Dans le prolongement de la tendance insufflée depuis le second semestre 2017, l’économie chinoise continue de ralentir progressivement, mais sûrement. Depuis la fin 2018, une nouvelle norme semble cependant s’imposer, avec une décélération de plus en plus marquée. Bien entendu, après avoir enregistré une progression de son PIB réel (c’est-à-dire sans inflation) de 3 050 % de 1980 à 2018, un ralentissement de l’économie chinoise est tout à fait logique, voire salutaire.
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PIB chinois : les arbres ne montent pas au ciel…
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Sources : FMI, ACDEFI
De plus, avec un niveau d’encore 6,4 % au quatrième trimestre 2018, le glissement annuel du PIB chinois demeure très appréciable, tout en étant également légèrement supérieur à notre prévision (en l’occurrence 6,2 %).
De même, avec un tel niveau, la Chine demeure sans conteste la locomotive de la croissance mondiale, devant l’Inde et les Etats-Unis, même si le glissement annuel du PIB indien a continué de dépasser celui du PIB chinois pour le cinquième trimestre consécutif. Pour autant, sur l’ensemble de l’année 2018, sur une croissance mondiale de l’ordre de 3,3 %, la Chine y a contribué à hauteur de 1,2 point, l’Inde de 0,5 point et les Etats-Unis de 0,4 point. Et ce, grâce à des progressions annuelles moyennes du PIB de respectivement 6,6 %, 7,3 % et 2,9 %.
Des résultats qui, comme nous le verrons plus loin, devraient être de la même veine pour l’année 2019, avec d’ailleurs un ralentissement généralisé à l’ensemble de la planète.
La Chine et l’Inde restent les locomotives incontestées de la croissance mondiale.
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Sources : NBSC, BEA, Mospi, ACDEFI
Mais, la réalité est là : l’économie chinoise ne parvient plus à accélérer et doit se contenter d’un ralentissement en douceur inévitable.
S’il n’y a évidemment pas péril en la demeure, notamment parce que l’inflation chinoise reste limitée à 1,5 % et que le taux de chômage se stabilise à 4,0 %, il faut néanmoins noter que la croissance de l’Empire du milieu a retrouvé les plus bas qui prévalaient en 2009.
Chine : 6,4 % de croissance pour 1,5 % d’inflation
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Sources : NBSC, ACDEFI
Plus problématique, le glissement annuel des prix à la production s’est effondré depuis un an, pour atteindre désormais 0,1 %, un plus bas depuis septembre 2016.
Si la déflation n’est certes pas encore d’actualité, cette sagesse excessive des prix à la production confirme que la demande industrielle commence à souffrir.
La chute de l’inflation des prix à la production commence à devenir inquiétante.
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Sources : NBSC, ACDEFI
De même, après un rebond correctif à l’automne 2018, l’excédent commercial chinois est reparti en nette baisse au cours des deux premiers mois de 2019. En février, il est même tombé à 4,12 milliards de dollars.
Mais surtout, toujours en février, l’excédent commercial sur douze mois a baissé à 356,94 milliards de dollars, un plancher depuis novembre 2014 et le début de la crise chinoise de 2015.
L’excédent commercial chinois sur douze mois au plus bas depuis novembre 2014
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Sources : NBSC, ACDEFI
De plus, le glissement annuel de la production industrielle est reparti en nette baisse, passant de 5,7 % en décembre 2018 à 5,3 % en janvier 2019, un plus bas depuis février 2002. A titre de comparaison, au plus fort de la crise de 2009 et de celle de 2015, le glissement annuel de la production industrielle était tombé à 5,4 %.
L’industrie chinoise est donc bien entrée dans une phase de déprime profonde et par là même dangereuse.
Fort heureusement, le glissement annuel des ventes au détail s’est stabilisé à 8,2 % en janvier. Mais cela demeure encore relativement faible comparativement aux 9,2 % qui prévalaient encore en septembre dernier, et a fortiori aux 10,9 % de février 2017, sans parler des niveaux supérieurs à 12 % qui s’imposaient constamment avant la crise de 2015.
Le glissement annuel de la production industrielle au plus bas depuis février 2002.
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Sources : NBSC, ACDEFI
En outre, comme nous l’évoquions la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, les indicateurs avancés de la croissance chinoise (et notamment les indices Caixin des directeurs d’achat) confirment que cette dernière devrait continuer d’être freinée par l’industrie.
La poursuite du ralentissement chinois est inévitable
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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI
Parallèlement, si l’activité dans les services devrait lui permettre d’éviter le pire, la croissance chinoise aura néanmoins du mal à ne pas passer sous les 6 % d’ici l’automne prochain.
Au total, si dans leur ensemble, les résultats de l’économie chinoise sont encore loin d’être catastrophiques, ils montrent que celle-ci est fragilisée. Conséquence logique de ces inquiétudes, après une forte déprécation en 2018, puis une étonnante remontée depuis le début 2019, le yuan devrait rapidement repartir à la baisse.
D’un niveau actuel d’environ 6,70 yuans pour un dollar, il devrait ainsi revenir au-delà des 6,90 d’ici l’été prochain.
A cet égard, rappelons que le niveau d’équilibre de la devise chinoise selon la parité des pouvoirs d’achat entre les Etats-Unis et la Chine est de 3,5 yuans pour un dollar. C’est dire l’ampleur de la sous-évaluation actuelle et à venir du renminbi.
La dépréciation du yuan/dollar, meilleure arme protectionniste de l’Empire du milieu.
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Sources : NBSC, ACDEFI
En fait, cette dépréciation constituera certainement la meilleure réponse des autorités chinoises à l’augmentation des droits de douanes des Etats-Unis sur les produits exportés par la République populaire.
Et si cela ne suffit pas, la Chine dispose d’une arme encore plus puissante. En l’occurrence, ses réserves de changes. Avec un niveau actuel de 3 070 milliards de dollars, l’Empire du milieu pourra donc de nouveau y puiser pour soutenir sa croissance économique (comme elle l’a d’ailleurs déjà fait avec succès en 2015).
Les réserves de change, l’arme suprême
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Sources : NBSC, ACDEFI
Pour autant, ne rêvons pas : si la guerre commerciale internationale devait encore s’intensifier (cas malheureusement de plus en plus probable), il est clair que la croissance mondiale aura beaucoup de mal à atteindre notre prévision de 2,8 % cette année.
De quoi rapidement calmer les ardeurs des marchés boursiers qui, depuis quelques semaines, recommencent à croire au Père Noël, c’est-à-dire à obérer les réalités économiques, politiques et financières internationales. Comme en février 2018 et à l’automne dernier, le réveil sera douloureux…
Article écrit par Marc Touati ici