Le digital s’impose aujourd’hui comme une réalité quotidienne pour les Directions Commerciales, avec le double enjeu de proposer à leurs clients une expérience multi/cross canal attractive et d’optimiser l’efficacité du dispositif commercial opérationnel.
Dans ce contexte, ces directions déploient ces dernières années des programmes de transformation au sein desquelsles managers de proximité jouent un rôle clé en portant la stratégie et en démultipliant le changement auprès des équipes.
Afin de comprendre la maturité digitale des Directions Commerciales et d’évaluer la capacité donnée aux managers deterrain à s’en approprier les enjeux, Keyrus Management, cabinet de conseil en stratégie et management du Groupe Keyrus, a récemment mené une étude - en partenariat avec l’association des Dirigeants Commerciaux de France (DCF) - auprès de 100 entreprises issues de tous les secteurs d’activité et opérant sur des marchés BtoB comme BtoC.
UNE TRANSFORMATION DIGITALE EN QUÊTE DE SENS AU SEIN DES DIRECTIONS COMMERCIALES
Le site Internet constitue la « brique digitale initiale » du dispositif commercial. Aujourd’hui, présent dans toutes les structures, il joue pleinement son rôle premier d’information sur l’entreprise et ses produits. Par ailleurs, il est de plus en plus utilisé dans la stratégie multicanale pour rediriger les demandes clients vers les autres canaux de vente (dans 60% des cas), et près d’une entreprise sur deux l’utilise désormais comme canal de vente directe, a minima comme outil de prise de commande en direct par les clients.
Cependant, cette utilisation croissante du Web tout au long du cycle de vente ne s’accompagne pas de l’efficacité attendue : 70% des répondants à notre enquête jugent que l’intégration du site Internet dans le schéma multicanal est à améliorer de manière significative, en particulier pour la conquête et la fidélisation des clients, deux activités pourtant au cœur de la mission de la Direction Commerciale !
En complément, on constate un essor récent de la mise à disposition des managers et leurs équipes, de tablettes et autres outils mobiles (un quart des entreprises en ont équipé leurs équipes et les projets se multiplient au cours des derniers mois). Si l’octroi d’une tablette était, il y a quelques années, d’abord synonyme de valorisation individuelle des équipes, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le déploiement de ces outils s’inscrit désormais dans le cadre d’une stratégie réfléchie d’amélioration de l’efficacité commerciale. La tablette apparaît une fois que l’entreprise peut l’adosser à un outil CRM et à un référentiel produit performants, avec, en conséquence, un effet positif sur les compétences des équipes et la fluidité des processus commerciaux. Toutefois, seulement 40% des entreprises qui en ont équipé leurs commerciaux estiment que l’usage de la tablette a un impact direct sur le niveau des ventes.
Enfin, pour compléter la palette d’outils digitaux, l’usage des médias sociaux, internes comme externes, aujourd’hui encore au stade expérimental, est promis à un développement rapide : 35% des répondants ont déjà mis en place un réseau social d’entreprise et 56% de ceux qui ne l’ont pas fait envisagent d’en déployer un sous réserve d’avoir les clés d’une animation efficace, notamment auprès d’une population de managers commerciaux traditionnellement réticents à utiliser ce type d’outils collaboratifs qu’ils voient comme un risque de perte de pouvoir auprès de leurs équipes.
LE MANAGER COMMERCIAL DE TERRAIN EST-IL BIEN ARMÉ ?
Le manager commercial de proximité est certainement le maillon de la hiérarchie qui a le moins évolué ces dernières années dans l’organisation commerciale alors, que paradoxalement, les attentes de la direction vis-à-vis de cette population se sont particulièrement renforcées. En particulier, cette direction positionne aujourd’hui le manager commercial comme le porteur clé du changement auprès de ses équipes, et l’élément moteur dans les évolutions de l’organisation, donc au cœur de la transformation digitale, ce qui n’apparaissait pas dans la précédente enquête de 2011. Cette mission rejoint au « top 3 » des attentes, les attentes classiques en matière de motivation et formation des équipes et celles plus controversées sur le rôle commercial pur du manager.
Or, confronté à des équipes de vente en grande partie issues de la génération Y, et de moins en moins enclines à reconnaître l’autorité hiérarchique, le manager de proximité est-il bien armé pour porter la transformation digitale ?
Les dirigeants commerciaux reconnaissent que leurs managers de terrain éprouvent globalement des difficultés à assumer pleinement leur mission au regard des attentes exprimées, avec deux points d’attention majeurs :
· La capacité à transmettre à leurs équipes les techniques de vente est rendue complexe par l’évolution accélérée de ces techniques liées à l’environnement multicanal et à l’explosion des outils de mobilité,
· Une incapacité à gérer l’ensemble des missions confiées, imputable à la fois au poids des tâches administratives (30% du temps des managers de terrain en moyenne) et à la diversification et la multiplication des indicateurs de performance (près des 2/3 des managers doivent suivre plus de 5 indicateurs d’activités au quotidien).
