Saviez-vous que la population des 25 % des QI les plus hauts en Inde, représente plus de monde que l’ensemble de la population américaine ? Saviez-vous que les dix jobs les plus convoités en 2010 n’existaient pas en 2004 ? Saviez-vous que la Génération Y (18-30 ans) est destinée à changer d’employeur 10 à 15 fois avant l’âge de 38 ans ? Qu’elle changera même probablement de métier quatre ou cinq fois durant sa vie active ? Saviez-vous que les jeunes passent aujourd’hui 24 fois plus de temps devant un écran que devant un livre ? Saviezvous que la taille du savoir technologique doublait tous les deux ans ?
Nous vivons des temps exponentiels… Pourtant, face à ces bouleversements, le simulacre de concertation pour la « refondation de l’école » lancée par le ministre de l’Éducation Vincent Peillon ne pouvait pas mieux accoucher d’une souris. Résultat : nous nous retrouvons aujourd’hui face à un nombre considérable de mesurettes qui ne manqueraient pas de faire rire, si seulement le contexte actuel nous le permettait. Ce n’est pas le cas.
Dans un monde où les connaissances se diffusent à une vitesse exponentielle, à une époque où l’on ne peut plus démarrer dans la vie sans y avoir été sérieusement préparé, nous considérons que sacrifier l’éducation est un acte criminel. L’éducation « à la française » s’apparente à une « boîte noire » dans laquelle élèves et professionnels de l’éducation sont indifféremment mélangés.
Chaque nouveau ministre y saupoudre un peu de fonds publics, de règles, de lois et de circulaires, de leçons de morale, un zeste d’angoisses parentales et d’idées reçues. Si personne ne sait exactement ce qui se trame dans cette boîte, on n’en mixe pas moins le tout en espérant en voir émerger des élèves éduqués, des parents comblés, des professeurs satisfaits mais aussi des comptes publics sains. Ça ne fonctionne pas ? Recommençons !
Les débats sur l’École de la République se distinguent aujourd’hui par une implacable propension à lancer de faux débats, et surtout à mieux s’enorgueillir de vouloir révolutionner, armés d’un lance-pierres, un système en mort cérébrale. Nos élus se targuent de jouer avec des cailloux, à l’heure où il serait nécessaire de déplacer des montagnes.
C’est la raison pour laquelle, nous vous invitons vous, parents d’élèves, à vous révolter ! Après avoir depuis toujours été soigneusement écartés par cette école française, qui pourtant décide en grande partie de l’avenir de votre chair et de votre sang, il est aujourd’hui grand temps pour vous de réagir, en tant que parents soucieux de l’avenir de leurs enfants certes, mais aussi en tant que contribuables et électeurs. Vous ne pouvez plus à l’heure actuelle vous contenter de vous acquitter de vos impôts et de déposer un bulletin dans l’urne (pour ceux qui y ont droit) tout en regardant vos enfants s’écraser sur les obstacles que le monde incertain qui s’offre à eux dresse sur leur chemin.
Il est impératif que vous preniez une part active à une véritable refondation de cette École de la République qui ne peut visiblement pas se reconstruire sans vous. Le but de cet ouvrage est de vous faire prendre conscience de l’urgence de se révolter face à un système scolaire moribond. Parce que, soyez-en conscient, on se moque de vous !
Saviez-vous qu’une enquête internationale publiée en 2010 a conclu que le système français était en train de se dégrader ? Saviez-vous que le pourcentage de jeunes non scolarisés et sans emploi en France, entre 2008 et 2010 a augmenté de 2,6 points ? Dans une économie de plus en plus basée sur l’immatériel et la connaissance, nous insistons sur l’importance de préparer les futurs citoyens français aux défis de demain.
Et face à ces enjeux de taille, l’institution scolaire persévère dans son conservatisme. C’est également ce qu’a pu constater le délégué de l’Académie française, Michel Serres : « Face à ces mutations, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites et nos projets. Nos institutions luisent d’un éclat qui ressemble, aujourd’hui, à celui des constellations dont l’astrophysique nous apprit jadis qu’elles étaient mortes déjà depuis longtemps. » Saviez-vous que 140 000 jeunes sortaient chaque année de formation initiale sans aucun diplôme ? Que selon une étude de l’Afev menée auprès de 186 jeunes en processus de « raccrochage » en 2012, 41 % de ces « décrocheurs » disent n’avoir été soutenus par personne quand ils ont commencé à ne plus aller en cours ? Que les autres affirment avoir davantage été soutenus par leur famille (49 %), par leurs amis (31 %) que par l’institution scolaire (10 %) ? Les déficiences du système d’orientation en France n’ont par ailleurs pas que pour seule conséquence les difficultés d’insertion de vos enfants… Elles ont également des conséquences économiques ! Un décrocheur coûte extrêmement cher à la société !
