Dambisa Moyo est une essayiste à succès qui se présente comme économiste, comme africaine davantage que femme au nom d'une indifférence revendiquée des sexes.
Son livre " Winner take all " est fondé sur des projections crédibles de la croissance de la demande de biens de consommation (en Afrique ou ailleurs) et sur les besoins exponentiels de la Chine.
De là, elle en déduit que l'humanité marche vers le précipice en matière de rareté des ressources (pétrole, eau potable, céréales, etc) et qu'il y aura nécessairement des guerres – au sens physique – pour le contrôle des matières premières. On se trouve alors dans un mélange d'un livre du Général Gallois et d'Alain Peyrefitte ("Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera").
Dambisa Moyo revendique de ne pas mettre d'étiquettes définitives sur les situations mais pourtant la lire revient à se plonger dans un bain moussant opaque où flottent des pages de Malthus, des chapitres du pessimiste Samir Amin (démenti par l'Histoire) et des tomes de livres non ouverts sur le progrès humain voire même un journal expliquant comment l'usine gigantesque de désalinisation alimente en eau la région de Barcelone.
Il y a 50 ans, la Chine voyait sa population souffrir et mourir de la faim : l'an dernier, Siemens a assemblé davantage de scanners de haut de gamme en Chine qu'en Allemagne. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) attestent du bien-fondé des étapes du développement exposées par W.W. Rostow.
Non, tout n'est pas si sombre même si vivre à 8 milliards sur la planète sera un vrai défi pour les les créateurs de demain. Ne méprisons pas, de grâce, le génie des générations à venir qui saura résoudre bien des questions qui nous assaillent.
Des analyses sur l'économie-monde de Wallerstein apprennent davantage que ce genre de livre dont le ressort premier et unique est la peur. Grosse ficelle...
Alors, trois questions à notre économiste :
1 ) Quoi de neuf dans votre livre par rapport à certaines publications établies de l'IFRI ?
2 ) La Chine, fournisseur, a plutôt intérêt à respecter ses clients ce qui ne veut pas dire qu'elle ne les encercle pas ( achat de ports grecs, de sous-traitants avioniques, de terres en Ethiopie fertile, etc ) Que faire ? Le livre est muet.
3 ) A titre de conclusion, l'économie politique est une matière complexe. L'immense Léopold Sedar Senghor a fait avancer les lettres, l'Afrique et ce qu'il appelait la négritude. Il aura servi les mots. Chère auteure, n'auriez-vous pas nuit à la pensée économique en utilisant vos quelques bribes de recherches à prétention kérygmatique ?
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Article initialement publié le 29/06/2012