Sans une classe politique plus éthique, la finance responsable n’émergera pas

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Par Eric Delannoy Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

Figure emblématique d’une finance « toute puissante » d’avant la crise, Jérôme Kerviel vient de voir sa condamnation pénale confirmée par la Cours de Cassation. Pourtant, une partie de la classe politique appelle à la relaxe de ce dernier et à la condamnation de la Société Générale.

Analyse

Tout chef d’entreprise ne peut qu’être consterné par cette opposition permanente mise en avant par la classe politique entre les "méchantes entreprises" et "les pauvres salariés", discours idéologique d’un autre âge. C’est pourtant une constatation évidente dans le cas du débat autour du verdict dans l’affaire Kerviel. Cela est en outre peu propice à la nécessaire instauration d’un climat de confiance entre une entreprise (porteuse de sens, de construction de sociabilité, et véhicule des énergies créatrices) et ses salariés dont ces derniers en constituent la richesse humaine sans laquelle aucune réalisation du projet collectif entrepreneurial n’est possible.

Contrairement à ce qu’on entend, Jérôme Kerviel ne va pas en prison parce qu’il a fait perdre de l’argent à la Société Générale (ce qui serait au mieux de l’ordre de la sanction disciplinaire au pire du ressort des Prud’hommes) mais parce que cette perte s’inscrit dans un ensemble d’actes délictueux volontaires qu’on ne peut admettre dans un état de droit qui doit garantir la sécurité de l’action économique.

Décryptage et enjeux

Sans exonérer le défaut de contrôle de la Société Générale - qu’il faut néanmoins replacer dans le contexte euphorique d’une finance toute puissante de l’époque - il est faux de prétendre que le jugement de la Cour de Cassation exonère la Société Générale de sa responsabilité. Celle-ci se traduit par le lourd tribut qu’elle a payé pour ses défauts de fonctionnement :

- Les conséquences de cette affaire ont été considérables pour la Société Générale et ont fragilisé une des principales banques françaises pendant 3 ans : 5 milliards de pertes, un renouvellement complet du top management, une refonte intégrale des procédures de gestion du risque, une chute du cours de bourse de plus de 60 %, une perte de confiance interne et d’image externe.....

- Les banques ont pris toute la mesure de ce drame financier et humain : il a provoqué la plus grosse remise en cause du système bancaire de marché et de son fonctionnement de ces 50 dernières années et a participé à la refonte du modèle de banque d’investissement (pratiques de rémunération des traders, procédures de contrôle et de management, activités de trading en elles-mêmes...)

- Si nous souhaitons un secteur bancaire fort au service d’une croissance responsable, alors que le modèle bancaire français montre sa résilience face à une crise qu’il a plus subie que provoquée, il faut d’urgence tourner la page de cette mauvaise affaire qui n’aurait jamais existé sans le comportement coupable d’un trader en mal de reconnaissance.

Il y a eu une affaire Kerviel. Pourtant, ce n’est pas rendre service à rendre à l économie française de la transformer en une affaire Société Générale anachronique…
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Eric Delannoy, 47 ans, est vice-président de Weave. Diplômé de l'ENSAE, de Dauphine et de Science Po Paris, il a commencé sa carrière chez Cetelem avant de devenir directeur chez PricewaterhouseCoopers puis, en 2003, responsable de la business unit CRM pour le secteur finance chez IBM Business Consulting Services. Il a rejoint Weave en 2005 pour créer l’activité banque.

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