La France et le modèle Allemand ou l’impossible réunification…

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Par Jean-Paul Gomez Publié le 1 octobre 2013 à 3h41

On ne cesse de recommander l'application du modèle allemand pour notre société française. Plusieurs éléments structurels inhérents aux deux pays rendent difficiles la transposition d'un modèle à l'autre tant d'un point de vue économique que d'un point de vue social.

Ce qui fait la qualité de la société Allemande et sa capacité de changement tiennent à plusieurs caractéristiques :

  • - La structure du tissu industriel et économique de l'Allemagne faite de beaucoup de PME organisées dans des länders
  • - La structure capitalistique de ces PME autour de familles qui gèrent elles-mêmes les entreprises
  • - La qualité des produits et la capacité commerciale, issue d'un dur apprentissage au sortir de la seconde guerre, qui permet aux Allemands de fixer leur prix
  • - Les Allemands détestent le déficit ; ils en ont connu le prix en 1930
  • - La représentativité des syndicats allemands (18.6% des salariés sont syndiqués) leur permettant de s'affirmer comme des négociateurs crédibles par les dirigeants des entreprises et de l'Etat
  • - La qualité du dialogue social rend les accords négociés entre partenaires sociaux transposables dans la loi et acceptés par la population.
  • - L'Allemagne est un pays qui sait se réformer lorsqu'il le doit

Il est aujourd'hui admis que c'est grâce à la qualité des accords négociés sous le gouvernement Schröder que l'Allemagne a pu transformer, après des mois de négociations entre partenaires sociaux respectueux, l'organisation de l'assurance chômage, de la retraite et du code du travail. L'Allemagne a peu souffert de la crise économique mondiale et aujourd'hui, elle envisage de modifier légèrement la structure de cette réforme pour corriger l'appauvrissement de pans entiers de la population.

En France, la structure est radicalement différente tant du point de vue sociologique qu'économique

  • - Le tissu économique français est construit autour de très grands groupes dirigés par des « managers » formés dans les plus grandes écoles. Ces grands groupes imposent leurs règles sur le marché français.
  • - La France sait produire des produits de très haute technologie et des produits de consommation de masse
  • - Le tissu de PME est faible et très fragile du fait de la négociation permanente que les grands groupes leur imposent.
  • - Le pourcentage de syndiqués en France est faible : légèrement supérieur à 7% ; la faiblesse de ce nombre a pour conséquence de rendre les accords difficilement négociables ou admissibles par la population. La qualité deu dialogue entre les partenaires sociaux est de ce fait médiocre
  • - La Loi sur la représentativité des syndicats dans les entreprises a provoqué des conflits et des dissensions entre les syndicats et de ce fait a rendu le dialogue encore plus complexe. Ainsi, l'accord de l'ANI a été signée par des organisations syndicales ne représentant probablement pas la majorité des syndiqués... La question de la légitimité de cet accord s'est posée et se pose encore bien que transposée dans la Loi.
  • - Les dirigeants des entreprises rêvent d'un monde sans syndiqués et ont un grand mépris à l'égard des syndicats.
  • - Le pouvoir centralisé de la France, malgré des tentatives de régionalisation, ne permet pas d'adapter les Lois aux spécificités des territoires et rend difficile la réforme
  • - Le Français n'a pas la culture de la rigueur économique.

Jusqu'à récemment, ces caractéristiques ont malgré tout permis de développer le modèle à la française avec ses avantages et ses inconvénients. La mondialisation et le modèle libéral s'étant imposé partout par ailleurs, ce modèle se doit d'évoluer pour rester adapté au monde. Doit-il le faire en allant vers le modèle Allemand ?

La hauteur de marche à franchir tant d'un point de vue social qu'économique entre les deux modèles est immense structurellement. Adopter le modèle Allemand demanderait des années de dur labeur collectif et d'un changement radical de conception de la société et de notre tissu économique, ce que les grands groupes ne verraient pas forcément d'un bon œil....

Et pour que cela puisse fonctionner, la première étape consisterait à encourager les salariés à se syndiquer pour rendre crédible aux yeux de la population le dialogue social entre les partenaires qui gèrent les caisses sociales.

Ce nouveau dialogue pourrait permettre de redéfinir un code du travail plus simple

Au vu de la culture de certains chefs d'entreprises qui ne tolèrent pas la présence d'un seul syndiqué ou de l'image que renvoient certains syndiqués qui ne décident de représenter leurs collègues que pour se protéger, ou bien restent arcboutés sur les acquis des années de prospérité, cela risque de prendre beaucoup de temps de convaincre un plus grand nombre de salariés d'adhérer à des syndicats afin de transformer le dialogue actuel en négociations valables et crédibles.

Les dirigeants actuels des entreprises ont le plus grand mal à considérer avec sérieux une augmentation des syndiqués dans leur entreprise les considérant comme des ennemis de leurs entreprises et non comme des partenaires socio-économiques avec qui discuter et négocier. Cela est le premier problème à résoudre et il se chiffre en années de travail.

D'ici à ce qu'il soit réalisé, la donne aura probablement à nouveau changé et le modèle allemand ne sera peut-être plus le bon élève à suivre.
Non, le modèle allemand est en pratique quasiment inadaptable au modèle français.

Par contre on peut imaginer que la France trouve son propre chemin en tenant compte de ses qualités, de ses atouts et de sa sociologie sans chercher à copier ses voisins. Redéfinir un contrat social, repenser un code du travail simplifié, ouvrir des négociations sur les notions de solidarité entre actifs et générations, voilà qui signerait certainement le retour d'une base sociologique forte qui permettrait le retour de la France dans le giron des pays qui comptent.

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Jean-Paul Gomez est économiste. Il est également auteur de nombreux articles parus dans la presse.

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