L’ambition sociale-démocrate de François Hollande tourne à l’échec

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Par Jean-Marc Sylvestre Publié le 21 mars 2013 à 15h12

"Les emmerdes, c’est comme les avions, ça vole en escadrille". C’est Jacques Chirac qui, avec toute l’élégance qui est la sienne, avait fait cette sortie. François Hollande doit se sentir très Chiraquien en ce moment.

En dépit d’une bonne volonté évidente, il ne réussit pas à renverser la tendance. Après la série de mauvais chiffres sur le front de la conjoncture, le voila pris dans une dépression politique. Après le maire socialiste de Lyon, qui n’hésite pas à accuser le gouvernement d’accumuler les "conneries", c’est Jérôme Cahuzac qui doit démissionner alors qu’il est au cœur de la bataille budgétaire, alors que c’est sans doute le plus lucide et le plus pragmatique.

Mais surtout dans un contexte où l’un des refrains préférés des socialistes c’est encore et toujours de donner des leçons de morale aux autres. Du côté de Matignon, Jean-Marc Ayrault a, une fois de plus, montré à l’Assemblée Nationale qu’il était, bardé d’honnêteté, de loyauté et de bonne volonté. Mais il n’a décidément ni la voix pour se faire entendre de l’opinion, ni la musique et les paroles pour faire de la chanson gouvernementale le tube capable de le faire grimper au hit parade de la politique.

François Hollande aura donc pour tâche la semaine prochaine d’essayer de rattraper le bateau "France" qui dérive dangereusement. "Lui redonner un cap" dit-on, pour mobiliser l’équipage et rassurer les passagers. Cet objectif est évidemment le bon mais en l’état actuel des choses il n’est pas atteignable. L’ambition est gigantesque par rapport aux moyens et par rapport aux attentes.

Les attentes avaient été forgées lors de la campagne présidentielle. On le voit bien, les promesses se révèlent irréalisables les unes après les autres. La retraite à 60 ans, le pouvoir d’achat, le maintien des 35 heures, le recul du chômage. Plus grave, les outils mis en place pour, soi-disant, retrouver de la mage de manœuvre ont aggravé la situation. La sur-fiscalisation des revenus et l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail ont eu tendance à asphyxier les chefs d’entreprises et les créateurs de richesses.

Du coup tout le monde est déçu. La gauche qui ne voit aucun changement et surtout aucun résultat. La droite qui considère que la stratégie mise en œuvre conduit au déclin. A droite comme à gauche on n’a pas tort. En six mois, François Hollande n’a pas perdu sa majorité (la motion de censure a été rejetée largement) mais il a complètement hypothéqué sa légitimité. D’où vient le problème ? Il vient du fait que le modèle social-démocrate lui-même, qu’il voulait retrouver et restaurer, est désormais inapplicable.

François Hollande est très certainement un social démocrate sincère et convaincu. Il rêve d’un système capitaliste, ouvert à la modernité c’est-à-dire à la mondialisation, à la concurrence parce qu’elle est créatrice de valeur et d’innovation et au progrès technique. Il rêve aussi d’un modèle social généreux capable de corriger les inégalités les plus flagrantes du capitalisme. Parce que les forces du marché ont prouvé qu’elles ne pouvaient pas les corriger rapidement. Bref, François Hollande rêvait sans doute d’une société assumée par la grande majorité des Français et défendue quoi qu’on dise par la grande majorité de la classe politique.

A droite comme à gauche on est quand même prêt à faire des politiques centristes. Même si on ne se l’avoue pas. François Bayrou qui n’est plus élu nulle part est aujourd’hui omniprésent sur les plateaux télé. Ce n’est pas par hasard. Il cherche un job lui aussi. La conjoncture politico-économique doit lui être favorable. Du moins, il le croit.

François Hollande a été élu sur un programme de gauche avec l’appui des forces d’extrême gauche (Jean-Luc Mélenchon et le Parti Communiste) et avec le soutien des écologistes. Des composantes qui n’adhérent pas au programme social démocrate, qui rêvent encore du « grand soir » et d’un système totalement transformé. François Hollande a tenu compte de ces forces extrêmes dans son expression, mais il a dû composer avec la réalité (sans trop le dire) d’autant que ces compromis lui permettaient d’avancer sur le chemin de la social-démocratie.

