Les taxis, en grève aujourd’hui, sont de moins en moins rentables

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Par Pierre Peyrard Modifié le 10 janvier 2013 à 6h52
Le contexte de l’activité de chauffeur de taxi : une rentabilité plus difficile à trouver. Les chauffeurs de taxi doivent faire face à cinq facteurs clés qui conjugués simultanément rendent la pratique de leur métier plus difficile et moins rentable :
 

1) la progression constante de la congestion urbaine

2) l’augmentation du poste carburant (augmentation du prix et perte de la détaxe)

3) le détournement de l’esprit de la Loi de 2009 de modernisation des services touristiques encadrant l’exploitation de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC)

4) le développement des taxis et transport de deux roues clandestins pratiquant le racolage, notamment aux gares et aéroports

5) la dégradation du contexte économique impactant le pouvoir d’achat de leur clientèle

 
Pour les taxis parisiens, la progression constante de la congestion urbaine créée des embouteillages aux heures de pointe qui péjorent la rentabilité de leur activité tout en augmentant le prix du transport pour les passagers à distance égale. Aujourd’hui un chauffeur de taxi passe 40 % de son temps dans les bouchons ou en attente de clientèle, sa vitesse moyenne est de 17 km/h.
 
Le détournement de l’esprit de la Loi de 2009 sur les véhicules de tourisme avec chauffeur : un concurrence déloyale
 
Les VTC sont des sociétés qui déploient un parc de véhicules privés pour transporter leurs clients. Une simple application smartphone proposée à des chauffeurs VTC permet dans la pratique, de capter la même clientèle que les taxis sur des trajets urbains analogues. Ainsi l’interdiction de prendre en charge la clientèle à la volée, de racoler, de charger aux endroits réservés aux taxis est contournée grâce à l’usage des nouvelles technologies. Avec la diffusion massive des smartphones et l’explosion des applications gratuites pour héler un véhicule, les clients agacés de ne pas trouver de taxi aux heures de pointe prennent peu à peu le réflexe de ces nouveaux usages.
 
Le problème est que la législation n'a pas encore suivie cette évolution et créée par là même une concurrence déloyale à la fois sur les conditions d’exploitation comme sur la pratique tarifaire :
 
- Sur les conditions d’exploitation : Les chauffeurs de taxi s'endettent sur le long terme pour payer leur licence appelée dans le métier « autorisation de stationnement » (240 000 euros à Paris). Ils paient également une taxe de stationnement de 18 euros par trimestre à la Ville de Paris. Les sociétés de VTC ne supportent qu’un coût de licence dérisoire et une note récente du Préfet de Police de Paris demandait la plus grande sévérité pour sanctionner certains de leurs chauffeurs empruntant les voies de bus et stationnant aux endroits réservés aux taxis.
 
- Sur la pratique tarifaire : Les VTC jouissent d’une liberté totale pour fixer leurs prix. Le yield management est une technique tarifaire pratiquée par au moins l’une d’entre elles. Cette technique est inspirée des pratiques des compagnies aériennes, centrales de réservation hôtelière voire même la SNCF. En clair, un coefficient majorateur ou minorateur est calculé par un savant algorithme adossé à l'évolution constatée de la demande en temps réel afin de garantir un véhicule disponible à tout moment à parc de véhicules constant, quelque soit le niveau d'intensité de la demande. Cette pratique permet d’optimiser substanciellement la rentabliité de l’activité notamment aux heures de pointe, et devient mécaniquement paradoxalement « une prime à l’embouteillage ».
 
Le souci est que le prix de la course peut s'avérer exorbitant à certaines périodes de l’année à forte demande (comme récemment à la St Sylvestre) et créée un préjudice aux chauffeurs de taxis dont les tarifs sont encadrés. Car certains clients mal informés, ou peu habitués aux effets de cette technique tarifaire estiment alors avoir été floués et confondent les sociétés qui pratiquent cela – en l’occurrence une société de VTC - et les compagnies de taxi ou artisans indépendants.
 
Pourtant dès mars 2011, le Sénateur Houel avait posé une question d’actualité au Gouvernement évoquant ces dérives, notamment en pointant du doigt les conditions d’exploitation plus avantageuses des VTC. Des cas de pertes de 30 % de chiffre d’affaires des chauffeurs de taxi ayant été constaté dans le Vaucluse notamment du fait de l’apparition de sociétés de taxis « low-costs ».
 
Le Ministre de l’Intérieur lui avait répondu ceci :
 
« La loi de 2009 de modernisation des services touristiques encadre l'exploitation de voitures de tourisme avec chauffeur. Elles ne peuvent stationner sur la voie publique dans l'attente de clients : l'idée était de créer une nouvelle gamme de services touristiques. Certains ont contourné la loi. Une étude est menée par le ministère. Il est en tout cas exclu que les taxis souffrent de concurrence déloyale. S'il faut de nouveaux textes, ils seront pris. »
 
Quels sont les résultats de cette étude ? A-t-elle été rendue publique ? En tout cas, il semble que le temps de la mise à jour des textes soit venu.
 
