Le président de la République a annoncé lors de sa conférence de presse de novembre 2012 qu'il ferait 60 Mds € d'économie dans les dépenses publiques d'ici à la fin de son quinquennat. L'opération doit commencer à l'occasion du budget 2014 -9 Mds €-et de la loi de financement de la sécurité sociale-6Mds €. Mais déjà les doutes se font jour sur la possibilité d'y parvenir.
Pour répondre à cette promesse, trois solutions s'offrent au gouvernement
La première est de mesurer ces 60 Mds € par rapport à la tendance d'évolution des dépenses publiques. Cela revient à s'inscrire dans la logique sur laquelle se fonde le nouveau traité européen –le TSCG-. Concrètement, reprenons les dépenses publiques en 2011. Elles étaient de 1118Mds €. En 2017, compte tenu de la croissance potentielle de l'économie française (3% en valeur) un objectif de maintien du poids de ces dépenses publiques dans le PIB permet une augmentation de 220 Mds €. Aller au-delà et remplir l'objectif présidentiel d'une économie de 60 Mds € revient à limiter cette hausse à 160 Mds €. Dès lors, le simple jeu de pression qu'exerce la direction du Budget à Bercy sur chaque administration devrait permettre de parvenir à l'objectif. Il suffit d'un mélange de contraintes plus ou moins appuyées, de retour sur le catalogue de la très sarkozienne RGPP-pour « révision générale des politiques publiques » -, devenue la très hollandaise MAP-pour « modernisation de l'action publique »-, de limitation de chaque poste de dépense à son niveau symbolique atteint en valeur en 2012 et de réduction à petite vitesse des effectifs.
La deuxième est d'agir à la hache. La masse salariale de la fonction publique au sens large représente 270 Mds €. Les prestations sociales 400 Mds €. Il y a là plus de 50% des dépenses publiques. En faisant un abattement de 10% sur ces revenus, ce qui reste en deçà de ce qui fut fait en Grèce ou même en Espagne, on arrive au résultat. Et il est logique de faire valoir aux populations concernées, notamment les fonctionnaires et les retraités, qu'il n'est pas inique de leur demander un effort à eux qui ont la garantie du revenu dans une période de chômage élevé et donc d'incertitude sur leur avenir pour beaucoup de salariés.
La troisième est de constater que les dépenses publiques servent à fournir à la population des services : la santé, l'enseignement, la sécurité publique, la sécurité des vieux jours... La question est dès lors non pas de s'interroger sur le volume des dépenses et de porter un jugement péremptoire négatif ou positif sur leur montant mais de s'interroger sur leur coût rapporté à leur qualité et à la réalité du service rendu. Les dépenses de santé ne sont pas trop élevées en tant que telles-elles ont même vocation à continuer à croître compte tenu du vieillissement de la population- si on peut démontrer qu'elles sont à l'origine de l'augmentation de l'espérance de vie. Or, en économie le seul moyen qu'il y a de vérifier qu'une dépense est efficace et qu'elle ne sert pas à alimenter une rente est de mettre l'opérateur de cette dépense en concurrence.
Le gouvernement s'oriente manifestement vers la première solution. Les nécessités de la réalité économique et la pression des marchés pourraient conduire dans l'urgence et la précipitation à la deuxième comme on l'a vu en Europe du Sud. Mais c'est la troisième solution qui est la plus porteuse d'avenir sur le plan économique car c'est celle qui correspond à une vraie réflexion en profondeur sur le rôle de l'Etat et l'avenir de l'Etat providence. Evidemment, c'est aussi la plus difficile à mettre en œuvre, surtout pour un gouvernement de gauche qui semble se considérer en devoir de défendre les statuts et les acquis des agents publics. Pourtant, déjà en 1869, les républicains qui incarnaient la gauche de gouvernement de l'époque avaient réfléchi aux contours de l'Etat et aux conséquences de l'action publique. Et ils avaient mis dans le programme de Gambetta comme seul engagement économique : « supprimer les privilèges et les monopoles car ils sont source d'oisiveté ».
Cet engagement reste d'actualité. Il devrait être au centre de l'action de la gauche d'aujourd'hui. Cela veut dire qu'il faut supprimer les monopoles publics, c'est-à-dire le monopole dans l'enseignement-privatiser très vite les Universités- ; dans la santé – mettre la sécurité sociale en concurrence avec des assurances privées- ; dans la retraite-créer des fonds de pension... En un mot, il faut résorber « l'oisiveté » de Gambetta en organisant la baisse des effectifs publics non seulement par non remplacement des départs à la retraite mais par privatisation massive.