Le problème dans cette équation, c’est qu’il n’a pas obtenu de résultats et qu’au jour d’aujourd’hui il ne peut même pas faire de promesses de résultats crédibles. Pourquoi ? Parce qu’il a cru qu’il retrouverait un peu de croissance. Or, la croissance ne tombe pas du ciel. Elle peut venir d’ailleurs, si on sait l’accueillir mais ça n’a pas été le cas. Le monde entier nous a laissé dans l’antichambre du développement. La croissance est inexistante, le chômage se creuse et les seuls acteurs capables de créer des richesses s’en vont à l’étranger ou bien ils sont découragés.

Donc pas d’investissement, pas d’emplois. L’économie française est complètement embourbée dans ses contradictions. Tant que François Hollande n’aura pas de résultats, il pourra raconter ce qu’il veut à la télévision ou ailleurs, il ne se redressera pas. Ses troupes sont déçues. Elles resteront déçues. Il aura beau les ménager, leur dire qu’il reste socialiste, ses troupes ne le croiront que si les enfants trouvent des jobs et si le pouvoir d’achat est protégé. Or, pour obtenir des résultats, il est possible que le respect d’une doctrine social-démocrate ne suffise pas.

Il est possible qu’il faille désormais abandonner des politiques de compromis permanentes fondées sur la dépense publique. Le modèle social-démocrate a assez bien fonctionné en Europe pendant presque 50 ans. Les Trentes-Glorieuses (50-60-70), et après, ont permis une croissance forte, un équipement général, une consommation de masse assez bien partagée, une réduction des inégalités les plus flagrantes et le plein emploi, avec en prime l’organisation de services public de la santé et de l’éducation assez performants au bénéfice du plus grand nombre.

Cette social-démocratie a été pilotée par ces capitaines tantôt de gauche, tantôt de droite sociale, tantôt des chrétiens, tantôt des francs-maçons, tantôt des centristes… Ce système a fonctionné parce qu’il a été capable de créer de la croissance et que cette croissance a été financée par des marges de compétitivité puis par du crédit public et privé selon les enseignements de ce bon John Maynard-Keynes. On a même construit l’Europe avec cette méthode et on a permis à l’Espagne de sortir de la dictature et de la misère. L’Espagne et les autres pays du Sud puis de l’Est, ont profité de la redistribution de l’argent public occidental.

Ce modèle social s’est essoufflé à l’aube des années 2000. La mondialisation, la concurrence internationale et les nouvelles technologies ont élargi le terrain de jeu et surtout changé les règles. Sur le plan économique, on a été obligé de s’ouvrir au monde mais on ne pouvait plus compter sur l’inflation pour régler nos petits différends. On ne pouvait même plus s’endetter sans rendre des comptes (un comble !).

Le seul pays en Europe à avoir compris très vite ce changement c’est l’Allemagne. C’est le seul à avoir convaincu son opinion publique d’abandonner un modèle social-démocrate fondé sur la redistribution de la manne publique par un modèle libéral fondé sur la compétitivité de ses entreprises. L’Allemagne aujourd’hui en touche les dividendes. Sur le plan politique, et François Hollande en fait les frais, les responsables politiques ne peuvent plus s’en sortir en distribuant de l’argent, puisqu’ils n’en ont plus à distribuer. En clair, ils ne peuvent plus acheter des voix pour être élus ou pour conserver le pouvoir. Ça vaut pour la gauche comme pour la droite.

Le ressort de la social-démocratie qui permettait au marché politique de fonctionner sur la dépense publique est cassé. Il faudra donc à l’avenir que les hommes politiques disent la vérité, ne promettent que ce qu’ils ont gagné et gagé, et axent tous leurs effort sur la protection des créateurs de richesses, des preneurs de risques, des investisseurs et des créateurs d’emplois. Ça n’est qu’à ce prix qu’on retrouvera de la compétitivité et de la croissance. Sauf s’il assume et explique un tel virage la semaine prochaine à la télévision, François Hollande va devoir à nouveau affronter quantités d’escadrons…(vous connaissez la suite).

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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