A tout propos on entend parler d'un étrange phénomène: le multiplicateur keynesien.
Un phénomène bien utile pour les gouvernements dépensiers, car il s'agit ici de justifier l'accroissement (ou la non-réduction) des dépenses publiques et de la dette.
Si vous ne savez pas encore ce dont il s'agit je vous propose la définition de ce miracle économique trouvée sur Wikipedia.
La multiplication des pains par 5
Voici comment Wikipedia démontre que quand l'Etat dépense 100 euros, cela accroit le revenu national de ... 500 euros. Un vrai miracle.
100 euros dépensés par l'État donnent lieu à une commande du même montant, qui va accroître le revenu du bénéficiaire. Revenu qui sera à son tour utilisé en dépense ou en épargne. Si le taux d'épargne du bénéficiaire est de 20%, ces 100 euros vont générer une nouvelle dépense de (100-20)= 80 euros. Cette somme est aussi utilisée par son bénéficiaire, qui peut aussi - après avoir épargné 20% - dépenser (80 - 16) = 64 euros. Et ainsi de suite... jusqu'à épuisement de l'effet : les sommes redistribuées à chaque stade s'amenuisent pour tendre vers zéro.
Au bout du compte, on constate que 100 euros de dépense publique provoquent un accroissement du revenu national plus important ( d'où l'idée de multiplication ) que la dépense initiale. Le montant de cet accroissement, sur une période infinie, est donné par la formule :
Un doute surgit néammoins: dans ces conditions, comment se fait-il que les pays champions de la dépense publique ne soient pas les plus riches?
Le miracle de Keynes
En 1936, l’économiste anglais John Maynard Keynes publie sa Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie. Il explique qu’en période de récession, les gouvernements doivent augmenter les dépenses publiques. Il va jusqu’à justifier des dépenses publiques improductives : celles-ci élèveront le niveau de la dépense privée par un effet multiplicateur, et les caisses de l’Etat se rempliront toutes seules pour payer ces dépenses, via l’impôt.
Calculer le miracle
Des économistes réputés ont consacré de longues recherches au calcul du fameux multiplicateur, notamment Olivier Blanchard le chef économiste du FMI. J'ai notamment consulté le rapport de l'OFCE (Jerôme Creel, Eric Heyer, Mathieu Plane) que vous trouverez ici si vous avez envie de creuser le sujet. Les jolies formules mathématiques ne manquent pas dans ce rapport.
Le hic, c'est que chaque économiste y va de son petit calcul, et chacun trouve un résultat différent, jugez-en plutôt!
(Le multiplicateur keynesien est censé être supérieur à 1 afin de justifier l'accroissement des dépenses publiques, s'il est inférieur à 1 et a fortiori négatif c'est qu'il y a destruction de richesse)
D'ou vient l'argent ?
On peut faire tous les calculs mathématiques du Monde, si les hypothèses sont fausses, les résultats le seront tout autant.
Revenons donc au bon sens. Il s'agit de répondre à la question: est-ce que l'accroissement des dépenses publiques a un effet favorable sur l'activité?
Pour répondre à la question, il faut se demander d'ou vient l'argent.
Ce qu'oublient les économistes keynesiens, c'est que pour pouvoir augmenter ses dépenses, l'Etat doit obligatoirement augmenter ses recettes, en accroissant les impôts, ou bien en s'endettant davantage.
L'option de la dette ne diffère pas de l'option de l'impôt pour le sujet qui nous intéresse dans ce billet, car faire de la dette aujourd'hui c'est se mettre dans l'obligation d'augmenter l'impôt demain pour rembourser l'emprunt, capital et intérêts.
Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que toutes les fois qu'il augmente ses dépenses, l'Etat prend la même somme dans la poche des consommateurs et des entreprises.
Il s'agit d'un simple transfert de l'investissement et de la consommation privée vers la dépense publique. On pourrait croire que le jeu est à somme nulle, et le "multiplicateur keynesien" serait donc égal à 1. Pas forcément. En fait pour savoir si le multiplicateur est supérieur, égal ou inférieur à 1, il faut pouvoir répondre à cette question:
- Est-ce que l'Etat fait de meilleurs choix de dépenses que les consommateurs et les entreprises, avec cet argent qu'il leur prend?
L'Etat a son domaine réservé: armée, gendarmerie, justice, dans lequel il n'y a pas réellement d'alternative à la dépense publique. L'intervention étatique est également justifiée dans d'autres cas lorsqu'une mise en commun des ressources est plus efficace que l'action privée. Ainsi dans la plupart des pays, les routes sont publiques: des routes à péage en dehors des grands axes, ce ne serait vraiment pas pratique.
L'assistance aux plus démunis fait également partie des missions de l'Etat, mais se pose la question de savoir jusqu'ou cela doit aller? entre l'aide aux personnes incapables de subvenir à leurs besoins et l'assistanat généralisé il y a un monde. Par clientélisme et par idéologie, la plupart des Etats occidentaux augmentent sans discontinuer leurs dépenses sociales. Ces Etats ne sont plus les gestionnaires de ressources mises en commun afin d'assurer la sécurité et la justice, ils sont devenus de véritables dealers qui maintiennent une large partie de la population en situation de dépendance.
Revenons à la question: l'Etat fait-il de meilleurs choix de dépenses que les consommateurs et les entreprises?
Cela revient à se demander qui va dépenser le mieux l'argent: le consommateur qui compte ses sous, l'entrepreneur qui se bat pour faire vivre son entreprise, ou bien le fonctionnaire éloigné du terrain, qui s'efforce de faire des choix intelligents pour distribuer primes, aides et subventions, mais pour qui ce n'est pas très grave de se tromper car ce n'est pas son argent. Est-il besoin de formules mathématiques compliquées pour comprendre qu'à l'évidence, le fonctionnaire fera en moyenne de moins bons choix que le consommateur ou l'entrepreneur qui eux n'ont que leur propre argent à dépenser?
Les exemples de dépenses publiques improductives ou même absurdes sont si nombreux qu'on pourrait en remplir un Wikipedia complet, je ne les listerai pas ici. Souvent les intentions sont louables, mais comme le disait Bastiat, quand l'Etat intervient et modifie les équilibres sociaux, il y a ce qui se voit (ce que voit le fonctionnaire qui prend la décision), et ce qui ne se voit pas (les effets induits et les conséquences à long terme, qui vont souvent à l'inverse du but affiché).
Augmenter les dépenses publiques = Réduire la croissance !
Le raisonnement qui précède implique que le fameux multiplicateur est en règle générale inférieur à 1: quand on augmente les dépenses publiques, on réduit la croissance à court terme (si les dépenses sont financées par l'impôt) ou à long terme (si elles sont financées par la dette).
Je conçois que ceci soit difficile à accepter pour les hommes politiques qui veulent bien faire, mais qui veulent surtout augmenter leur pouvoir en régentant l'économie et la vie des gens. C'est ce qui explique l'augmentation constante des dépenses publiques et du poids de l'Etat dans tous les pays. Les dirigeants courageux capables de faire subir une cure d'amaigrissement à leur Etat sont rares, et dés qu'ils font mine de toucher au système, les syndicats et les medias déclenchent une levée de boucliers pour que surtout rien ne change.
Pourtant il faudra bien un jour regarder la réalité en face: si un Etat est endetté à hauteur de 100% du PIB (Produit Intérieur Brut), cela signifie que dans le passé il a acheté à crédit 2% de croissance pendant 50 ans! La charge de la dette que payent les pays qui sont dans ce cas est tellement considérable qu'elle compromet toute perspective de reprise.
La triste réalité, c'est que leur niveau d'endettement condamne beaucoup de pays développés à de longues années de stagnation. Ils se trouvent dans la même situation que le Japon, quasiment à l'arrêt depuis les années 80.
Le diviseur keynesien
Pour conclure sur le multiplicateur keynesien, nous avons vu qu'il s'agit bien plutôt d'un diviseur. Quand un Etat dépense l'argent de ses citoyens à leur place, le pays s'appauvrit progressivement.
Les économistes keynesiens et les medias finiront-ils par ouvrir les yeux sur le désastre économique causé par ces politiques étatistes? ou accuseront-ils comme à leur habitude la mondialisation ultra-libérale d'être la cause de tous les maux?
Les dépenses publiques ne sont pas la solution, elles sont le problème
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Article initialement publié le 28/02/2013