On a appris cette semaine qu’en musique le streaming a dépassé les téléchargements, une révolution pour une innovation qui date de moins de dix ans. Le leasing se porte aussi très bien et s'ouvre à d'autres produits que l'automobile, tandis que l'économie du partage convainc toujours plus d'utilisateurs. Alors, posons la question : si l’on se met à louer de plus en plus de choses, la propriété va-t-elle finir par disparaître ?
Musique : du téléchargement au streaming
La musique est quelque chose de très personnel, pendant longtemps nous avons précieusement entreposé nos vinyles, plus tard nos CD, puis nous sommes passé au téléchargement, légal ou pas. Un simple fichier sur notre ordinateur, certes, mais au moins nous le possédions. Désormais notre rapport à la musique passe en majorité par la location, par l'écoute moyennant quelques euros par mois, selon la dernière enquête du SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique). Le livre commence aussi à être concerné puisque Amazon lance un service du même type, un paiement mensuel contre l'accès au catalogue (mais pour l'instant la plupart des éditeurs rechignent).
Leasing : frimer sans trop dépenser
Le leasing, lui, existe depuis longtemps pour l'automobile, mais ce procédé s'étend à d'autres produits comme, pour prendre un exemple contre-intuitif, les montres de luxe. Voici bien un objet que l'on ne pensait que sous l'angle de la propriété ! Plus maintenant, on pourra "frimer" sans trop dépenser. De son côté l'économie du partage constitue l'un des secteurs les plus dynamiques de l'Internet, elle concerne l'automobile (Blablacar, Drivy...), mais également bien d'autres produits comme une simple perceuse, ce qui évite une dépense pour un ustensile finalement peu utilisé.
La fin du sentiment de propriété
Le sentiment de propriété est vieux comme le monde, et il remonte au plus profond de notre enfance. Pourtant il recule, même sur des objets très personnels car, ne parlons pas d'une perceuse, mais la "bagnole", la musique, la montre de luxe, tous ces objets possèdent une charge symbolique forte. Cependant eux aussi cèdent devant ces nouveaux business models.
Le rapport qualité/prix, le service, le gain de place etc., tous les arguments rationnels peuvent l'expliquer, mais pas totalement. Il se produit ici un changement anthropologique et psychologique, voulu en partie, subi également. Il faut ainsi évoquer les nouvelles contraintes économiques : la stagnation ou la diminution du pouvoir d'achat oblige à trouver des solutions nouvelles. Mais sans doute aussi le sentiment de possession perd-il de sa prégnance, voici un nouveau comportement à interroger.
Moins d'avoir pour plus d'être ?
Et puis qui dit reflux de la propriété dit reflux du crédit, c'est à dire un changement économique profond. On ne reviendra peut être jamais au niveau de crédit d'avant la crise de 2008 (pour les particuliers, mais les entreprises peuvent aussi adopter en partie cette économie du partage). Le crédit peut devenir un piège, les emprunteurs dont les crédits se sont retrouvés dans les subprimes nous l'ont montré, l'avertissement a porté. L'emprunt immobilier, en France, ne diminue pas, mais pour une raison bien simple : il s'agit aussi d'un placement, d'un investissement. Par contre, les biens "durables", comme on dit, mais qui perdent de leur valeur avec le temps, seront de plus en plus la "cible" de cette nouvelle économie.
A l'avenir nous choisirons plus qu'avant ce que nous possédons, les possibilités de louer s'étendront à de plus en plus de biens ; voici une nouvelle dimension de notre "économie de services". Un peu moins d'avoir pour - on l'espère - un peu plus d'être ? Nous verrons bien.