Bonheur et luxe, des valeurs en baisse ?

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Par Marc Faber Publié le 4 avril 2014 à 2h37

Dernièrement, j'ai assisté à une conférence où l'un des orateurs suggérait aux investisseurs d'acheter des "actions du bonheur", comprenant par là les actions d'entreprises du secteur du luxe comme LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton), L'Oréal, Prada et Tiffany (il a également prôné les actions de fabricants de bateaux de plaisance haut de gamme) ainsi que Nestlé (parce que cette entreprise fabrique et distribue des chocolats). A en croire cet expert des biens de consommation, les gens dans le monde entier essaient d'acheter du bonheur, et justement ces entreprises fournissent des "biens du bonheur".

Personnellement, je trouve ce concept "d'actions du bonheur" assez bizarre car chacun a une conception différente de ce qui le rend heureux, tout dépend de son statut socio-économique. Ceux qui ont des revenus faibles peuvent se considérer heureux s'ils ont assez d'argent pour acheter de la nourriture, payer leur loyer, acheter d'autres biens nécessaires de la vie courante et si en plus il leur reste quelque chose pour acheter des cigarettes, de l'alcool, des sucreries, des tickets de cinéma, des billets de loterie, de l'électronique, des vêtements, etc.

D'un autre côté, les gens riches, eux, peuvent considérer que le bonheur réside dans le fait d'avoir assez d'argent pour acheter une maison de prestige ou un yacht, une montre de luxe, des vins fins, des vêtements de marque, des œuvres d'art et des pièces de collection, etc. Dans les deux cas, chaque achat donnera à l'acheteur une certaine satisfaction initiale (bonheur), indépendamment du fait qu'il s'agisse d'un produit de luxe ou d'un produit de la vie courante.

Le bonheur en tant que thème d'investissement

En d'autres termes, le "bonheur" revêt des formes diverses et variées, tout dépend des préférences du consommateur. Mais je comprends ce que l'orateur de cette conférence voulait dire. Des centaines de millions de personnes à travers le monde entrent aujourd'hui dans la classe moyenne, les marques de luxe étant les premières bénéficiaires de cette tendance sociale.

Au cours des dernières années, la demande pour les produits de luxe a été principalement portée par les consommateurs des pays émergents (en particulier les Chinois) qui ont acheté ces témoins de l'amélioration de leur statut social. Par conséquent, si nous supposons qu'il y avait -- et qu'il y a encore -- un malaise dans les économies émergentes, un ralentissement de la demande pour les produits de luxe est quasiment une certitude.

Je me dois également de mentionner que la concurrence entre les produits de luxe est féroce et que certaines marques peuvent avoir vu trop grand en ouvrant des magasins dans des endroits très chers. Que tout ne soit pas rose au Pays du Luxe est une évidence si l'on considère la récente performance du cours des actions de plusieurs entreprises. LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton) est en dessous de son plus haut de 2012 et L'Oréal est plus bas qu'elle ne l'était en 2011. Au cours de cette même période, le maroquinier américain Coach a implosé.

Plus de taxes, moins de plus-values ?

Dans la plupart des pays, nous assistons à une augmentation de la richesse et des inégalités de revenus. Afin d'apaiser la majorité de ceux dont les revenus et la richesse n'ont pas pu beaucoup augmenter, les impôts sur les plus-values, sur les actifs et sur les produits de luxe vont sans doute augmenter. Prenons l'exemple de Singapour. Selon le Financial Times du 6 février 2014 :

"A Singapour, les ventes de 'super-voitures' se sont effondrées de plus de 90% pour atteindre leur plus bas niveau des années après que les mesures gouvernementales prises pour réduire les inégalités sociales croissantes ont commencé à avoir des effets néfastes. Le nombre de plus en plus important de milliardaires dans la Cité-Etat asiatique a été un aimant pour les fabricants automobiles comme Maserati, Lamborghini et McLaren. (...). Mais le gouvernement, de plus en plus inquiet à propos de l'écart important entre la population riche et la population pauvre de Singapour (...). Une des mesures a consisté à augmenter la taxe sur les véhicules tandis que l'autre a augmenté la proportion de l'acompte dont les conducteurs ont besoin pour acheter une voiture via un prêt. Ces mesures ont fait dégringoler les ventes de voitures de luxe : ainsi, les immatriculations de Ferrari ont chuté de 92% au deuxième semestre de l'année dernière par rapport au premier semestre".

Certes, cela ne signifie pas que les taxes augmenteront sur les carrés Hermès, les produits de beauté L'Oréal, les vêtements Chanel, les sacs Louis Vuitton et les polos Ralph Lauren. Mais si le climat social se détériore, les riches pourraient décider de réduire leurs signes d'opulence.

Je reviens au secteur du luxe parce qu'il est probable que nous sommes au beau milieu d'une énorme bulle dans ce secteur (propriétés à Mayfair, dans les Hamptons, à Manhattan et à Newport Beach, montres, vins fins, lieux de loisirs, magasins de mode, chirurgie esthétique, palaces, jets privés, franchises sportives, œuvres d'art et objets de collection, etc.). Ce secteur est extrêmement vulnérable face aux bureaucrates du fisc du monde entier et face au ressentiment de 50% des ménages parmi les moins aisés.

Où que j'aille, j'entends parler de la façon dont les étrangers (principalement des Chinois, des Latino-Américains, des Moyen-Orientaux et des Russes) achètent ou achèteront dans le futur ces propriétés, les peintures de tel artiste, des montres de luxe, telle voiture de prestige, etc. Si l'on considère le ralentissement significatif des économies émergentes, l'affaiblissement de leur monnaie surtout en Chine "la source de toutes les bulles de crédit", je serais bien moins enthousiaste à propos du secteur du luxe.

[NB : Si le luxe faiblit, vers quels domaines vous tourner pour faire fructifier vos investissements ? Vous trouverez des éléments de réponse jour après jour en cliquant ici.]

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Marc Faber est un investisseur international réputé pour l'exactitude de ses prévisions (le plus souvent dérangeantes) à propos des marchés actions et des marchés des contrats à terme. Surnommé Dr Catastrophe, ce docteur en économie de l'université de Zurich spécule sur les devises et les matières premières telles que le pétrole et l'or.

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