J’assistais hier à un colloque franco-allemand destiné à comparer les méthodes de protection sociale en usage des deux côtés du Rhin. Les intervenants allemands trouvaient que, vraiment, la résolution des problèmes de sécurité sociale en général, et de retraites en particulier, était intrinsèquement beaucoup plus facile en France que chez eux, en raison de la démographie. Ils auraient tant aimé qu’il naisse en Allemagne dix-huit à vingt enfants pour dix femmes, comme en France, au lieu de treize ou quatorze !
Leur raisonnement est facile à comprendre : ce sont les bébés nés entre 1980 et 2020 qui seront des travailleurs en 2040 ; ce sont eux qui payeront les cotisations et les impôts dont seront faites les pensions de cette année-là. S’il était né, et s’il naissait, environ un million de petits Allemands chaque année, au lieu de 650 000, les économistes allemands verraient avec beaucoup plus de sérénité la situation des retraites chez eux dans trois décennies. Et les dirigeants de ce grand pays n’auraient pas à faire des arbitrages aussi difficiles entre la générosité du système de retraites par répartition et les prélèvements à effectuer sur les actifs.
Chez nos voisins, l’âge « normal » ou « pivot », de la retraite, est passé cette année de 65 ans à 65 ans et un mois. Il va continuer à augmenter, à raison d’un mois par an pour commencer, puis de deux mois par an, pour atteindre 67 ans vers 2030. Autant dire que les lamentations françaises sur l’augmentation de 60 à 62 ans de l’âge officiel de la retraite dans notre pays paraissent quelque peu surréalistes vues de Berlin, de Francfort ou de Munich. Et pour nos voisins dont la perspective est de percevoir des pensions représentant en moyenne moins de 40 % des salaires, nos inquiétudes à propos d’un possible passage en dessous de 60 % sont un peu difficiles à comprendre.
Dans la discussion, j’ai rappelé une phrase d’Alfred Sauvy : "nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants". Mes collègues allemands ont approuvé sans réserve, tandis que les Français étaient un peu gênés. Comme quoi nous nous apercevons plus facilement de la valeur de ce qui (ou de qui) nous manque !