Ces difficultés ont ainsi pour conséquence, à la fois une perte de repère dans l’accomplissement de sa mission par le manager, mais également un manque de leadership auprès de ses équipes.
Et l’entreprise ne facilite pas sa mission ! Les réponses au questionnaire montrent que près de la moitié des entreprises interrogées n’ont pas aligné leur dispositif opérationnel sur les attentes exprimées vis-à-vis des managers de terrain, ne permettant donc pas à ces derniers de disposer du niveau de latitude nécessaire pour porter le changement : objectifs individuels en décalage par rapport aux attentes exprimées, processus commerciaux non adaptés au cycle de vente multicanal, et enfin l’absence d’outils de management des talents constituent les principales faiblesses identifiées.
L’analyse des résultats de l’étude montre que les difficultés rencontrées par les managers dans l’accomplissement de leur mission conduisaient à une absence de compréhension des gains et bénéfices apportés par les outils digitaux, limitant de fait l’efficacité de la stratégie clients multicanale mise en place par l’entreprise, et compromettant son appropriation par la ligne hiérarchique.
INSUFFLER LA CULTURE DIGITALE : LA ROUTE EST ENCORE LONGUE
Les entreprises ont pris conscience qu’il faut donner un cadre à l’utilisation du digital au quotidien par les équipes : ainsi 60% des répondants ont indiqué que des règles avaient été mises en place quant à l’utilisation des réseaux sociaux par les collaborateurs.
Ce garde-fou n’est cependant pas annonciateur d’une véritable stratégie d‘intégration de ces réseaux sociaux dans les pratiques commerciales. A peine un quart des commerciaux utilisent les réseaux sociaux à des fins professionnelles et la moitié ne les utilisent jamais, que l’entreprise opère sur les marchés BtoB ou BtoC.
Plus globalement, l’introduction d’outils digitaux trouve son sens lorsque ces outils s’ancrent dans les processus de fonctionnement de l’entreprise. Or, dans la plupart des cas, l’arrivée de ces outils (site Internet, tablettes, bornes, réseaux sociaux, plate-formes collaboratives,...) n’a pas conduit à une refonte des processus existants, comme le recrutement et la formation pour les collaborateurs commerciaux.
PRÉREQUIS ET ÉTAPES À RESPECTER
Moins d’une Direction Commerciale sur six interrogée peut se prévaloir d’une forte maturité digitale, à savoir disposer d’une organisation commerciale fortement digitalisée et perçue comme globalement efficace.
Si aucune branche ou type d’activité particulier n’émerge de ce panel comme un « champion du digital », les entreprises les plus matures partagent un certain nombre de caractéristiques qui traduisent leur volonté de réaffirmer le rôle du point de vente dans le schéma multicanal, parmi lesquelles :
Des attentes prioritaires vis-à-vis des managers de proximité en matière d’implication dans l’organisation et dans la capacité à porter le changement, s’appuyant sur un relationnel fort avec les équipes,
Un dispositif opérationnel « socle » solide et en forte cohérence avec ces attentes,
Un suivi de la performance du manager s’appuyant sur un nombre d’indicateurs réduit.
L’efficacité du dispositif permet ainsi aux managers des entreprises « champion du digital » de garder le sens de leur mission et de consacrer plus de temps aux activités de management. Ce dispositif conduit à disposer de managers présentant un profil de « développeur » plus que de simples « animateur » ou « gestionnaire » de point de vente, et encore moins d’ « entrepreneur ». Ce dernier profil s’accorde d’ailleurs essentiellement avec les structures présentant la maturité digitale la plus faible, leurs dirigeants avouant une prise de conscience tardive de la nécessité d’initier la transformation digitale dans les prochaines années.
La réussite de la transformation digitale doit s’inspirer des bonnes pratiques constatées dans les entreprises les plus matures. Elles nous enseignent que la clarification du mode de fonctionnement du dispositif multicanal en est le socle, et passe par une gouvernance unique des canaux de distribution assortie de règles de répartition des revenus générés par les canaux digitaux, valorisant le rôle du canal physique dans le cycle de vente. Cette réussite s’appuie aussi sur une latitude importante accordée aux managers du canal physique dans l’application de la politique commerciale.
Aussi, la nature et l’ampleur des évolutions de l’environnement du manager de proximité imposent à sa direction de lui accorder une attention particulière. C’est en procédant par étape dans la digitalisation de son dispositif opérationnel qu’elle en préservera la cohérence.
Cela en renforcera le sens pour les managers de terrain porteurs du changement et limitera chez eux les risques constatés de perte de repères voire de capacité à gérer l’ensemble des missions confiées.
En effet, les entreprises se plaisent aujourd’hui à rappeler que le digital n’est pas une fin en soi : « être champion du digital ? Pourquoi pas, mais seulement si cela me permet d’être le champion dans mon secteur ! »… et les plus matures d’ajouter : « de toute façon, demain, on ne pourra plus être l’un sans être l’autre ».