De l’art de faire dire aux chiffres ce que l’on veut, ou ce dont on a besoin

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Par Charles Sannat Modifié le 17 novembre 2012 à 8h02

Ce qui est bien avec cette crise qui n’en finit pas, c’est que l’on a de quoi rigoler tous les jours… ou presque. Tenez, aujourd’hui par exemple, on nous explique que l’Europe est rentrée en récession, comme on le craignait et qu’on est en plein « double dip »… ou, dit en français, en récession en W. En clair : croissance, récession, puis grâce aux plans de relance encore un peu de croissance, puis grâce aux plans de rigueur beaucoup de récession…

Mais faisons appel quelques secondes à notre mémoire. C’était il y a quatre ans. Lheman Brothers venait de faire faillite et, disons-le, c’était le bazar. Grands débats entre les économistes repris à la une de tous les canards. Quelle situation allions-nous connaître ? Comme les lecteurs sont forcément des crétins, pour leur mâcher le travail on leur a mis une lettre en face de chaque scénario.

On avait le scénario du V. Tout s’effondre mais après ça repart. Évidemment, à l’époque, il ne fallait pas s’inquiéter, c’était évidemment ce qui allait se passer, c’était une crise mais après la pluie vient le beau temps, c’est bien connu. On avait le scénario du L. Pas beau le L… On ne risquait rien avec cette lettre-là. Le L, c’est un effondrement suivi d’une très longue et lancinante stagnation. Bref pas vendeur. Donc là non plus cela ne risquait pas de nous arriver. On avait le scénario du W. Terrible le W. Il fallait à tout prix éviter le W. Comprenez-moi bien : le W, c’est récession, croissance, puis on croyait s’en être sortis et hop, un coup de Trafalgar (sans doute à cause des Anglais) et on repartait enrécession. Alors ça, c’est absolument affreux pour le moral des foules. Donc pour la lettre W, on vous rassurait bien comme il fallait. Non, rien à craindre, c’est peu probable, presque aucun risque, pensez donc avec tous les plans de relance que l’on fait et Nicolas Sarkozy aux G20 comme sauveur du monde, franchement « même pas peur ».

Or, il était évident que nous aurions droit à la lettre W. Eh oui, c’est assez logique lorsque l’on y réfléchit. Reprenons les étapes. 2007-2008, crise, récession, effondrement économique mondial sur des niveaux de dettes très élevés. 2009-2011, énormes plans de relance partout à travers le monde financés avec de l’argent que nous n’avons pas, c’est-à-dire encore plein de nouvelles dettes. Manque de chance, malgré tout cela, la croissance ne repart pas (ce qui était visible depuis très longtemps), mais le niveau de dettes devient insoutenable (ce qui, là aussi, était visible depuis très longtemps). Donc 2012-2013, nécessité soit de faire marcher la planche à billets et de casser les monnaies, soit de faire des plans de rigueur. Résultat, l’Europe replonge en récession et le reste du monde va globalement suivre.

Conséquence : c’est le W, qui n’avait aucune chance de se produire, qui vient de l’emporter… Sans blague. Je suis surpris. Mais je pense que l’on va vous expliquer, que « l’on ne pouvait pas savoir »… Évidemment.

Donc, sachez-le, la zone euro est entrée officiellement en récession au troisième trimestre 2012, pour la deuxième fois en trois ans, selon l’office européen de statistiques Eurostat. Le produit intérieur brut a reculé de 0,1 % au 3e trimestre, après s’être déjà replié de 0,2 % au trimestre précédent. Une période de récession est constatée lorsque le PIB se contracte pendant deux trimestres consécutifs. Après la crise financière de 2008, la zone euro était tombée en récession et avait renoué avec la croissance au troisième trimestre 2009.

« L’activité économique de la zone euro est désormais à environ – 2,5 % de son niveau d’avant crise », estime Martin Van Vliet, de la banque ING. Les chiffres publiés jeudi confirment, selon lui, le scénario de « récession en double creux » (« double dip recession ») que craignaient les marchés depuis des mois. L’économiste ne voit pas l’horizon s’éclaircir et table sur une récession plus profonde au quatrième trimestre 2012. Or, que fait-on actuellement en Europe ? Nous forçons, sous l’aimable pression allemande, l’ensemble des pays membres de la zone euro à se lancer dans des plans de rigueur sans précédent, et simultanément. Le problème étant bien le « simultanément ».