Les nouvelles technologies : la solution pour dynamiser l’offre taxis offerte aux clients et réaliser des gains substanciels de productivité au bénéfice de la Sécurité Sociale
 
Dans ces contextes économiques et concurrentiels dégradés, si les chauffeurs de taxi expriment légitimement leur colère ce 10 janvier un peu partout en France, c’est aussi parce qu’ils se sentent menacés de perdre d’importantes parts de marché, notamment en régions, avec le transport médicalisé conventionné (transport assis professionnalisé).
 
L’intérêt général commande de gérer aux plus près les comptes de la Sécurité Sociale, et personne ne le contestera pas même la grande majorité des chauffeurs de taxi. Au contraire, ils sont victimes une fois encore d’amalgames ayant pour but de présenter en généralité quelques abus et autres scandales de détournement d’argent public par la rédaction de faux bons de transport par taxi conventionné relaté par la presse quotidienne régionale.
 
Mais si le coût du poste transport médicalisé a progressé de façon significative, c’est avant tout du fait de la refonte de la carte de Santé avec la suppression d’établissements ici ou là, la concentration géographique par le regroupement d’autres ailleurs, tout cela à des fins d’économies. Ne l’oublions pas : les chauffeurs de taxi conventionnés ont été les acteurs de la continuité du service public garant de l’esprit républicain assurant l’accès aux soins pour tous, y compris dans les endroits les plus reculés du territoire national !
 
Pourquoi ne pas chercher à les en remercier, en sollicitant les artisans, leurs organisations professionnelles, en réfléchissant ensemble, imaginant, créant et accompagnant une profession toute entière vers sa modernisation par l’usage partagé des nouvelles technologies au bénéfice de tous ?
 
Le progrès apportés par les nouvelles technologies, notamment GPS qui permettent de localiser à tout instant un taxi disponible, définir des trajets optimisés calculés sous contrainte d’info-trafic, garantir les meilleurs temps de parcours, réduire les parcours d’approche permettraient aux ARS clientes des taxis artisans de réaliser de substantiels gains de productivité ! Pourquoi écarter cette option, alors que plus d’une entreprise sur trois vit du transport médicalisé ? (55 000 taxis en France pour 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires).
 
Coup double, dans les grandes villes, l’adoption par les chauffeurs de taxi des nouvelles technologies leur permettraient d’optimiser leur disponibilité, d’améliorer sensiblement leur compétitivité en réduisant heures d’attente et kilomètres improductifs et de rehausser leur image, leur qualité de service à l’égard des clients.
 
Pour reprendre un slogan célèbre d’un transporteur : « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ». A méditer…

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Major de l’Ecole Supérieure des Transports (Paris), ayant débuté sa carrière chez NOVATRANS (transport combiné rail-route) puis GEODIS, Pierre Peyrard dès 1999 a travaillé sur des applications concrètes de solutions de géolocalisation pour améliorer la productivité des poids lourds. D’où son intérêt pour l’organisation des flux dans l’espace et le temps. Passionné également de nouvelles technologies, il a observé pendant la dernière décennie la démocratisation de l’usage des navigateurs GPS et autres smartphones grand public. EN 2010, Pierre Peyrard intègre la société DEVERYWARE en tant que Directeur général de la filiale SPOTLOC. Sa mission est de créer et lancer des produits et services de géolocation prêts à l'emploi destinés aux PME, TPE et artisans. En 2012, la société SPOTLOC édite l’application gratuite TAXILOC, recommandée par la Chambre Syndicale des Artisans du Taxi et le Comité Régional du Tourisme Ile de France. L'originalité de ce service est la mise en relation directe entre les chauffeurs et les clients. Seuls les chauffeurs de taxi régulièrement enregistrés en Préfecture sont inscrits à ce service qui permet de mettre en relation directe un taxi disponible à moins de 10 minutes et un client. Le service de commande immédiate (aéroport, gare, centre d'intérêts...) est gratuit. TAXILOC s'engage sur un délai de réponse de moins de 3 minutes. Les 17 000 chauffeurs de taxis parisiens peuvent recevoir les alertes de TAXILOC en station de taxi équipé d’une borne téléphonique, si TAXILOC ne trouve pas de taxi abonné à proximité.   Un système de messagerie interactive directe, disponible en 5 langues, permet au chauffeur et à son client de dialoguer afin d'échanger des informations pendant la phase d'approche en cas d'aléa.

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