La sidérurgie est morte, vive la sidérurgie !

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Par Clément Gracyk Modifié le 10 décembre 2012 à 5h42

C’est un des évènements qui monopolise le plus l’actualité : Florange, et l’avenir des hauts fourneaux du site d’Arcelor-Mittal. Le gouvernement monte au front, les syndicats se font réentendre… Bref, tout le monde veut en parle. Si bien qu’on est un peu perdu entre joie du « sauvetage » et déception des 180 millions proposés… Alors qu’en est-il vraiment, et surtout, est-ce que la sidérurgie a encore sa place en France ? Essayons deposer tous les éléments du puzzle…

Retour sur l’accord

« On est pas neuneu ». C’est l’une des nombreuses déclarations des syndicats à l’annonce du plan de 180 millions proposé par Mittal pour sauver les hauts fourneaux. Même si Jean-Marc Ayrault ne confirme pas lors de son intervention télévisé au journal de 20h de France 2, il semblerait que seul 53 millions soient destinés à l’investissement stratégique, qui est pourtant le nerf de la guerre dans cette affaire. La victoire de ce plan, c’est qu’il n’y aura pas de plan social sur le site. L’autre point fort de l’accord, c’est le projet Ulcos. Mais ça, c’est encore une autre histoire…

Retour sur le projet Ulcos

Alors si il y a un point de l’accord qui fait grincer, c’est bien le projet Ulcos. Et pour cause, il est censé remettre les hauts fourneaux sur les rails… Mais rien ni personne ne peut garantir qu’il sera vraiment mis en application. Explications. Le projet Ulcos, c’est un projet européen de captage et de stockage du dioxyde de carbone. Ulcos signifie d’ailleurs « Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking ». Un consortium va financier le projet, mais il est indispensable que l’Union Européenne vienne également en aide pour le financement, car le projet porte sur le milliard de dollars pour pouvoir être mis en application… La commission européenne se prononcera le 20 Décembre d’ailleurs.

Les limites du projet Ulcos

Sur le papier, avec Ulcos, Florange verra tous ses problèmes réglés. Sauf que, dans le concret, c’est loin d’être le cas. Car si on observe un peu plus le projet, on se rend compte que Ulcos ne porte que sur un des deux hauts fourneaux du site français. Et surtout, c’est un projet qui ne règle pas les problèmes du site sur le court terme. Car au fond, le soucis est bien plus grave qu’un simple problème d’argent… D'après ArcelorMittal, le projet Ulcos pour Florange est retiré à cause de « difficultés techniques »… C’est donc un vrai camouflet dans l’accord qui avait été passé.

Les autres solutions qui étaient possibles

Les syndicats hurlent, car pour eux d’autres solutions proposées étaient bien plus intéressantes. En première ligne, la nationalisation proposée par Arnaud Montebourg. Mais était-ce vraiment la solution ? Au risque de déplaire, la réponse est clairement non. Il n’y a aucune raison viable pour nationaliser, que ce soit sur le court ou le long terme, le site de Florange. L’opération coûterait plus d’un milliard d’euros, pour un résultat qui ne serait absolument pas garanti. Et si on pense à un autre moyen de financement, l’Etat aurait du céder 1% de ses parts dans EDF pour pouvoir financer l’opération. Un gouffre financier, surtout que cela engendre une expropriation d’une entreprise internationale… Et donne un message fort aux entreprises du monde entier : ne venez pas chez nous. L’autre solution, c’était l’offre de 400 millions du groupe Indien de sidérurgie, dont l’objectif était de venir en Europe. Vous allez me dire que 400 millions c’est mieux que 180, et que c’est toujours un projet plus concret que Ulcos. Alors oui, c’est vrai, mais là encore, si on regarde le fonctionnement, les problèmes du site de Florange auraient été les mêmes, qu’ils soient Indiens ou Français : il faut un investissement pour la logistique très fort, ce que l’Indien n’aurait sans doute pas pu faire. Alors au final, y avait-il une solution viable ?