Or, comme le dit l’économiste d’ING, « ces chiffres confirment que l’économie de la zone euro a un besoin criant de relance macroéconomique. Les responsables politiques semblant peu enclins à envisager une approche coordonnée pour revenir sur l’austérité budgétaire, la relance monétaire et une monnaie plus faible pourraient être nécessaires pour remettre la zone euro sur la voie d’une croissance durable ». Sur un an, le PIB européen a enregistré une baisse de 0,6 % au troisième trimestre 2012, contre – 0,4 % au trimestre précédent. En Allemagne, le PIB a progressé de seulement 0,2 %, marquant un nouveau léger ralentissement de la première économie européenne. L’Allemagne commence donc clairement à voir ses chiffres macroéconomiques impactés par la récession chez ses voisins européens dont elle reste fondamentalement très dépendante.

« La vague de récession qui touche les pays du Sud commence à contaminer ceux du noyau dur [les plus solides de la zone euro, NDLR] », souligne M. Van Vliet, rappelant que l’activité s’est contractée de 0,1 % en Autriche et de 1,1 % aux Pays-Bas.

L’inflation a par ailleurs ralenti en octobre sur un an, à 2,5 % contre 2,6 % en septembre, selon Eurostat dans sa deuxième estimation de cet indicateur, bien qu’elle continue de dépasser pour le 23e mois consécutif le seuil de 2 % établi par la Banque centrale européenne, mais elle s’en rapproche alors qu’elle était de 3 % il y a un an.

Cela signifie, là encore, que le danger déflationniste est très loin d’avoir disparu et que ce sujet devrait même revenir au premier plan durant l’année 2013. De son côté, la BCE maintient depuis l’été son taux directeur inchangé à 0,75 %, un niveau historiquement bas, preuve qu’elle ne craint pas le retour à une hausse des prix et que sa priorité est plutôt la relance de l’économie.

Là, franchement, entre nous, je rigole, que dis-je, je m’esclaffe, je m’en tape sur le ventre de rire, c’en est presque à se rouler par terre. Accrochez-vous bien, c’est une surprise ENOORMEU… : le chômage américain est en forte hausse. Il faut dire que c’est uniquement la faute d’une fille. C’est toujours la faute des filles. Demandez à ma femme. La coupable, c’est Sandy (la tempête).

Tout de même, ils sont très forts ces Américains, et puis ils ont de la chance. À force de tripatouiller les statistiques pour aider à la réélection d’Obama, il fallait bien un jour ou l’autre mettre le bon nombre de chômeurs ou presque dans les cases. Et là, comme par hasard, un ouragan !! Moi je pense que c’est un coup de la CIA… Sandy devait être un agent infiltré (c’est du second degré, nous n’avons pas la preuve que Sandy travaille à Langley, même si elle est passée au-dessus). « Les nouvelles inscriptions au chômage ont connu aux États-Unis leur hausse la plus forte en plus de sept ans après le passage de l’ouragan Sandy sur le Nord-Est du pays, selon des chiffres publiés jeudi à Washington par le département du Travail.

Le ministère a recensé le dépôt de 439 000 demandes d’allocations de chômage dans le pays du 4 au 10 novembre, en données corrigées des variations saisonnières, soit 22 % de plus que la semaine précédente.

En volume, les inscriptions ont connu leur hausse la plus importante depuis le début du mois de septembre 2005, et l’indicateur du ministère est repassé au-dessus de la barre des 400 000 nouveaux inscrits pour la première fois en un peu plus d’un an. La hausse annoncée par le ministère est bien plus élevée que ne le pensaient les analystes dont la prévision médiane donnait l’indicateur du gouvernement à 388 000 nouveaux chômeurs. « Conséquence de l’ouragan Sandy, plusieurs États ont connu une forte hausse des nouvelles inscriptions au chômage », a indiqué sans plus de détails un représentant du service des statistiques du ministère, qui parlait sous le couvert de l’anonymat.

Sandy a entraîné de nombreuses fermetures d’entreprises ou suspensions d’activité dans les zones durement frappées par son passage sur le Nord-Est du pays dans les derniers jours d’octobre.

Plusieurs analystes ont averti que les effets de cette catastrophe naturelle meurtrière risquaient de se faire sentir pendant plusieurs semaines sur les chiffres hebdomadaires des demandes d’allocations de chômage mais qu’ils devraient se dissiper au fil du temps.

J’adore cette dernière phrase qui nous explique que, maintenant que le 6 novembre est passé, tout va plus mal que mal et que ça risque de durer, alors que, jusqu’au 6 (novembre), en données corrigées des mauvaises nouvelles, tout allait pour le mieux et que l’inflation hors tout ce qui monte était sous contrôle, ou encore que les bénéfices nets hors pertes exceptionnelles étaient au plus hauts…

Non, vraiment, cela faisait longtemps, très longtemps que nous n’avions pas été pris à ce point pour des crétins. Je crois même que cela remonte à 1986… Lorsque l’on nous avait expliqué que le nuage radioactif de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières grâce à l’anticyclone des Açores…

Remarquez, ça marche, alors autant ne pas s’en priver.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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