Amendée fin 2014, la loi sur la transition énergétique fait de l’obsolescence programmée un délit passible d’une sanction de deux ans de prison et d’une amende de 300 000 €. L’occasion d’abattre quelques idées reçues sur un concept qui nourrit depuis de nombreuses années notre inconscient collectif.
Obsolescence programmée : la suspicion des Français
Depuis 2008, des marqueurs forts sonnent le début d’une prise de conscience qui change progressivement nos rapports à la consommation. Crise économique, crise sociétale, bouleversements climatiques, autant de signaux qui nous conduisent aujourd’hui à dénoncer l’hyperconsommation et à éprouver de la suspicion vis-à-vis des fabricants. Selon une étude OpinionWay réalisée fin 2014, 80% des Français sont convaincus de la réalité de l’obsolescence programmée des équipements électroménagers et multimédia. Cette suspicion est-elle fondée ? Comment prouver que l’obsolescence d’un produit est intentionnellement planifiée ? Cette question pose un réel problème pour l’application de la loi, et particulièrement du dernier amendement qui semble plus relever de la dissuasion que d’une vraie intention de punir.
L’obsolescence est-elle réellement programmée ?
Si, historiquement, les coûts de production et donc les prix de vente ne cessent de diminuer (par exemple, l'acquisition d'une télévision représentait 2 ans de salaire moyen il y a 50 ans ; 14 jours en 1984 et seulement 6 jours en 2004, pour un produit offrant beaucoup plus de fonctionnalités et une bien meilleure qualité), ce sont les pratiques d'industrialisation qui sont pointées : on reproche aux entreprises de « se cacher » derrière la nécessité d’innover et de tirer parti des toutes dernières évolutions technologiques pour contraindre les consommateurs à renouveler plus rapidement leurs produits.
Deux éléments viennent contredire un tel raisonnement. D’une part, l’obsolescence programmée impliquerait une dépense supplémentaire pour concevoir et industrialiser la mise en œuvre d’un système programmant la fin de vie d'un produit, ce qui n'entre absolument pas dans la logique actuelle des entreprises : ce surcoût serait en totale contradiction avec leurs efforts pour améliorer leur rentabilité, dans le contexte économique actuel.
D’autre part, si le progrès technologique participe à l’évolution des usages, celui-ci ne conditionne pas en totalité l’évolution des besoins ou des aspirations des consommateurs. Les fabricants ne peuvent pas imposer un rythme élevé de renouvellement technique si ces développements ne correspondent pas aux attentes des consommateurs. La télévision 3D en est le meilleur exemple.
Mais les consommateurs sont friands de technologies dont ils perçoivent les bénéfices. Ce constat est d'autant plus vrai dans le domaine du multimédia : 27% des Français déclarent posséder une télévision un peu datée ou dépassée technologiquement contre seulement 16% à la pointe de la technologie*et 70% souhaitent investir à terme dans un équipement plus moderne, performant, économe en énergie, etc.
Les Français apprécient donc l’évolution technologique. C’est pourquoi ils sont souvent prêts à payer cher et à crédit un produit neuf plus performant pour remplacer rapidement un produit en panne et éviter des réparations présentées comme coûteuses et hasardeuses. Pourtant, pour 21% des Français, la réparation des biens électroménagers et multimédia est une démarche pleine de sens. Racheter plutôt que réparer, c’est accepter l’obsolescence comme une fatalité dont le consommateur doit supporter la totalité des coûts.
Une chance pour encourager l’économie circulaire et limiter notre impact environnemental
Pourtant, des modes alternatifs de commercialisation et d’utilisation proposent des produits fiables et modernes, ainsi que des bouquets de services pour les entretenir, les réparer ou les remplacer par de plus performants au fil de l’évolution technologique. Avec ces nouveaux systèmes les consommateurs profitent en permanence de produits technologiquement à jour. Ces modes de commercialisation se multiplient aujourd’hui : location de biens, fourniture de services plutôt que de produits, engagements de mise en service/reprise/réparation/recyclage… et favorisent une économie circulaire dans laquelle consommer ne veut pas dire détruire mais utiliser et où l’important est la valeur d’usage plus que la valeur d’échange. En synthèse, le fournisseur offre un service reposant sur un produit dont il gère de A à Z le cycle de vie.
Le fournisseur reste donc responsable même après la vente et pas seulement via une garantie technique. Il s’engage à réparer ou remplacer mais surtout à revendre via d’autres circuits des produits en état de marche ou à recycler les autres.
Ces modes de commercialisation et d’utilisation s’inscrivent donc sinon dans une cercle vertueux au moins à l’écart du cercle vicieux de la consommation/destruction.
Au final, programmée ou pas, l’obsolescence des produits reste une réalité dont trop de fabricants font porter la responsabilité sur le consommateur. Ce dernier, refuse de plus en plus d’être le dindon de la farce. La solution du problème de l’obsolescence s’appuiera donc certainement sur de nouveaux modes de commercialisation mais surtout de consommation.