Le projet du Grand Paris est-il toujours d'actualité ? La question mérite aujourd'hui d'être clairement posée et une réponse nécessite encore plus clairement d'y être apportée.
Le projet du Grand Paris tel qu'initié en son temps par le Président de la République avait une vertu considérable : il donnait une direction et créait ainsi un véritable appel d'air pour des initiatives aussi bien publiques que privées. Cette volonté politique offrait des perspectives salutaires dans un contexte économique et social en berne.
A mon niveau, en tant que Président du Conseil général des Yvelines, j'étais constamment sollicité par des mairies et des entreprises pour connaître les projets qui allaient voir le jour dans le département afin de savoir comment chacun pouvait s'y impliquer. Il s'agissait tout simplement d'envisager l'avenir sereinement dans l'intérêt d'habitants, de territoires, de salariés.
Aujourd'hui, le soufflet est retombé. Pire, depuis plusieurs mois une sombre effervescence laisse craindre le pire : l'abandon du projet Grand Paris.
La preuve, à la société du Grand Paris, chargée de mettre en oeuvre le réseau du Grand Paris Express (GPE), des réunions se succèdent sans véritable volonté affichée d'avancer sur la réalisation du projet. La ministre en charge du dossier semble tergiverser. Un rapport a été commandé à Monsieur Pascal Auzannet afin de faire le point sur ce projet. A juste titre, chacun y a vu le début du renoncement puisqu'il conclut au coût trop élevé et reporte à des horizons si lointains (rien avant 2030 dans les Yvelines) que sa réalisation n'apparaît plus comme crédible.
La ficelle est trop grosse au point que le comité stratégique de la société du Grand Paris (composé des maires, présidents d'intercommunalités et institutions concernés par ce réseau de transport), vient de tirer la sonnette d'alarme. Une déclaration adoptée à l'unanimité fait état "d'un très vif sentiment d'inquiétude sur la mise en cause de la dynamique jusqu'alors impulsée pour la réalisation du GPE".
"Les élus considèrent le rapport Auzannet (...) en totale contradiction avec les attentes traduites par leurs concitoyens (...) ; ils considèrent que c'est l'intégralité du réseau du Grand Paris Express qui doit être réalisée, dans des délais compatibles avec la légitime exigence des usagers des transports franciliens". A ce rythme, on va finir par regretter l'hyper-présidence qui, au moins, avait le mérite de la clarté et du volontarisme.
En ce qui concerne les Yvelines - mais j'ai l'impression que mon avis est partagé par tous les départements franciliens, en particulier ceux de la grande couronne -, enterrer le Grand Paris serait dramatique.
Pour rester sur le Grand Paris Express, dans les Yvelines, celui-ci relierait par une boucle Paris, Orly, Saclay (lieu d'un vaste campus universitaire), Saint-Quentin en Yvelines (important pôle économique), Versailles (centre d'attraction mondialement connu), La Défense (principal centre d'affaire d'Ile de France).
Les principaux intérêts pour les Yvelines seraient :
- réduire d'environ 10.000 déplacements par jour les grands axes routiers congestionnés A86, N118, N12,
- alléger la charge des RER et Transilien, aujourd’hui surchargés,
- favoriser les déplacements de banlieue à banlieue quasi inexistants,
- améliorer de 20 minutes l'accès aux habitations et aux emplois situés sur 75% de l'agglomération parisienne,
- débloquer la construction de logements,
- et bien sûr desservir et mettre en réseau des pôles d'activité économique nécessaires à l'emploi.
L'idée du Grand Paris, au-delà de ce seul métro qui en est sûrement le symbole concret, permettait également l'émergence de pôles d'attractivité dans chaque territoire. Pour les Yvelines, le choix était de valoriser la Seine comme axe structurant de notre territoire. Un projet de port à Achères en était la clé de voûte. Situé sur la Seine entre Le Havre et Paris et à proximité de la confluence avec l'Oise susceptible de relier la mer du Nord par le canal Seine Nord Europe, ce port aurait permis la création d'une multitude d'activités. Ce projet est aujourd'hui à l'arrêt.
C'est pourquoi, il est urgent de faire vivre le projet du Grand Paris. Cela suppose une impulsion politique forte. Rappelons que des moyens financiers ont été trouvés pour le financer mettant à contribution les entreprises yvelinoises par une fiscalité additionnelle sur les bureaux en augmentation de 162%. En plus d'une erreur que d'abandonner ce projet, il y aurait incompréhension et injustice pour ces entreprises contributrices.
Aussi, j’aspire à la relance rapide du projet. Et, comme Antoine Blondin dans l’Humeur vagabonde, j’espère qu’« Un jour, nous parlerons à des gens qui nous répondent et le malentendu se dissipera (…). Un jour, nous prendrons des trains qui partent ».