Saviez-vous par ailleurs que la probabilité qu’un jeune, dont les parents sont peu instruits, fasse des études supérieures est plus faible dans notre pays que la moyenne des pays de l’OCDE ?
Décrochage, ghettoïsation des écoles, inégalités sociales amplifiées par des codes scolaires non adaptés aux classes défavorisées… Parents, réveillezvous ! Ne vous laissez pas berner par l’illusion méritocratique. Répétons-le encore : l’ascenseur social est en panne. Pour certains, il est même resté bloqué au sous-sol. À l’heure où « apprendre sur le tas » ne peut plus garantir une intégration professionnelle digne de ce nom, vous ne pouvez plus sans mot dire laisser un système scolaire aussi imparfait prendre en charge l’avenir de vos enfants !
Saviez-vous qu’avec Israël, la France est le seul pays de l’OCDE où les dépenses en éducation ont moins augmenté que le produit intérieur brut (PIB) ? Pourtant, investir dans l’Éducation est le placement le plus rentable qui soit. Et les dividendes ne consistent pas qu’en un retour pécuniaire sur investissement. Il s’agit d’un choix de société : s’orienter vers le progrès.
Saviez-vous aussi que 80 000 postes d’enseignants ont été supprimés uniquement durant le dernier quinquennat ? Et ce ne sont pas les quelques milliers
d’assistants pédagogiques du nouveau Président de la République qui changeront la donne. Trouvez-vous normal qu’en France les salaires réels des enseignants entre 2000 et 2012 aient diminué de 8 % dans le primaire et dans le 1er cycle secondaire ? Alors que dans le même temps, ils augmentaient en moyenne dans les pays de l’OCDE de 22 % dans le premier et de 17 % dans le second ? Curieuse manière de considérer ces « obscurs soldats de la civilisation », comme le disait Louise Michel, dont la tâche est « de donner au peuple les moyens intellectuels de se révolter ». Nous ajouterions : dont le rôle, la responsabilité, l’honneur même, est de préparer vos enfants à affronter l’avenir.
Saviez-vous que les établissements ne prenaient finalement que très peu de décisions ? Qu’ils manquaient fortement d’autonomie et de marge de
manoeuvre ? Comment, alors, développer des projets au niveau local ? Innover ?
Enfin, saviez-vous qu’il existe des systèmes scolaires où les parents prennent une grande part aux décisions des établissements ? C’est le cas notamment dans nombre de lycées français à l’étranger, en Allemagne ou aux États-Unis.
Rappelez-vous en outre que l’école, au-delà de préparer vos enfants à affronter un monde du travail en pleine mutation, a également pour but de faire d’eux les citoyens de demain… Il est temps de ne plus les considérer comme de simples réceptacles habilités à ingurgiter, pour régurgiter ensuite sous la même forme, des savoirs qui ni ne les élèvent intellectuellement, ni ne les aident à s’intégrer à la société.
L’heure est donc aux questionnements. Savez-vous finalement ce que font vos enfants à l’école ? Qu’apprennent-ils ? Comment ? Vous êtes-vous demandés si l’institution scolaire était vraiment à la hauteur de sa mission ? Si elle préparait vos enfants à exercer des métiers qui, sans doute, n’existent pas encore ? À relever le défi d’en changer plusieurs fois dans leur vie ? Si les élus honoraient véritablement des responsabilités que, par le vote, vous leur avez confiées ?
Posez vos questions. Interrogez vos enfants, leurs professeurs, vos élus. Exigez que l’école tienne ses promesses d’intégration, dans le monde professionnel, comme dans la société. Exigez d’être écoutés. Exigez cette « co-éducation ». Vous avez votre mot à dire. Notre rôle n’est pas de jouer les donneurs de leçon, simplement de vous guider sur ce chemin… Celui de la révolte.
Et rappelez-vous : « Celui qui se bat peut gagner, celui qui ne se bat pas a déjà perdu. » Bertolt Brecht