Le fret maritime international représente environ 90 % des échanges mondiaux. Il permet le transport en vrac de matières premières indispensables à la bonne marche de l’industrie, ainsi que l’importation et l’exportation de produits alimentaires et manufacturés à des prix abordables. C’est donc un enjeu fondamental que la qualité et l’attractivité de nos infrastructures portuaires et de notre flotte de commerce pour définir la place de la France dans l’Europe et dans la mondialisation économique. C’est aussi une condition fondamentale de notre approvisionnement énergétique, puisque le pétrole dont le pays a besoin transite essentiellement par voie maritime.
Avec la révolution de la conteneurisation, qui conduit les marchandises à voyager dans des boîtes standardisées – on parle d’un équivalent vingt pieds ou EVP – le transport maritime a aussi fait apparaître un défi logistique et environnemental. L’acheminement massifié permet d’éviter les ruptures de charge et de gagner en efficacité autant que de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le transport maritime (97% du transport de marchandises dans le monde) rejette fort peu de CO2 par comparaison aux frets routier et aérien, et un acheminement terrestre par voie ferroviaire ou fluviale améliore encore les performances. Encore faut-il concentrer suffisamment de marchandises, donc suffisamment de clients, pour mettre en œuvre ces solutions logistiques qui nécessitent de lourds investissements !
La compétitivité nationale passe donc certes par la qualité de ses installations portuaires, mais il semble que les ports français soient très honorablement considérés parmi les armateurs. Plus sûrement, elle exige que chacun de ces ports s’adosse à un large hinterland pour capter de nouvelles parts de marché et garantir ses débouchés. Les principales entraves au commerce sur mer se trouvent, à n’en pas douter, sur la terre ferme.
Nos grands ports maritimes constituent un atout économique majeur puisque nous avons l’avantage d’avoir des côtes au nord, à l’ouest et au sud et d’être à la porte d’une zone européenne qui est l’une des plus grandes du monde en termes d’importation et d’exportation. Voilà pourquoi il est impératif de prendre en compte cet avantage compétitif essentiel de la France. Nous devons avoir une ambition pour nos ports à la hauteur de leur contribution à notre compétitivité compte tenu à la fois de l’évolution croissante du commerce international mais aussi de leur impact sur nos stratégies industrielles.
La tradition, l’héritage français en matière portuaire, de commerce international nous permettent encore d’avoir des leaders mondiaux dans un domaine aussi stratégique que celui du transport maritime. J’en veux pour preuve la prise de participation du Fonds stratégique d’investissement dans CMA CGM il y a quelques semaines.
La réforme de 2008 sur les ports a permis aux grands ports français de se concentrer sur leurs deux métiers principaux que sont le développement de leur activité commerciale, afin d’accroître leur zone d’influence, et l’optimisation des espaces à aménager. Toutefois, il subsiste deux motifs d’inquiétude :
Le premier concerne la baisse de parts de marché de nos grands ports maritimes au niveau européen. En effet, l’activité conteneur des sept grands ports français a diminué de 2,7 % en cinq ans, tandis que celle des dix-sept grands ports européens a augmenté de 2,5 %. Pourtant le transport maritime en conteneurs est en expansion au plan international. On ne peut donc que s’alarmer d’un tel écart.
Le deuxième motif d’alerte porte sur l’incapacité de nos ports à dégager des marges d’autofinancement. Aujourd’hui, les ports ont des excédents bruts d’exploitation inquiétants, ce qui les prive de l’autofinancement auquel ils pourraient aspirer pour réaliser des investissements leur permettant de s’adapter à l’hyper-concurrence européenne dans les domaines du fret et du transport de conteneurs. Le financement, la capacité, le modèle économique de nos grands ports maritimes français après les bénéfices de la réforme portuaire de 2008 et la manière dont seront orientés les investissements pour éviter le décalage croissant entre les performances des ports européens et celles des ports français, tout cela représente un véritable sujet.
Notre action politique doit porter prioritairement sur l’accès à l’hinterland. Nos ports n’ont d’avenir que si on facilite l’accès à leur marché. Or tous les responsables de port s’en inquiètent. Il est temps d’intégrer cette priorité dans une vision globale de l’aménagement du territoire.