La semaine vue par Louis XVI : la France en pleine dérive policière

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 26 mars 2013 à 7h13

L’état moral du pays se dégrade à vue d’oeil et comme d’ordinaire dans ces effrayantes circonstances, le lieutenant général du royaume charge ses officiers de combler les espaces laissés libres par la vacuité d’un gouvernement trop occupé à expédier les affaires courantes.

Une stupéfiante accélération de l’histoire s’empare de la France, la peur monte dans le peuple, et la maréchaussée s’imagine en pucelle libérant la Gascogne. Certes, l’effondrement moral auquel nous assistons ne t’est pas uniquement imputable mon cher François. Mais tu dois prendre garde à ne pas donner à tes sujets le sentiment que tu cherches à les distraire, à les endormir, pendant que le gouffre s’ouvre sous leurs pieds.

Si Chypre approche de la faillite et affaiblit l’alliance européenne par son insubordination, il faut incriminer les hasards de l’histoire. Mais tu as tant répété que la crise de la monnaie était résolue, que les choses s’arrangeaient... Rien ne te forçait à cette imprudence. Si le marasme règne dans les affaires, là encore tu n’en es guère responsable. Mais tu te dois de montrer de la compassion aux Français, sans louvoyer ni laisser percevoir ton ennui pour ces basses réalités.

Et surtout sans envoyer aux trousses des réfractaires au désordre une cohorte de sergents d’armes dont l’habileté n’a jamais été la première des qualités. De compassion, les Français ont bien besoin aujourd’hui. Il y a une décade, des malandrins encagoulés ont attaqué un train de voyageurs pour leur dérober de petits objets de valeur : leur trousse, et leur téléphone portable. Imagines-tu la souffrance de ces ouvriers, brassiers et employés, dévalisés un samedi soir au milieu d’une gare criblée de caméras de vidéo-surveillance, dans une impunité totale ?

Dans le même temps, je lis dans les gazettes des constats alarmants. L’une d’entre elles rappelle l’impunité des brigands et autres tards-venus dans les faubourgs. Ces hères s’installent dans les modestes propriétés et communs des logis où s’entassent les gens de labeur, et instaurent leur ordre sans la moindre intervention de la maréchaussée. L’abandon où sont laissés ces pauvres gens est la mère de tous les maux que tu rencontreras rapidement : les petits larcins prospèrent, l’impunité se répand, et les gens honnêtes enfouissent leur colère jusqu’au jour où elle explosera.

Une autre gazette relate un fait troublant: en Ile-de-France, deux brigades de la maréchaussée ont été regroupées par souci d’économie. L’une était honnête, l’autre non. Les sergents d’armes qui composaient cette dernière avaient coutume de rançonner les citoyens, de les soumettre au backchich comme disent les Ottomans. Ils troublaient régulièrement l’ordre et se livraient à de petits trafics. Les sergents de la brigade honnête ont informé leur hiérarchie. Et les sanctions ont plu... Contre les dénonciateurs.

Si la décision de punir avait été prise à un rang subalterne de la connétablie, je ne te mentionnerais pas cette histoire. Mais il semble que des proches du lieutenant général Manuel Valls se soient penchés sur cette question et aient pris la responsabilité de protéger la corruption et de sanctionner la vertu. Penses-tu que ces principes soient sains dans une monarchie bien tenue? Tout concourt à nourrir le sentiment que la maréchaussée t’échappe, que la connétablie se gouverne par sa propre volonté et que le souverain n’a sur elle plus la moindre autorité.

Toi-même ne t’en es-tu pas offusqué lors de ta visite dans les Etats de Bourgogne ? A Dijon, les sujets qui te hélaient sur ton gouvernement et son inertie ont été brutalement écartés par les sergents d’armes, sous les yeux de la lucarne magique qui a permis, à chaque Français, de mesurer combien ton impopularité était grande. Toi-même tu as désapprouvé l’action de ces officiers qui ont donné de toi l’image la plus déplorable.

En quelques instants, ils ont prouvé la distance entre tes déclarations vertueuses et la vérité de tes actes. Tu sais donc que la connétablie est dangereuse pour ton action et que l’indépendance où tu laisses le lieutenant général du royaume est une menace pour toi.

Ce dimanche, tu en as reçu une nouvelle preuve. De nombreux sujets ne se résignent pas au mariage des invertis. Tu l’imposes par la loi en donnant le sentiment d’ignorer la blessure profonde que tu infliges à ceux qui s’y opposent. Ton problème n’est pas d’avoir tort ou raison, mais de montrer à ton peuple que tu comprends ce qui agite sa conscience et ce qui vit en elle. Ton devoir est de le rassembler.

Face à ces obligations, tu réagis comme je réagissais moi-même lorsque les manouvriers défilaient sous mes fenêtres en disant qu’ils avaient faim. Tu te crispes, tu te braques. Tu interdis aux opposants de manifester sur les Champs-Elysées. Tu leur refuses des symboles importants. Tu leur adresses la maréchaussée. Celle-ci n’hésite pas à faire usage d’une violence étrange contre ces sujets fidèles, attachés à l’ordre et aux traditions.

Tu commets selon moi une grave erreur. Dans ton impopularité, tu n’as pas mesuré combien le pays est épris de mesure, d’équilibre et de respect pour les traditions séculaires. Les valeurs que tu défends sont celles d’une minorité de courtisans qui t’entourent et qui ne savent rien de l’état des Français. Ceux-ci veulent du travail, de la prospérité, des réjouissances sincères. Ils n’aiment guère le divertissement que tu leur offres en leur parlant de guerre en Orient, de mariages exotiques, pendant que les menaces s’accumulent sur leur avenir et celui de leurs enfants. Parle-leur de leurs pensions, de leurs impôts, de l’éducation de leurs enfants et tu deviendras populaire.

Continue à louvoyer comme tu le fais, en imaginant échapper au jugement de l’histoire par des manoeuvres de bourgeois mal avisé, et la colère montera dans le peuple. Je te recommande, François, de regarder attentivement les images de cette manifestation de dimanche pour mesurer le risque que tu cours. L’intervention de la maréchaussée contre les Français qui défilaient ne peut que transformer le cours de ce mouvement.

Minoritaires dans le pays, cantonnés au mariage des invertis, ils n’étaient pas une menace et un peu de grandeur d’âme te permettait de les rallier et de grandir ton image. Devenus martyrs, agressés au milieu de leurs enfants par les sergents d’armes équipés jusqu’aux dents, ils deviennent autant de grenades dégoupillées, autant de baïonnettes tournées non plus contre le mariage des invertis, mais contre leur souverain et ce qu’il incarne : un ordre parisien, arrogant, qui impose au nom de la générosité, qui casse au nom de la tolérance, qui légifère au lieu d’entendre.

Ton lieutenant général a ouvert un conflit bien dangereux pour le régime. En choisissant la confrontation là où le doigté s’imposait, il a pris le risque de t’exposer tout entier à un rapport de force difficile à soutenir. Car ceux que la police a chargés chantaient la Marseillaise et portaient les couleurs de la France. Ils n’étaient pas les ennemis de ton peuple, ils étaient ton peuple lui-même.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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