La perspective d’un soft Brexit, avec le Royaume-Uni se maintenant dans l’union douanière de l’UE, a fortement gagné en probabilité hier au soir. Par ailleurs, il se dit que les Américains et les Chinois seraient proches d’un accord. Avec l'idée que la croissance mondiale serait sur le point de s’améliorer un peu, il n’y a alors que les critiques répétées de la Maison Blanche sur la Fed pour apporter une source nouvelle de préoccupation.
Une sortie de l'UE avec maintien dans l'union douanière se profile
Le gouvernement britannique paraît bien avoir cédé. La Première ministre accepte de franchir sa « ligne rouge » du maintien à tout prix de l’unité du Parti conservateur. Elle va discuter dès mercredi 3 avril avec le leader du Parti travailliste, afin de trouver une position commune sur l’accord de sortie de l’UE à signer avec Bruxelles. Et Theresa May d’indiquer que le dialogue avec Jeremy Corbin doit avant tout préciser les relations futures entre l’île et le continent. En cas de difficulté à s’entendre, ils proposeront ensemble une série d’options sur lesquels le parlement aura à se prononcer. Le projet, qui aura obtenu une majorité, sera respecté par le gouvernement. Si on en prend en compte la préférence relative des parlementaires, exprimée lors des deux votes indicatifs intervenus ces derniers jours, une sortie de l’UE avec maintien dans l’union douanière est très probablement le choix qui s’imposera. Resterait alors à régler les points de calendrier avec les partenaires européens. Les deux dates retenues à la fin du mois dernier (le 12 avril pour qu’une décision soit actée à Londres, puis avalisée à Bruxelles, et du 22 mai pour quitter l’UE) pourraient devoir être décalées légèrement. Le prix à payer, à titre personnel, par Theresa May sera une contestation très forte à l’intérieur de son parti. Celle-ci pourrait lui être fatale politiquement.
Les trois petits tableaux ci-dessous reprennent les principales caractéristiques de l’union douanière et les comparent à la situation présente (le marché unique) et à ce qui est l’ambition des brexiteurs durs (la zone de libre-échange).
Disons deux mots sur l’autre grande négociation en cours ; celle entre la Chine et les Etats-Unis. Liu He, le Vice premier ministre chinois en charge de la politique économique, sera à Washington aujourd’hui pour poursuivre les discussions. Si on en croit le Financial Times, l’accord serait en vue. Encore faut-il, comme on le supputait plus tôt dans la semaine, que la communication mette en avant le caractère équilibré du compromis trouvé. La partie chinoise insiste sur l’abandon de la surcharge sur les taxes à l’importation, imposée l’an passé par Washington. La partie américaine n’y serait prête qu’après vérification du respect de l’accord par Pékin. De plus ce nécessaire décalage de calendrier s’accompagnerait de sanctions automatiques, en cas de violation des engagements pris. Il va falloir trouver un « point moyen ». Combien, de temps cela prendra-t-il ? Avec le risque, si on attend de trop, de casser la dynamique positive en place.
Restons aux Etats-Unis, avec la nouvelle vague de critiques ouvertes sur la Fed, en provenance de la Maison Blanche. Elles proviennent du Président et de son Conseiller économique, Larry Kudlow. Le premier insiste sur combien la croissance et les marchés iraient mieux, si la Fed n’avait pas relevé son taux directeur et réduit la taille de son bilan, et le second appelle de ses vœux une baisse du premier de ces deux instruments. En joignant l’acte à la parole, le Président Trump décide de nominer Stephen Moore pour un poste de gouverneur au Board de la Fed. Disons de lui qu’il est très conservateur, peu connaisseur des questions monétaires et bancaires, plutôt pas très bien perçu dans le « petit monde » des économistes et ayant tenu des propos très critiques, voire injurieux, à l’endroit des dirigeants de la banque centrale et en particulier de son Président. Il est connu pour sa préconisation d’un réglage du taux directeur en fonction de l’évolution du cours des matières premières. Il n’est pas certain que le conseil soit des plus avisés. Au final, il n’est pas sûr que le Sénat, même avec une majorité républicaine, confirme le choix du Président. Ce qui ne fait pas disparaitre la préoccupation du fait de cette animosité ouverte et répétée de la Maison Blanche vis-à-vis de la Fed.
La croissance plie mais ne rompt pas
Faisons un dernier arrêt sur image en matière de message envoyé par les enquêtes PMI concernant l’activité manufacturière au cours du mois de mars. En gardant à l’esprit que des enquêtes alternatives en Europe et aux Etats-Unis ont décrit un environnement plus constructif et que le secteur des services, qui pèse bien plus lourd, n’a pas enregistré la même faiblesse au cours des derniers mois. Trois conclusions se dégagent. D’abord, le PMI monde s’est stabilisé le mois dernier. Il faudra attendre le chiffre d’avril, au plus tôt, pour entrevoir le début de l’inflexion haussière que le marché appelle de ses vœux. L’attention se portera avant tout sur la zone euro, qui, sur la période récente, a envoyé les signaux les moins confortables. Ensuite, la décomposition par secteur de l’indice d’ensemble PMI monde montre un début d’amélioration dans les biens d’investissement, un semblant de stabilisation dans les biens intermédiaires et un certain moindre repli dans les biens de consommation (qui plus est à partir d’un niveau plutôt confortable). Les deux premiers mouvements, si tant qu’ils soient confirmés, envoient un message plutôt constructif : la dégradation serait en passe d’être interrompue en termes de formation de stocks et de dépenses en capital productif. Il n’en faut alors pas beaucoup pour considérer que la consommation suivra ! Enfin, la composante « nouvelles commandes » paraît avoir interrompu sa baisse. N’est-ce pas une fois encore un signal constructif ? La croissance « plie mais ne rompt pas » ; cela pourrait être le titre du nouveau jeu de prévisions du FMI, à paraître dans quelques jours !