La réglementation applicable aux taxis glisse vers le grand n’importe quoi. Après les blocages que les chauffeurs parisiens avaient imposés au printemps, une décision du Conseil Constitutionnel vient de mettre les pieds dans le plat: le cumul des métiers de taxi et de chauffeur de voiture de tourisme est possible.
Les taxis peuvent cumuler
Tout est venu d’une question prioritaire de constitutionnalité, qui a mis sur la table le sujet qui fâche: pourquoi seuls les taxis peuvent-ils bénéficier d’une convention avec la sécurité sociale pour transporter les patients? pourquoi les fameux VTC en sont-ils exclus? et, ce faisant, pourquoi l’article L. 3121-10 du code des transports dans sa rédaction issue de la loi du 1er octobre 2014 prévoit-il: « L’exercice de l’activité de conducteur de taxi est subordonné à la délivrance d’une carte professionnelle par l’autorité administrative. Il est incompatible avec l’exercice de l’activité de conducteur de voiture de transport avec chauffeur ».
Le plaignant revendiquait la possibilité, en tant que VTC, d’exercer, avec un véhicule différent et conforme à la réglementation, le métier de taxi conventionné par la sécurité sociale pour le transport des assurés.
Le Conseil Constitutionnel lui a donné raison en considérant que l’interdiction de cumuler les fonctions de taxi et de VTC constituait une atteinte à la liberté du commerce:
en instituant l’incompatibilité prévue par les dispositions contestées, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte qui n’est justifiée ni par les objectifs qu’il s’est assignés ni par aucun autre motif d’intérêt général
Et paf! prends-toi ça dans les dents.
Les taxis sont-ils gagnants ou perdants?
Lors du vote de la loi sur les VTC, les taxis avaient obtenu une protection contre Uber en limitant les conditions d’exercice du « métier » de VTC et en préservant leur statut de taxi. Le Conseil Constitutionnel vient de mettre à bas brutalement cette protection en autorisant les VTC à exercer aussi le métier de chauffeur de taxi. Inversement, les chauffeurs de taxi qui se plaignent de payer trop de charges vont pouvoir travailler avec Uber.
Petit à petit, le Conseil Constitutionnel ouvre la voie à une normalisation par la liberté: le « producteur », c’est-à-dire le chauffeur, pourra mettre en concurrence les différentes façons d’exercer son activité. La décision du Conseil rééquilibre donc fortement le rapport de force et devrait vider le statut de chauffeur de taxi de tous les abcès qui en compliquaient l’exécution. C’était la décision la plus sage à prendre, mais elle revient, de fait, à aligner le statut de chauffeur de taxi sur celui de VTC.
Ce que les taxis ne disent pas sur Uber
Un certain nombre de chauffeurs de taxi risque de l’avoir très mauvaise. Beaucoup se sont endettés, dans les grandes villes françaises, pour acheter leur licence. A Paris, la valeur de celle-ci subit de fortes fluctuations, mais elle dépasse les 50.000 euros, et parfois les 150.000 euros. Ceux qui se sont saignés aux quatre veines toute leur vie pour la rembourser en sont pour leurs frais. Dès lors que les taxis peuvent aussi être VTC, la valeur de la licence, qui était fondée sur le monopole, va s’effondrer.
C’est un mal pour un bien, car les taxis occultent toujours les avantages concrets de la condition de VTC par rapport à la leur. En particulier, les chauffeurs de VTC disposent d’une très grande souplesse horaire, d’une grande liberté d’organisation, et ne sont pas spoliés comme les chauffeurs de taxis salariés. Qui plus est, la facturation des courses par la plate-forme numérique leur facilite grandement la vie.
En réalité, l’uberisation intelligente (c’est-à-dire sans monopole confié à Uber) permet d’améliorer considérablement la condition de taxi, en supprimant les rentes scandaleuses liées au monopole, comme l’achat de la licence à des tarifs extravagants. On rendra grâce au Conseil Constitutionnel d’avoir ouvert cette évolution fondamentale.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog