Donner plus de pouvoir aux métropoles va nuire à la politique régionale de la France

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Par Christian Favier Modifié le 13 octobre 2013 à 5h44

Le texte de loi sur la modernisation de l'action publique territoriale et l'affirmation des métropoles bouleverse profondément l’organisation territoriale de notre pays et, j’en suis persuadé, laissera un goût amer à nombre d’entre nous. Sous couvert de rendre l’action publique plus proche des besoins, ce projet de loi sacrifie en effet l’unité d’action tendant à assurer l’égalité entre les citoyens.

Ce texte relatif à l’émergence des métropoles place nos territoires en concurrence. C’est là l’abandon d’une conception harmonieuse et équilibrée du territoire national. De nouvelles entités administratives, plus nombreuses et plus puissantes, telles que les communautés urbaines et les métropoles, vont se développer au détriment de nos communes et de nos départements, dont l’action est pourtant plébiscitée par nos concitoyens.

En recentralisant les pouvoirs, on le sait, ces nouvelles structures éloigneront toujours plus les Français des lieux de décision, pour mieux les inscrire dans une mondialisation à la fois uniforme, stéréotypée et financiarisée, exigeant toujours plus de concentration humaine pour disposer à bas coût d’une main d’œuvre qualifiée, diversifiée et immédiatement disponible.

Les pôles urbains accentuent les discriminations

Partout en Europe et dans le monde, ces puissants agglomérats urbains polarisent à la fois les richesses, l’exclusion et les discriminations de toutes sortes. Partout, ces espaces concentrés se développent de fait au détriment des territoires périphériques, poussés un peu plus vers la relégation. On le sait par expérience : nulle part dans le monde ces grandes métropoles n’ont permis de réduire les inégalités sociales et territoriales.

La concurrence libre et non faussée contamine jusqu’à l’organisation territoriale de notre République. Au nom d’une compétition européenne et mondiale, c’est dans les faits la concurrence entre nos propres territoires qui va s’exacerber. Avec le présent projet de loi, le choc des territoires devient la norme et la réduction des dépenses publiques l’objectif essentiel pour répondre aux injonctions de Bruxelles.

La territorialisation de l’action publique que traduit ce texte, c’est bel et bien l’inégalité des territoires en action et une société éclatée qui s’instaure. Les communes vont se regrouper en pôles – ruraux d’un côté, urbains de l’autre – et notre territoire s’en trouvera de plus en plus fracturé, au détriment évidemment du vivre-ensemble, qui puise sa richesse dans la diversité des parcours de vie et des situations sociales.

Le Grand Paris, la preuve par l'exemple

Concernant la future métropole de Paris, nous avons voulu éviter que les débats du Sénat ne débouchent sur une page blanche. Pour autant, et malgré les efforts accomplis, notamment, par notre rapporteur pour faire évoluer la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, il s’agit, à nos yeux, d’un projet mort-né.

Tout d’abord, cette construction métropolitaine est diamétralement opposée à toutes les réflexions et propositions défendues par la seule instance réunissant des élus de tous bords en Île-de-France, à savoir Paris Métropole. Dans les faits, elle va bureaucratiser notre région et casser les dynamiques en cours sans créer les conditions permettant de résoudre les plus importants des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Ensuite, ce projet ne dispose d’aucun soutien populaire.

Né du coup de force de quelques élus socialistes ultra minoritaires en Île-de-France, il est rejeté y compris par les maires socialistes des villes les plus populaires – je songe à ceux d’Aubervilliers, de Créteil ou de Sarcelles. Il n’est pas même défendu par le président de la région, qui, par l’intermédiaire de son représentant, s’est abstenu quant à la déclaration de Paris Métropole. Je note par ailleurs que le maire de Paris reste, depuis un certain temps, on ne peut plus silencieux sur cette question…

La métropolisation du territoire, un gouffre financier à l'heure des économies

Ce projet est contraire à la décentralisation et met fin à toute ambition d’une métropole solidaire et polycentrique. Il va casser l’unité de la région en créant une nouvelle fracture entre petite et grande couronne. Il va réduire le rôle des communes à celui de simples mairies d’arrondissement. Enfin, il faut bien le dire, toutes ces dispositions vont donner le jour à une véritable usine à gaz, ingérable, qui, loin de permettre des économies pour les finances publiques, va se traduire par une véritable gabegie, au moment où tout le monde nous appelle à la rigueur !

La dynamique des maires bâtisseur sera stoppée net : tous ceux qui, aujourd’hui, sont engagés dans des programmes, y compris de construction de logements, vont attendre de connaître les dispositions qui seront prises au niveau de la métropole avant d’avancer. Au lieu de résoudre le problème du logement, extrêmement grave pour notre région, nous n’allons faire que l’aggraver.

Un tel bouleversement aurait dû faire l’objet d’une consultation populaire, notamment par référendum. Pour l’instant, je n’ai pas le sentiment que cette voie ait été retenue, mais vous pouvez compter sur notre action auprès de l’ensemble des citoyens de cette région pour faire monter cette exigence parmi eux. Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes au regret de ne pouvoir voter ce projet de loi.

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Christian Favier est sénateur et président du Conseil Général du Val-de-Marne

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