L’évasion fiscale est devenue un véritable enjeu de société

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Par Eric Bocquet Publié le 14 octobre 2013 à 5h03

La grande question de l’évasion fiscale était inscrite à l’ordre du jour du dernier G20, qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg voilà quelques semaines. Cela prouve que le sujet est devenu incontournable dans le débat public.

Fruit de la mobilisation grandissante de l’opinion publique, sans cesse mieux informée de la réalité des faits et plus attentive et exigeante, voire défiante à l’égard des responsables politiques, des pouvoirs et des États, la lutte contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales est devenue un véritable enjeu de société, surtout depuis que la crise économique larvée ravageant le monde a pris le tour que l’on connaît, avec la surchauffe extrême des marchés financiers, l’une des conséquences, entre autres, de la dérèglementation engagée voilà trois décennies.

Ainsi, la confrontation aiguisée entre les grandes puissances occidentales, les pays producteurs de matières premières essentielles, les puissances économiques émergentes et les peuples souverains en lutte pour leur pleine et complète émancipation aura débouché, après une longue phase de dérégulation agressive, sur un nouveau paysage politique, économique et financier, dont nous découvrons jour après jour les contours, les zones de conflits et les contradictions.

L'évasion fiscale a prospéré avec la crise

Les tensions financières qui auront fait exploser tour à tour la bulle Internet, les économies asiatiques, puis, plus récemment, les marchés financiers européens et américains ont montré qu’il était temps de tourner la page de la dérégulation agressive, de l’argent factice et facile, provoquant aujourd’hui la croissance de la dette souveraine, cette nouvelle bombe à retardement dont l’explosion risque fort un jour de mettre en péril les valeurs démocratiques qui nous animent aussi sûrement qu’elle contraint les politiques économiques de la zone euro.

Contrairement à ce que certains ont pu affirmer en 2009, nous n’en avons pas encore fini avec les paradis fiscaux, l’aggravation des inégalités sociales, politiques et économiques ou la perversion des règles fiscales, l’impôt étant l’élément clé de l’organisation sociale. Pas plus que nous n’en avons fini avec la mise en concurrence des territoires. Nombre des économies les plus puissantes de la planète, professant toutes les vertus possibles en façade, continuent d’accepter dans leur arrière-cour l’existence de zones grises, de "paradis fiscaux", où se traitent dans une grande opacité des affaires de la plus haute importance.

Certains territoires pratique l'évasion fiscale en toute impunité

Les fonds de pension américains qui sévissent en Europe, où ils multiplient opérations de leveraged buy-out, LBO, et raids meurtriers sur les capacités de production, les usines, les terres agricoles, sont bien souvent domiciliés dans le petit État américain du Delaware, paradis fiscal moins peuplé que la ville d’Auxerre et surnommé "petite merveille", sans doute pour les financiers et affairistes de toutes obédiences !

Les Îles Caïmans les Îles Vierges britanniques et américaines ont la même vocation : accueillir, pour les unes, quelques "crocodiles" de la finance et de la spéculation et, pour les autres, quelques "anges déchus" des trafics en tout genre. Je pense à l’argent de la drogue ou du commerce des armes, un argent parfaitement lessivé dans les eaux bleues de la mer des Caraïbes !

Plus près de nous, Jersey se spécialise dans le service commercial de tous produits, et Guernesey offre ses compétences en réassurance. Et que dire de la City de Londres, véritable enclave financière au cœur de la grande ville britannique, capitale d’un partenaire essentiel au sein de l’Union européenne ? Que dire aussi du port franc de Genève, où, semble-t-il, certains accueillent désormais plus aisément les capitaux étrangers que les travailleurs frontaliers ?

Union européenne et optimisation fiscale

Fraude, évasion et optimisation fiscales sont des maux dont souffrent toutes les économies de l’Union européenne, en particulier la nôtre. De mon point de vue, le projet de loi constituait dès sa parution une avancée quant aux voies et moyens que l’État, c’est-à-dire la collectivité nationale exprimée dans la souveraineté populaire, se donnait pour réduire la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales.

Au demeurant, il est parfaitement compréhensible que certains, pourtant partisans de la construction européenne actuelle, aient malgré tout appuyé ce texte. D’une part, personne n’osera aujourd’hui se déclarer opposé à la lutte contre la fraude. D’autre part, il est tout aussi délicat de vouloir imposer au plus grand nombre, c’est-à-dire à la grande masse des contribuables qui ne "trichent" pas, des sacrifices et des efforts sans demander quelques comptes à tous ceux qui usent et abusent des "ficelles", plus ou moins grosses, du droit fiscal tel qu’il est. Je pense notamment à ces schémas d’optimisation fiscale ingénieux conçus par les artistes des professions du chiffre !

Une loi contre l'évasion fiscale

Dans ce cadre, le groupe CRC s’est positionné dès le début de la discussion avec la volonté de rendre le dispositif le plus efficace possible, en le dotant de la plus grande capacité opératoire, susceptible de marquer des points et, in fine, de contribuer à la perception en retour de recettes fiscales et sociales indûment éludées jusqu’alors. Le texte a connu d’incontestables évolutions, fruit du travail des deux assemblées, un travail alimenté en partie par les recommandations des commissions d’enquête menées au Sénat et à l’Assemblée nationale et par les avis et propositions de ce qu’il est convenu d’appeler la "société civile".

En l’espèce, elle recouvre des militants de la transparence financière, des associations non gouvernementales luttant contre les inégalités et pour le développement, des journalistes, ainsi que de simples citoyens de plus en plus mobilisés sur de telles problématiques. Le groupe CRC ne s’opposera évidemment pas à l’adoption du texte. Il veillera même à en bonifier encore le contenu, un peu a contrario de tous ceux qui semblent encore avoir quelques difficultés avec une transparence devenue publique de bien des turpitudes des marchés financiers.

Une telle réforme constitue incontestablement une inflexion majeure dans la vie politique de notre pays sur la question de la fraude fiscale et de la délinquance économique. Elle recèle des potentiels qu’il nous faut aujourd’hui valoriser et exploiter pleinement dans les mois et années à venir. La survie du pacte républicain, miné par les discriminations, les inégalités et les tensions, passe également par cette voie. Même le voyage le plus long commence toujours par le premier pas. Le groupe CRC sera du voyage !

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Élu maire de Marquillies en 1995, il a été réélu à chaque scrutin municipal depuis cette date. Il est également conseiller communautaire de Lille Métropole Communautéurbaine. Pour les élections sénatoriales de 2011, il est désigné tête de liste du Parti communiste français dans le département du Nord. Le 25 septembre 2011, il est élu sénateur du Nord.

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