Juste après minuit une minute, heure de Washington

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Par Hervé Goulletquer Publié le 10 mai 2019 à 11h43
Maison Blanche Message Union Europeenne France Attaque Ennemi
@shutter - © Economie Matin

La Maison Blanche décide de renchérir les taxes sur les importations chinoises ; le gouvernement de Pékin va prendre des mesures de rétorsion. Ce qui n’empêche pas, et c’est le plus important, les discussions de se poursuivre. Au final, le contexte nous paraît être assez différent de celui de l’automne dernier lors du dernier épisode de retournement des marchés.

Juste avant que le onzième épisode des négations commerciales sino-américaines ne commencent hier en seconde partie d’après-midi à Washington (heure locale), quatre décisions balayaient le champ théorique des possibles :

1) les Américains augmentent les taxes à l’importation, les Chinois réagissent par des mesures de rétorsion et les discussions s’arrêtent ;

2) le même comportement de la part des deux gouvernements, mais les discussions se poursuivent ;

3) les Américains sursoient à l’augmentation des taxes et les discussions continuent ;

4) le « coup de théâtre » d’un accord finalement trouvé.

Dans la « vraie vie », les choix 2 et 3 étaient à privilégier et c’est le 2 qui s’est imposé.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Faisons trois commentaires :

1) le besoin de part et d’autre de s’entendre reste présent. Le Président Trump a besoin d’un environnement économique et financier favorable pour lancer en fin d’année sa campagne électorale en vue d’un second mandat. Le Président Xi doit parer le risque d’un ralentissement de la croissance. Le maintien de la stabilité sociale et politique passe par suffisamment de créations d’emplois. Certes, le taux de chômage est bas (3,8% en fin d’année dernière), mais les enquêtes de conjoncture auprès des entreprises montrent que la composante emploi se dégrade. Pousser plus avant cette dégradation est un risque à ne pas prendre.

2) La décision américaine de renchérir les droits de douane sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises (de 10% à 25%) et les mesures de rétorsions chinoises, non encore connues mais qui viendront, est ex ante un mauvais signal en termes de perspectives de croissance. Il y a les effets directs : des produits made in China, souvent intermédiaires, plus chers aux Etats-Unis et donc des producteurs chinois et des acheteurs américains qui auront à en pâtir. Il y a aussi les effets indirects, intermédiés par la confiance, les décisions d’achat de biens durables et d’embauche et les conditions financières. A priori, ils ne peuvent pas être favorables.

3) Il faut essayer de prendre la mesure la plus précise des implications en œuvre. D’abord, le contexte est différent de celui ayant prévalu à l’automne dernier lors du dernier épisode de correction de marché. Du côté de l’activité économique, la croissance ralentissait ; aujourd’hui elle se stabilise et l’anticipation est (était ?) à une certaine amélioration. Du côté de la politique monétaire, le temps était à la normalisation (effective aux Etats-Unis et attendue en Zone Euro) ; aujourd’hui il est à l’accommodement. Ensuite, on a une meilleure compréhension de l’attitude des gouvernants américains et chinois. A l’époque, la double « salve » de la Maison Blanche (50 milliards de dollars de marchandises produites en chine taxés à 25% en juillet, puis 200 milliards supplémentaires taxés à 10% en septembre) faisait craindre l’enclenchement d’une guerre commerciale ouverte ; aujourd’hui, la « raison » fait conclure à une volonté partagée d’aboutir à un accord, fût-il partiel et à même de ne durer qu’un moment. Enfin, même si c’est d’une moindre importance, il faut noter l’information publiée hier par les services du Représentant américain au commerce international : l’augmentation, juste décidée, des droits de douane ne concernera pas les marchandises en transit, mais uniquement celles au départ de la Chine à partir d’aujourd’hui, minuit une minute, heure de la côte est des Etats-Unis. Ce qui laisse deux à quatre semaines avant le renchérissement effectif des importations concernées. Le délai suffira-t-il à l’obtention d’un accord ?

On en est là pour ce qui est de l’analyse qu’on a envie de proposer. Pour quelle réaction sur le marché des capitaux ? L’indice CSI 300 chinois est en hausse de 3,0% à 08h30 et sur le marché des futures le contrat du S&P 500 américain est à peine à la baisse. Par ailleurs, le rendement d’une obligation du Trésor des Etats-Unis monte un peu et le dollar se replie face au yuan. Bien sûr le profil a été animé : espoir en début de séance que les Américains ne renchérissent pas les droits de douane, puis réaction négative quand il est apparu que la décision de le faire serait prise et enfin correction de ce dernier mouvement. Parlons de l’expression d’un certain sang-froid. La suite dépendra de la confirmation, ou non, des éléments analytiques proposés.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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