Virgin Megastore a déposé hier le bilan devant le tribunal de commerce, seulement quelques jours après l'annonce de la fermeture de son magasin des Champs-Élysées. L'enseigne était présente dans les grandes villes françaises depuis 1988, et déjà à l'époque, quelques difficultés semblaient s'annoncer. Retour sur un déclin presque annoncé.
1988 : la France accueille 18 magasins Virgin
C’est le milliardaire britannique Sir Richard Branson qui est propriétaire de l’enseigne. Créée en 1971, la chaîne mondiale s’implante d’abord aux États-Unis avant d’arriver 17 ans plus tard sur le sol français. C’est le Megastore des Champs-Élysées qui ouvre le bal, rapidement suivi par plusieurs Virgin Stores un peu partout en France. Lyon, Lille, Metz, Marseille, Rennes : au total, 18 magasins naissent, avec pour principale activité la vente de CD musicaux.
Déjà la concurrence de la Fnac et d’Internet…
Pourtant, son concurrent direct, la Fnac, est déjà bien implanté sur le territoire, et Virgin ne parvient pas à faire fléchir l’enseigne jaune, alors encore propriété de la GMF (François Pinault rachètera la Fnac en 1994.) Ainsi, dès 2000, le PDG de Virgin Megastore avait annoncé qu’il envisageait de « se retirer de la distribution de disques dans les années à venir, car les alliances entre géants de l’Internet et grandes compagnies de disques [risquaient] de mettre sur la touche les circuits professionnels »...
Lagardère étend l’enseigne… puis la cède
En 2001, Arnaud Lagardère, qui n’est pas encore à la tête du groupe familial, rachète les 18 magasins français Virgin et poursuit l’implantation commencée par Richard Branson. Des Stores ou Megastores ouvrent progressivement à Nice, Toulouse, Nantes, Dunkerque, Montpellier, et le dernier en date à Paris (St-Lazare) en 2011.
Mais la crise du disque se fait déjà sentir, et Virgin ne dégage aucun bénéfice malgré son repositionnement sur les livres. Pour tenter de s’adapter, l’enseigne lance en 2002, un an après la Fnac, son site de téléchargement VirginMega.fr. Cependant les prix, pourtant alignés sur ceux des concurrents, ne parviennent pas à séduire le public, qui préfère alors le téléchargement gratuit, balbutiant, mais pas encore soumis à la censure d'Hadopi.
C’est également à cette période que le poids des loyers des magasins Virgin, généralement installés en plein centre-ville, se fait sentir. Arnaud Lagardère confirme fin 2007 qu’une nouvelle cession de Virgin est en projet ; l’enseigne pèse alors 400 millions d’euros en terme de chiffre d’affaires.
Restructuration manquée de Butler Capital Partners
En effet, c’est le fonds d’investissement Butler Capital Partners qui rachète 74 % du capital de Virgin Stores. BCP est alors spécialiste du rachat d’entreprises en faillite, qu’il restructure e trevend dès que possible. Le fonds d’investissement est alors méconnu, si ce n’est pour le rachat de la SNCM ou sa figuration au capital du PSG.
Sitôt acquis, le capital de Virgin, BCP lance un vaste plan de réformes du management… insuffisant. La crise du disque se poursuit et touche le secteur du jeu vidéo ; la concurrence de la Fnac et d’Amazon s’intensifie ; Apple devient de plus en plus fort sur l’électronique.
Fermeture du Virgin de Times Square : le début de la fin
Comme un présage au destin funeste de l’enseigne, le magasin historique de Times Square, à New York, ferme définitivement en 2008. En France, les magasins Virgin suivent la tendance amorcée outre-Atlantique, soit en mettant la clé sous la porte (Metz, Nantes, Toulouse, Bordeaux), soit en étant remplacés par des magasins Fnac (Paris-Montparnasse, Paris-Gare de Lyon, Paris-Gare de l’Est).
En 2011, le chiffre d’affaires de Virgin n’est plus que de 286 millions d’euros. Les problèmes de loyers pointés par Arnaud Lagardère quelques années plus tôt ne s’étant pas améliorés, le dernier coup dur subi par l’enseigne fut l’annonce de la fermeture du dernier vaisseau amirale de la flotte rouge en décembre 2012.
Crise du disque ou « incurie de gestion » ? L’avenir de Virgin dépend de la décision du tribunal de commerce, avec trois solutions possibles : redressement judiciaire, reprise globale ou partielle, ou liquidation judiciaire. Et autant dire que la troisième solution ne serait pas une surprise.
De beaux restes pour Virgin Group
Mais si Virgin Megastore risque bel et bien la liquidation, le groupe mondial Virgin n’en garde pas moins un panel d’activités assez impressionnant. Avec un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros, le groupe fondé par Richard Branson conservera ses compagnies aériennes (Virgin Atlantic, America, Australia…), sa société de contenu téléphonique (Virgin Mobile), son groupe hôtelier (Virgin Limited Edition), sa compagnie d’exploration sous-marine (Virgin Oceanic) ou encore sa société spécialisée dans le tourisme spatial (Virgin Galactic).
Retrouvez d'autres articles du même auteur sur le site de notre partenaire JOL Press.