dont le coût total se chiffre en milliers de milliards de dollars. Cette « ceinture « économique de la route de la soie (Silk Road Economic Belt aussi appelée Belt and Road intiative) relie la Chine à l’Europe par voie terrestre via l’Asie centrale et par voie maritime via l’Océan Indien
L’objectif affiché est de « favoriser les liens entre les peuples et le développement économique » en facilitant les échanges de marchandises, les mouvements de population et les transferts monétaires.
Ce projet gigantesque permettra surtout de renforcer les exportations de la Chine et de sécuriser son approvisionnement en matières premières en provenance des pays en voie de développement. C’est aussi un moyen pour la Chine de désenclaver certaines de ses régions dont l’économie est à la peine et d’affirmer son projet politique (résumé dans le slogan « le rêve chinois ») visant à renforcer la légitimité du Parti Communiste qui a perdu la confiance de la population.
Il est difficile de ne pas voir dans cette initiative titanesque la volonté hégémonique de la Chine qui aspire à devenir la première puissance économique planétaire. Le méga-investissement chinois, estimé à plus de mille milliards de dollars va financer un réseau tentaculaire d’infrastructure dont la construction et/ou l’exploitation sera majoritairement confiée à des entreprises chinoises qui en tireront l’essentiel des revenus.
La Chine aurait déjà déboursé près de 200 milliard de dollars pour des projets situés les projets couvrent une multitude de pays en Afrique (Égypte, Nigéria), au Moyen-Orient (Oman, Turquie), en Asie ( Inde, Indonésie, Philippines, Si Lanka, Tadjikistan).
En Europe plusieurs pays se sont ralliés au projet : la Grèce a cédé le port du Piée à la compagnie de fret chinoise COSCO qui contrôle aussi les ports de Valence et de Bilbao ;le conglomérat China Energy Fund Committee (CEFC) a dépensé plus de 1 milliard de dollars en République tchèque, en rachetant (entre autres) la compagnie aériennenationale ; l’Italie vient de signer un protocole d’accord qui comprend des investissements chinois dans les ports de Gênes et de Trieste...
La Chine se donne ainsi les moyens assurer son influence à moyen terme et d’écouler sa production industrielle car il ne fait aucun doute qu’avec une telle organisation le déséquilibre des échanges entre la Chine et l’Europe a peu de chance d’être résorbé et l’impact d’investissement qui portent sur des secteurs comme l’énergie les télécommunications, le tourisme va au-delà de simples considérations logistiques et à cet égard le projet manque singulièrement de transparence.
Les modalités de financement interpellent tout autant car l’énormité des montants prêtés peut déstabiliser les finances des pays auxquels ils sont accordés comme en témoigne, par exemple, la douloureuse expérience du Sri Lanka qui a été obligé d’accorder la concession pour 99 ans du port e eaux profondes de Hambantoa faute de pouvoir de pouvoir faire face à ses échéances de remboursement
La tournée européenne des dirigeants chinois
Les visites du Président Xi Ping en mars dernier et de son premier ministre quelques semaines plus tard ont montré la ténacité de leur stratégie et la subtilité de leur tactique
Le voyage de Xi Ping, présenté comme une visite de courtoisie avait en réalité une tout autre portée. Elle s’inscrit dans un contexte de divergence entre les membres de l’Union Européenne sur laquelle Chine cherche à capitaliser.
Aux déclarations d’Emmanuel Macron, qui demande que la Chine « respecte l’unité de l’Union Européenne » et aux exigences de Jean-Claude Juncker, qui veut que « les entreprises européennes trouvent le même degré d’ouverture en Chine que les entreprises chinoises en Europe, le président chinois a répondu apr des généralités : « c’est de la compétition positive », « nous sommes en train d’avancer ensemble », « il ne faut pas que la méfiance fasse qu’on ne cesse de regarder en arrière »…
Face à la Chine qu’elle qualifie de « rival systémique » L’enjeu est double : tenter de la persuader de canaliser ses ambitions économiques et diplomatiques dans les règles du multilatéralisme et, d’autre part, d’essayer d’unifier une Europe divisée face aux ambitions de Pékin.
La partie est loin d’être gagnée comme on peut le voir après la visite du premier ministre chinois il y a quelque jours
Au prix d’âpres négociation lors du sommet qui s’est tenu à Bruxelles Li Keqiang s’est engagé à promouvoir un commerce « fondé sur des règles » et à combattre « l’unilatéralisme et le protectionnisme ». L’accès des entreprises européennes sera « facilité » et les transferts forcés de technologies « devraient être évités » a-t-il aussi affirmé.
Au lendemain de ce sommet Li Keqiang s’est rendu en Croatie pour un sommet du partenariat « 16+1 »de 3 jours où il rencontré 16 pays d’Europe centrale (de l’Albanie en passant par la Hongrie et la Pologne) qui coopèrent avec la Chine depuis 2012 selon les modalités exposés plus haut (prêts consentis par la Chine pour la construction d’infrastructures). Ce coup est bien joué en terme d’influence économique et politique car cette zone géographique permet de relier la voie maritime de la « ceinture », qui passe par la corne de l’Afrique et aboutit au Pirée, à l’Europe orientale et l’ouest de la Russie.
Les nouvelles routes de la soie étaient un thème central du sommet «16+1» de Dubrovnik. Bruxelles s’est dit préoccupé…