Investir dans les entreprises numériques en Allemagne : logique opportuniste ou stratégie à long terme ?

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Par Wolfgang Krause Publié le 25 janvier 2016 à 5h00
Allemagne Entreprises Numerique Investissement
@shutter - © Economie Matin
1500L'Allemagne compte 1 500 leaders mondiaux en matière de numérique.

Au cours des deux à trois dernières années, l’Allemagne s’est hissée en tête des destinations privilégiées par les sociétés de capital-risque (VC) en digital en Europe, devant le Royaume-Uni. Cela s’explique notamment, par de nombreuses success stories telles que Zalando, Trivago ou encore Rocket Internet, qui ont généré des millions d’Euros de plus-values et fait émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs allemands.

Les sociétés du numérique soutenues par des fonds de capital-risque allemands ont généralement beaucoup de succès auprès des grandes entreprises internationales. Pour exemple : acquisitions de Wunderlist par Microsoft, de Retailo par Blackhawk, de Tradoria par Rakuten et de Quandoo par Recruit Nombre d’entreprises allemandes ont suivi l’exemple des grands groupes étrangers, affichant leur intérêt croissant vis-à-vis de l’Allemagne, en ouvrant leurs départements M&A (fusions et acquisitions) sur le territoire national.

Il n’est pas surprenant de constater que « la scène française du capital-risque » se tourne également vers l’Allemagne, faisant ainsi émerger un certain nombre de fonds outre-Rhin. Néanmoins, reste à savoir si cette stratégie obéit à une logique opportuniste - disposer d’un bureau à Berlin semble être un must have pour les principaux Fonds européens, ou, si cela s’inscrit dans une stratégie à long terme, dont l’objectif est de s’ancrer profondément dans la communauté Venture allemande.

Sans réflexion stratégique à tous les niveaux, point de salut

Dans des pays centralisés comme la France et l’Angleterre, choisir la situation géographique de son bureau, que ce soit à Paris ou à Londres, se fait facilement. A contrario, en Allemagne, la décentralisation a toujours été privilégiée. L’emplacement peut se révéler important mais il dépend d’une multitude de facteurs tous aussi stratégiques. Si Berlin est certainement le Hub majeur pour les belles histoires digitales BtoC, il faut garder en mémoire que l’une des forces majeures de l’Allemagne découle d’une longue tradition B2B.

En effet, l’Allemagne a toujours été le fournisseur des industries du monde entier, avec plus de 1500 leaders mondiaux dans le « Mittelstand ». Parmi ceux que l’on appelle à juste titre les « champions cachés », on compte un large éventail de start-ups B2B spécialisées dans le secteur du logiciel et des technologies innovantes, qui continuent de s’inscrire dans cette tradition. La taille et la densité industrielle du marché allemand sont des atouts supplémentaires dont bénéficient ces mêmes start-ups qui connaissent des croissances rapides.

Munich, Cologne et Hambourg sont des emplacements aussi judicieux et importants que Berlin. Mais pas seulement ! De multiples villes telles que Leipzig, Dresde, Karlsruhe, Francfort et Stuttgart disposent d’un réseau actif de communautés de start-ups. Sans oublier toutes les petites places rurales comme par exemple la ville de Montabaur ou United Internet, un des plus grands acteurs dans l’internet en Allemagne, a son siège social.

Autre point non négligeable : le paysage des investisseurs allemands est plutôt fragmenté. Tandis que le « fédéral » gardait la main sur le KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau - Établissement de crédit pour la reconstruction) et que le « semi-fédéral » sponsorisait le High Tech Gründerfonds (le fameux fonds d’amorçage basé à Bonn), on a vu les 16 états allemands créer leurs propres véhicules d’investissement, comme le BayernKapital ou le SachsenFonds (TGFS).

Munich demeure néanmoins la première scène allemande de l’investissement institutionnel avec des acteurs tels que Holtzbrinck Venture, Acton, Seventure Partners, Xange et de nombreux autres. Il faut également noter que l’Allemagne héberge beaucoup de Business Angels locaux, et que les industriels allemands deviennent eux-mêmes de plus en plus actifs en tant que VC, que ce soit via des investissements directs ou indirects.

Il reste une dernière chose importante à savoir : à la différence de la France et de l’Angleterre où la plupart des acteurs ont un background commun basé sur des réseaux établis d’anciens élèves ou professionnels, les réseaux allemands sont principalement informels et se construisent seulement au gré des collaborations professionnelles.

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Investisseur allemand francophone - et francophile ! - Wolfgang Krause est l'un des Venture Partners exclusifs de Seventure Partners depuis 2008. Basé à Munich, il est en charge de la prospection et de l'étude des opportunités d'investissement dans le domaine des Technologies digitales sur tout le territoire allemand.

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