Les marchés se font à l’idée que tout va rester incertain pour un temps en matière de relations sino-américaines. On doit donc étendre ses horizons ! Du côté de la croissance, avril paraît médiocre ; un appel à la vigilance. Du côté de la politique, la Maison Blanche semble traiter de façon différenciée la Chine et ses alliés ; tant mieux !
Les professionnels des marchés de capitaux sont passés par une phase de stress. Les négociations commerciales sino-américaines se sont tendues. Pourquoi et quelles peuvent les implications ? La réponse apportée par les investisseurs et les opérateurs, pour ce qu’on arrive à en lire, serait la suivante : la genèse n’a pas vraiment été clarifiée, ce qui est en soi une difficulté, et les conséquences seraient moins un échec annoncé qu’une conclusion, certes heureuse, mais retardée et seulement au bout d’un dialogue compliqué, voire acrimonieux. Ce qui évidement ne rend pas très confortable. Il n’empêche que, dans ces conditions, les habitudes tendent à revenir ; et le marché de repositionner ses anticipations en matière d’économie, de politique (il n’y a pas que les discussions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis !) et de banques centrales. Où en est-on ?
Les indicateurs d’activité, publiés ces dernières heures, sont un peu décevants. Au moins ceux qui orientent le regard sur ce que devrait être le profil de la croissance au deuxième trimestre. En-effet, le chiffre du PIB allemand de T1 est bon (+0,4% d’une période à l’autre) et vient confirmer que, dans chacune des trois grandes zones de l’économie mondiale (Chine, Etats-Unis et Zone Euro), le début de l’année a été meilleur qu’attendu. Disons-le tout net : les statistiques « en dur », qui commencent à tomber, viennent confirmer le message envoyé par les enquêtes de conjoncture : le mois d’avril est médiocre. De quoi considérer comme crédible l’hypothèse d’un tempo de la conjoncture en retrait au cours du printemps, relativement à ce qu’il a pu être lors de l’hiver. Une sorte de correction en quelque sorte ; sans que cela ne remette en cause l’idée que le « trou d’air » est mis derrière.
En Chine, la batterie habituelle d’indicateurs (production, industrielle, investissement et ventes au détail) n’a pas fait preuve d’un dynamisme marqué le mois passé. Les glissements sur un an sont en retrait par rapport à la période précédente. Il faut dire qu’en mars, au sortir des fêtes du Nouvel An, une accélération avait été notée. Là où elle avait été la plus forte (ventes au détail et production), le ralentissement d’avril est le plus marqué. Bref et à priori, rien de très inquiétant ; si ce n’est le risque d’un T2 un peu décevant en termes de PIB. Mais avec alors l’assurance que le gouvernement distillera ces mesures de relance dont il a le secret, pour assurer quelque chose de plus robuste pour T3.
Aux Etats-Unis, les ventes au détail et la production industrielle ont aussi déçu en avril. De quoi considérer qu’au vue de l’information connue à aujourd’hui la consommation des ménages et le PIB pourraient être en retrait en T2 par rapport à T1. Ainsi, concernant cette deuxième donnée économique, la Fed d’Atlanta a revu son estimation « instantanée » (le GDP Now) de 1,5% à 1,1%. Ne considérons pas que « la messe est dite » ; mais il faudra par la suite des chiffres plus robustes pour que la perception de la progression du PIB aille s’améliorant. Cela devrait être le cas. Mais celle-ci devrait rester en-deçà de celle du premier trimestre (+3,2% T sur T et en rythme annuel).
Passons à l’environnement politique. La Maison Blanche sursoit la décision de relever les taxes sur les véhicules automobiles importées de Corée, du Japon et d’Europe. La période de « gel » pourrait durer jusqu’à six mois. La nouvelle a été reçue positivement par le marché. Il faut dire que celui-ci est tenté de raisonner par analogie : des Etats-Unis durs avec la Chine et pouvant donc l’être avec d’autres partenaires, fussent-il des alliés. Ainsi, le marché avait lu la décision américaine de surtaxer 11 milliards de dollars d’importations européennes, dans le cadre du différent sur Airbus, comme une preuve de la légitimité de ces craintes. En oubliant que la mesure est prise dans le strict cadre de la légalité internationale, c’est-à-dire dans le respect des règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Bref, pour le moment et dans une très large mesure, la Maison Blanche ne « met pas dans le même sac » la Chine et les alliés. Tant mieux ; l’enjeu est d’importance pour l’Union Européenne. En 2018, l’excédent européen avec les Etats-Unis en matière de véhicules automobiles atteignait 32 milliards d’euros.
Les nouvelles sur le front des relations sino-américaines sont moins bonnes. La Maison Blanche prend des initiatives visant à empêcher Huawei d’avoir accès tant au marché américain qu’aux fournisseurs américains. Dans le même temps, elle ne semble pas spécialement pressée de reprendre les discussions commerciales ; ce qui ne veut pas dire du tout que cela ne se fera pas. L’Administration Trump envoie le message qu’elle veut être « le maître des horloges ».
Dans ce contexte incertain, le marché guette tout signe en provenance de Pékin. Un point qui revient souvent actuellement est de savoir si le gouvernement chinois pourrait se mettre à vendre des titres d’Etat américain. On sait qu’il en détient beaucoup (1121 milliards de dollars au dernier comptage). De fait, en mars, le portefeuille a baissé de 10 milliards. Un début de preuve de la volonté de Pékin de prendre des mesures de rétorsion ? Disons que la question souffre d’un problème de concordance des temps. En mars, il semblait que les choses se passaient bien entre les deux pays. Et puis, le montant s’inscrit à l’intérieur d’une fourchette usuelle de fluctuation (depuis le printemps 2013, elle est de l’ordre de 17 milliards). Sans qu’on puisse dire s’il s’agit d’une volonté de vendre ou d’une attrition « naturelle ». Enfin vendre des titres d’Etat américains peut gêner la Maison Blanche au titre des pressions haussières sur les taux longs. Mais, si cela pousse aussi à une appréciation non souhaitée du yuan, le prix à payer peut paraître élevé et freiner les ardeurs en la matière.
Reste le regard jeté sur ce que les banques centrales pourraient être amenées à faire. L’environnement incertain incite les marchés à « caresser l’espoir » qu’elles puissent assouplir davantage leur réglage monétaire. L’anticipation se comprend, même si « de la coupe aux lèvres » …