Une dette dans le monde d’aujourd’hui
Le 14 juillet 2015, le Fonds Monétaire International a admis que le niveau actuel de la dette grecque n’était pas viable durablement. Dans les conditions actuelles, le FMI ne peut lancer de nouvelles tranches de prêts puisque statutairement, l’institution de Washington ne peut prêter qu’à des pays solvables. Cette déclaration du FMI allait donner du crédit aux défenseurs des politiques hétérodoxes plutôt qu’à ceux défendant des politiques orthodoxes soutenues par le gouvernement allemand. Avant le 3e nouveau plan d’aide, le ratio dette/PIB grec était proche de 180%. Face à un tel pourcentage, comment ne pas s’interroger sur l’avenir d’une telle dette ? Dans nos économies financiarisées, le monde n’est-il pas endetté avec lui-même ? La dette mondiale globale en 2014 représentait 200 000 milliards de dollars soit 286% du PIB mondial. Plutôt que de se lancer dans la réduction de leurs endettements respectifs, les principales économies ont continué d’emprunter à des taux avoisinant zéro depuis 2008 afin de soutenir leur croissance. Ces injections de liquidités ont donné un souffle aux marchés et ont permis de soutenir les marchés obligataires et actions. Toute dette est-elle supportable ? Il n’existe pas de critère absolu pour juger la soutenabilité d’une dette. Cela va dépendre d’un ensemble de critères comme l’évolution de la croissance, l’augmentation des rentrées fiscales, et la diminution des dépenses publiques. Plus un pays se trouve en situation d’arbitrer ces mesures et moins les problèmes de liquidité se poseront. Il faut également prendre en compte la maturité moyenne de la dette. Plus une dette est importante par rapport à son PIB avec une maturité courte et moins elle est soutenable. « L’insoutenabilité » d’une dette signifie une augmentation potentielle du défaut de paiement à l’égard des créanciers. Dans le cas grec, comment le pays peut-il se développer avec un tel niveau de dette et une croissance négative, ou tout juste positive ? Comment appréhender un tel ratio dette/PIB lorsque les prévisions de croissance restent hypothétiques ? Avec le troisième plan d’aide, un prêt de 86 milliards d’euros sur 3 ans, la dette grecque dépassera les 200% de son PIB dès 2018. Son remboursement nécessiterait deux fois les richesses totales du pays. 10 milliards d’euros seront affectés à la recapitalisation des banques grecques. Ces dernières ont été fragilisées après l’imposition d’un contrôle des capitaux. Comment une économie peut-elle se développer si ses banques sont sous-capitalisées ?
L’économie grecque d’aujourd’hui et de demain
Le traité de Maastricht oblige les pays membres à ne pas avoir un déficit public qui dépasserait les 3% du PIB et une inflation supérieure à 2,7%. Quid des pays qui ont pu respecter à la lettre ces chiffres depuis la mise en place du traité ? Tous les pays de l’Union Européenne pouvaient-ils le respecter dans le temps ? Certains états membres pouvaient se réformer rapidement alors que d’autres nécessitaient des temps de réforme plus longs. La Grèce aurait dû se réformer structurellement au moment de son entrée dans la zone euro en 2001. Elle ne l’a pas fait pour des raisons notamment politiques. Elle doit le faire aujourd’hui dans un climat économique et social tendu. Les grecs subissent une crise depuis 2009. Lorsque les mesures d’austérité arrivent au mauvais moment, elles risquent d’accentuer la crise en profondeur et sur la durée. La consommation intérieure représente 70% du PIB. Un pourcentage similaire que l’on retrouve aux États-Unis. C’est dire l’importance, pour les grecs, des conséquences d’une hausse ou d’une baisse du pouvoir d’achat net. Un grec sur quatre se trouve en situation de chômage. Sur une population active de 5 millions de personnes, 25% sont au chômage alors que l’on dénombrait seulement 7,8% d’inactifs en 2008. Des chiffres impressionnants pour un pays de 11 millions d’individus, représentant 1,8% du PIB européen en 2014. La réforme des retraites risque d’entraîner une paupérisation de cette catégorie de la population ô combien nécessaire dans la solidarité intergénérationnelle, puisque le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans représente 50%. La Grèce jouit néanmoins d’un formidable potentiel dans la production d’économie verte comme l’énergie solaire et l’éolienne. L’industrie touristique doit se moderniser avec le développement d’un éco-tourisme local de qualité. L’agriculture grecque doit bénéficier des dernières technologies pour se développer et renforcer son autonomie. La Grèce aurait besoin d’un minimum de 100 milliards d’euros pour relancer ses investissements dans les secteurs d’activés mentionnés ci-dessus avec des partenariats publics et privés sur le long terme. Depuis 5 ans, les investissements publics ont été réduits à néant. Si de nouvelles politiques d’investissements ne sont pas réalisés rapidement, les infrastructures publiques continueront de se dégrader dans les prochaines années avec, à la clef des conséquences pour le tourisme. Ces financements pourraient se réaliser dans le cadre d’un grand emprunt national sur une longue maturité à la condition que la population ait confiance dans l’avenir du pays. Comment un pays peut-il investir si sa dette l’empêche de se développer ?
L’avenir de la dette grecque
Un excédent budgétaire entre 6 et 7% du PIB serait nécessaire pour rembourser et réduire le montant de la dette actuelle. Ce qui équivaudrait proportionnellement à une croissance économique et à un excédent commercial d’un pays comme la Chine. Toutes choses étant égales par ailleurs, la dette grecque devrait être restructurée. Cette restructuration pourrait se faire de différentes manières. Le FMI prône simultanément l’allongement de la maturité, une baisse des taux de crédit et une franchise pour certaines périodes. Il existe une autre alternative : appliquer une décote de la dette publique qui pourrait s’établir de 25 à 35%. Si l’on veut une dette soutenable c’est-à-dire autour de 120 % du PNB en 2020, la dette devrait être annulée à hauteur de 50%. Cette situation semble être écartée aujourd’hui entre les créanciers et le gouvernement grec. Pourquoi ne pas proposer de transformer la dette actuelle en dette perpétuelle ? Celle-ci pourrait être indexée sur la croissance. Ses remboursements seraient beaucoup plus supportables pour les gouvernements d’aujourd’hui et de demain. Elle donnerait une plus grande latitude dans les programmes d’investissement dont la Grèce a réellement besoin. La Grèce ne pourra pas compter sur une croissance économique durable sans l’investissement public et privé.