Baisse des ventes automobiles : un mal plus profond

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Par Philippe Véry et Emmanuel Metais Modifié le 6 décembre 2012 à 5h43

La forte baisse des ventes d’automobiles enregistrée sur les 11 premiers mois de 2012 serait expliquée par l’inquiétude des Français face à la situation économique de la France. Cette analyse n’est ni vraie, ni fausse : elle cache deux causes plus profondes du mal automobile français.

Primo, le marché français n’existe pas. Le vrai marché pour un constructeur est géographiquement plus large : les véhicules sortant d’une usine française sont vendus dans toute l’Europe. Ainsi la Toyota Yaris sortie de l’usine de Valenciennes est commercialisée dans 22 pays européens. La raison est économique : l’amortissement des coûts de recherche et développement et l’optimisation de la production requièrent des usines de taille conséquente d’où sortent des volumes de voitures qu’un seul marché national ne peut absorber. Par conséquent, si les chiffres du marché français informent sur l’évolution locale des ventes, les constructeurs sont logiquement plus intéressés par les chiffres agrégés au niveau de l’Europe, qui reflètent l’état de leur véritable marché. Ce marché est en baisse de 7% sur les 10 premiers mois de l’année, mais reste stable en Allemagne et s’est accru de 12,1% en Grande Bretagne.

Secundo, les choix de positionnement stratégique des constructeurs comptent. L’agrandissement des disparités de ressources qui caractérise les populations des pays européens se traduira par une restructuration du marché, restructuration qui est déjà en marche. Le haut de gamme séduira encore davantage les plus aisés. Le segment du moyen/milieu de gamme se réduira fortement, de façon inexorable. Le low-cost, l’achat d’occasion, ou le renoncement à l’achat – en ayant recours à la location libre-service – deviendront les seules solutions envisageables pour les plus démunis, ou pour ceux désireux de changer un rapport à l'automobile qu'ils jugent trop patrimonial.

Les innovations environnementales n’intéresseront à court terme que ceux qui ont les moyens de se les payer. Les constructeurs qui survivront seront ceux qui anticiperont au mieux ces tendances lourdes. La pérennité sera aussi liée aux choix de déploiement géographique : le marché européen a peu de chances de se réveiller et les opportunités de croissance sont situées hors d’Europe, en particulier en Chine, Russie, Inde, Turquie et Mercosur.

La décroissance du marché français nous inquiète, pour nos constructeurs nationaux – tant critiqués – comme pour l'emploi national. Cependant, elle n’est qu’une turpitude au sein d’une économie mondiale de l’automobile qui fait fi des frontières politiques. Cette chute constitue un double signal : signal d’évolution dans l’acte d’achat et signal d’évolution géographique contrastée. Et donc signal du besoin d’une véritable stratégie permettant de saisir les opportunités offertes par ces tendances de fond. La survie de nos constructeurs dépendra de l’évolution rapide de leur gamme et de leur positionnement international.

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Philippe Véry est Professeur de stratégie au Département Hommes et Marchés de l'EDHEC et Emmanuel Métais, Directeur MBA EDHEC.

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