En l’an 12 du XXIe siècle
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre
La Taxe (puisqu’il faut l’appeler par son nom),
Capable d’enrichir en un jour le Trésor,
Faisait aux entreprises la guerre.
Elles ne mouraient pas toutes, mais toutes
étaient frappées :
On n’en voyait plus d’occupées
A chercher le soutien d’un expert ;
Nul conseil n’excitait leur envie ;
Ni CAC ni SBF n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Pigeons se fuyaient ;
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Président tint conseil et dit : Mes chers
amis,
Je crois que le Budget a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels
accidents On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ;
Voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
L’Etat, satisfaisant ses appétits gloutons
a ruiné force entreprises ;
Que lui avaient-elles fait ? Nulle offense :
Même il lui est arrivé quelquefois de manger
L’Entrepreneur.
Je me dévouerai donc, en tant que Chef de
l’Etat ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que
moi
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
Président, dit le Premier ministre, vous êtes
trop bon chef ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger entrepreneurs, dirigeants,
ou cadres.
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes,
Seigneur,
En les ruinant beaucoup d’honneur ;
Et quant au Patron, l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les salariés
Se font un trop riche empire.
Ainsi les ministres, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Sénateur, ni du Député, ni des autres
puissances politiques
Les moins pardonnables offenses.
Tous les syndicats querelleurs, jusqu’aux
simples Medias,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’artisan vint à son tour et dit : J’ai
souvenance
Qu’en une banque passant,
Le besoin, l’occasion, le crédit non autorisé et
je pense
Quelque créancier aussi me poussant,
Je fis dans ce compte un découvert.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler
net.
A ces mots on cria haro sur le Mauvais.
Un Magistrat quelque peu clerc prouva par sa
harangue
Qu’il fallait punir ce maudit Capitaliste,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Prélever l’argent d’une banque ! Quel crime
abominable !
Rien que la liquidation judiciaire n’était
capable
D’expédier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de la Cour vous rendront blanc
ou noir.
D’après une fable de Jean de La Fontaine, "Les animaux malades de la peste".