Quand le manque de solutions donne une réponse…

Vous allez me dire que j’ai beaucoup critiqué, et qu’au final toutes les réponses ont été contestées. C’est vrai, mais ça veut bien dire que le problème est bien plus profond. En fait, la vraie question dans cette affaire, est de savoir si la sidérurgie a encore sa place en France. Pour rappel, Florange est le dernier site de sidérurgie dans l’hexagone. La réponse, là encore, est sans aucun doute non. Aujourd’hui, dans un monde globalisé, la sidérurgie à un avenir à l’Est et dans des villes où se trouvent un port (pour amener le charbon et le fer simplement). C’est triste pour les travailleurs, oui. Mais c’est la mondialisation qui veut ça, notre pays est amené à abandonner certaines industries pour en privilégier d’autres…

Les avantages comparatifs

Cela permet de faire un gros plan sur l’avantage comparatif, et vous expliquer un des principes fondateurs de l’économie. Une théorie de 1817 pour être précis, mais qui illustre bien mes propos quand je dis que la France doit abandonner des industries. C’est une théorie de David Ricardo, un grand économiste. Que dit-elle ? « Dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il sespécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, comparativement à ses partenaires, accroîtra sa richesse nationale » . Vous voyez où je veux en venir ? C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui pour les hauts fourneaux: la sidérurgie n’a plus sa place en france car elle n’apporte pas un avantage comparatif fort, sa place est dans d’autres pays. La France doit mettre en avant les industries où elle possède ce fameux avantage comparatif…

Le mal Français

Le chômage est presque à 10% de la population. Un chiffre qui fait froid dans le dos. Mais si je vous demande où sont nos avantages comparatifs, êtes-vous capable de me les donner ? Car le problème, au travers de l’affaire de Florange, c’est que la France n’accentue pas assez ses avantages comparatifs. Où sommes-nous plus fort que les autres pays ? Où doit-on appuyer pour créer de l’emploi et faire face à la concurrence ? Car il faut voir les choses en face, l’industrie française ne pourra jamais rivaliser face à la Chine sur certains secteurs comme le textile, c’est économiquement impossible. Alors où peut-on s’en sortir ? Si l’on en croit les dernières données en date de 2007, nous avons des points forts dans l’aéronautique, les produits pharmaceutiques et les instruments de mesures. Par contre, nous ne sommes plus bon en ce qui concerne les télécommunications et les instruments informatiques.

Remettre en cause le modèle

Il est vrai que cet article est un peu long, mais je pense qu’une partie du vrai problème vient d’être soulevé. Le problème n’est pas de perdre le site de sidérurgie de Florange, le problème est que le système n’a pas les ressources actuellement pour permettre une reconversion rapide du personnel dans un autre secteur. Il faut remettre en cause le système, et rapidement. Et les chiffres du chômage le prouvent, les formations ne suffisent plus aujourd’hui pour permettre à tout le monde d’apprendre un nouveau métier. Bien sûr, sur le papier c’est très simple de demander une remise à jour du système, mais en réalité c’est plus compliqué. Mais le fait est, qu’un moment donné, il va falloir y passer. Car du travail, en France, il y en a. Je ne pense vraiment pas que la France soit un désert où plus personne ne pourra trouver de travail. Je ne pense pas non plus qu’il faille partir dans un autre pays pour s’assurer un emploi. Mais si la France commençait à jouer sur ses points forts plutôt que d’essayer de satisfaire tout le monde, alors peut-être que la roue de l’économie pourrait se remettre à tourner correctement. Ce que l’on voit aux informations en ce moment au travers de l’exemple de Florange, c’est l’image de notre industrie aujourd’hui. Jean-Marc Ayrault l’a dit sur France 2, le travail du gouvernement est de prendre ses responsabilités… Alors c’est le moment.

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Créateur de  Time To Think, je suis passioné par les nouvelles technologies, les sciences de l'information, le management et l'économie. J'aime essayer de montrer l’actualité sous un autre angle pour ne pas rester sur la présentation des grands médias nationaux

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