Les médias à poil ! On tourne au ralenti, le marché publicitaire et les contenus rédactionnels sont réduits, comme d'habitude l'été, à leur plus simple expression (dans tous les sens du terme).
Et pourtant, s'il y a bien un moment où l'on consomme de la presse voluptueusement, c'est bien en vacances
Quand l'oisiveté nous saisit et que l'ennui commence délicieusement à poindre. Pour la publicité, nenni ou presque, les annonceurs privilégient l'achat d'espace pour la rentrée, au moment où il faudra reprendre le collier, fauchés et sous astreintes d'obligations scolaires professionnelles ou universitaires ! Allez donc comprendre, alors qu'au contraire au mois d'août, on vaque en léchant les vitrines et les glaces à un rythme proportionnel à son désœuvrement.
Mais les directeurs marketing savent forcément mieux que nous ce qui nous intéresse, quand où, pourquoi et ce qui suscite notre désir. Dormez tranquilles, vos médias pensent et agissent pour vous. A propos de désir, les femmes sont servies, c'est le moment déconcertant où nous prenons conscience que nous sommes nulles, totalement incompétentes par rapport à toutes les autres femmes qui sont des bêtes de sexe. Brûlantes, on vous dit, et sexy et belles, avec des carrosseries chromées nickelées, les ongles laqués à la perfection et le rimmel waterproof. C'est la canicule obligatoire du couple et tout repose sur vous mesdames.
L'homme lui se contente de ne pas se raser, c'est le nouveau comble de l'érotisme. Tous les ans, nous avons droit au grand retour de la libido professionnalisée et accessoirisée. Pour les plus oies blanches d'entre nous, le magazine "Elle" venait à notre secours la semaine dernière en vantant le "coach de périnée" (un vrai créneau professionnel). Mais pour celles qui ne compteraient que sur elles et qui renonceraient au coaching pourtant indispensable, on suggère vivement le training individuel avec vibromasseur. Suivent les conseils de "gym interne au cours de l'acte sexuel"; je reste songeuse, l'homme aussi.
Cette semaine heureusement on nous déculpabilise un peu, le dossier de fond (si j'ose dire) du même magazine concerne le "slow sexe", consistant à oublier la performance (il paraît qu'on ne pense qu'à ça ?). Le slow sexe s'obtient (dans le texte) "en pratiquant le sexe comme un bricoleur, un artisan, ou un artiste..." Le titre est subtil et enchanteur: "Touffe feu -Touffe flamme". Si vous ne vous sentez pas au niveau, un peu de voyeurisme ne vous fera pas de mal : reportez-vous sur les aventures sentimentales des "people ", leurs déboires ou les love-photos volées des ministres.
Du coup, les rédactions des journaux qui se croient plus sérieux ont aussi décidé qu'il fallait s'adapter à la mollesse intellectuelle et à l'indigence revendiquée générale (cool). Puisqu'il faudra tout de même qu'à la rentrée nous soyons capables de reprendre une activité normale, en prévision, nous sommes abreuvés d'activités d'éveil.
Avec "Valeurs Actuelles" par exemple, je tente de prouver à mon entourage toutes les semaines, qu'il serait incapable de repasser le certificat d'études de 1954. L'entourage ricane mollement, moins lorsqu'il s'agit de "dessiner une pince universelle" et de calculer les kg de fruits du "verger planté de poiriers en cordons verticaux distants de 0,80 m. S'en suit une discussion qui réconcilie tout le monde sur le niveau culturel en chute libre des jeunes.
Le "jeune" est un bon sujet. Ceux qui seraient tentés de se cultiver plus avant bénéficient de 4 pages au moins dans tous les journaux ; au choix : Takuzu, Matoku, Fubuki, Sodoku, (à ne pas confondre avec les Sushi) ainsi que mots fléchés ou croisés, pour les cérébraux.
Quant aux nourritures terrestres, elles ne sont pas oubliées ; en short sexy, le mollet galbé et le décolleté plongeant à vous les recettes cuisine" fraîcheur" ou pique-nique raffiné (3h de préparation).
Ne rêvons pas, vous n'aurez pas le temps, surtout si vous avez décidé de ne pas mourir idiot(e) en vous recyclant grâce au nièmes "Nuances de Grey" qui, vous le constaterez, sont tout sauf nuancées. Puisque l'actualité politique est supposée ralentir aussi comme nous : les 20h, 13h ou 4 heures se jettent sur la collation médiatique avec une obsession digne des pires moments des chaines d'infos en continu. Ainsi, les débris du malheureux vol de la Malaysia Airlines vont-ils meubler notre quotidien jusqu'à plus soif, matin, midi et soir ; des experts arrachés à leurs plages nous répètent un peu hagards que "oui, les débris sont bien ceux-là, mais que l'on ne peut pas vraiment l'affirmer avec certitude". A mon avis, ils répètent ce que dit le plagiste.
Des journalistes affamés tentent tout de même le scoop : "ne serait- ce pas les Américains qui auraient descendu l'avion en vol parce qu'il était détourné par des terroristes ??" Voilà pour l'actu, malheureusement renforcée par des naufrages de migrants qui devraient faire la soudure avec un accident de la route plus meurtrier que les autres. A saturation, notre potentiel émotionnel n'arrive plus à générer la légitime compassion que cela devrait susciter et les commentaires sont plutôt du genre ricanant et exaspérés.
Heureusement il y a la météo... Mais c'est exact, en dehors de Moscovici qui dans une excavation rocheuse Corse porte sa ravissante dans les bras (c'est moins lourd) en se léchant les babines, rien de grisant, Sarko pédale et on piste Julie Gayet pour guetter le point de rencontre avec vous savez qui...
Il ne reste donc plus que la politique fiction
Là, nous sommes gâtés, sachant qu'on a un peu de mal à distinguer la fiction de la réalité qui dépasse la fiction ! Surtout en politique et chez nous. Pour une fois, les journalistes n'ont même pas besoin de mentir, ils sont payés pour inventer. C'est donc à qui rivalisera d'absence d'imagination pour nous raconter ce qui se passera dans un an, ou mieux juste avant la prochaine présidentielles Les Echos, le Figaro, Valeurs actuelles, Europe 1... tous s'y mettent, hésitant entre feu madame Soleil et le roman de science-fiction pour les nuls. C'est ainsi que notre grand quotidien tous les jours nous fait vivre au rythme des angoisses de l'entourage du président de la République et de sa dépression face au vrai drame qui se joue : ce n'est pas la mère Michel qui a perdu son chat mais le Père Francois qui a perdu son chien. Philae se serait échappé de l'Elysée (pire, à ce stade on envisage que le Labrador ait été volé)et l'avenir de la France va en en dépendre. Ce n'est peut -être pas de la science-fiction après tout. Personne les années précédentes n'aurait imaginé le président en moto déguisé en Dark Vador... Comme quoi.
Le feuilleton d'Andre Bercoff Intitulé "l'effroyable campagne" plonge lui, dans le très concret et le name-dropping, tous les acteurs sont là, un casting admirable, on s'y croirait. Partout le FN est au cœur du scénario on le donne gagnant bien sûr. Pourtant le drame Cornélien de la vraie vie du parti en question est bien plus rigolo à suivre. Europe 1 est la seule radio qui nous le joue "live" avec Olivier Duhamel et Michel Field le samedi matin, le ton docte et compassé comme d'habitude nous fait frissonner, à croire qu'ils savent vraiment... Mais ce n'est pas tout ça, c'est l'heure des devoirs de vacances, il en existe pour adultes maintenant, ouf !
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