Un de plus... Si certains hommes d'affaires quittent l'Hexagone en catimini pour payer moins d'impôts à l'étranger, ils sont désormais de plus en plus nombreux à dire ouvertement qu'ils y songent. L'exil fiscal serait-il en voie de banalisation ? Cette fois, c'est Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes, et à ce titre l'un des patrons les mieux payés de France, qui confie dans une interview au Monde qu'il y pense, et pas qu'en se rasant le matin.
Ainsi c'est le président de l'entreprise, numéro deux européen du logiciel avec 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 10 000 salariés, qui lui a demandé de but en blanc : « Où voulez-vous vous installer ? ». Une question que Bernard Chalès voulait « aborder » de toute façon. Il précise que plusieurs cadres dirigeants de l'entreprise ont déjà quitté le pays.
Mais rien à voir avec la potentielle taxe de 75% sur les revenus supérieurs à un million d'euros par an. Non, sa « préoccupation concerne l'alourdissement de la fiscalité sur le capital, les stock-options et les actions gratuites ». De fait, la loi de finances rectificative a fait passer de 14 à 30% la taxe due par les entreprises sur les avantages qu'elles accordent notamment à certains de leurs salariés sous forme d'actions gratuites ou de stock-options. Et la taxe due par les bénéficiaires de cet avantage a aussi été relevée de 8 à 10%. Résultat, il devient de plus en plus difficile de transformer les salariés de l'entreprise en actionnaires, de leur donner « ce lopin de terre », « cette part de rêve ». « Si vous résidez ailleurs, vous ne rencontrez pas ce problème » poursuit-il.
Dès lors, à quoi bon rester quand « nous retrouvons sur nos trente sites dans le monde des conditions de travail au moins identiques à celles en France » ? Plus que la tentation de Venise, c'est donc la tentation de l'exil fiscal qui le taraude, pour le bien présumé de son entreprise et de ses salariés-actionnaires. « Partir, pour nous, n'est pas un problème ».
Son cri d'alarme rappelle en quelque sorte celui lancé cet automne par les « Pigeons », ces entrepreneurs qui estimaient que le gouvernement fait de plus en plus fuir les créateurs d'entreprises en taxant trop lourdement le capital.