Qui finance les islamistes au Mali ?

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Par JOL Press Publié le 15 janvier 2013 à 9h43

Les islamistes qui sévissent au nord du Mali ont surpris les soldats français par la qualité de leur armement et de leur entraînement. La question du financement de ces groupes terroristes se pose alors. Une question dont la réponse est à chercher au Qatar. Lorsqu’ils sont partis pour être déployés sur le sol malien, les soldats français s’attendaient à combattre des hommes peu armés, mal organisés et mal entraînés.

De généreux donateurs financent l’islamisme au nord du Mali

Ils ont été surpris : en face d’eux, ce sont des islamistes bien mieux équipés et aguerris qu’ils ne le pensaient qu’ils ont dû affronter. Si l’on ne connaît que peu d’éléments concernant l’organisation des mouvements islamistes qui sèment la terreur au nord du Mali, depuis le coup d’État du 22 mars dernier, les moyens de financement de leurs opérations sont encore plus flous. Certains éléments, néanmoins, laissent croire que quelques acteurs extérieurs, eux-mêmes alliés des occidentaux qui s’investissent pour la libération du Mali, seraient actifs pour financer l’islamisme aux portes de l’Afrique noire.

Les guerriers libyens engagés dans les forces maliennes

De nombreux experts s’accordent pour affirmer que les rebelles maliens ont en partie été armés par la crise libyenne. Dans sa guerre de survie contre la rébellion, le colonel Kadhafi avait fait appel à plusieurs milliers de mercenaires touaregs du Niger, du Tchad ou du Mali, venus s’ajouter aux soldats touaregs déjà présents dans son armée. Aguerris par toutes les batailles de Benghazi, Brega et Misrata, ces quelques 4000 hommes ont pris la fuite dès la chute du dictateur, en octobre 2011, emportant avec eux quantité d’armes (mitrailleuses, explosifs, roquettes et même missiles sol-air), de munitions, de véhicules tous terrains et d’argent. Privés brutalement du « paradis libyen » où ils étaient très bien payés, ces mercenaires ont préféré s’enrôler chez les rebelles maliens, faute de moyen de subsistance. Si certains ont rejoint les rangs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), composé des populations nord-maliennes qui ont annoncé leur indépendance le 6 avril dernier, d’autres se sont engagés au sein des mouvements islamistes. « Les Touaregs qui avaient d'abord gagné les légions islamiques libyennes dans les années 1970 puis versé dans l'armée nationale libyenne sont revenus dans leur pays d’origine, armés, et prêts à mener une offensive. Le gouvernement a été inactif et rien n’a été fait contre ce phénomène », explique ainsi André Bourgeot, spécialiste du Sahel pour le CNRS.

« Notre ami du Qatar »

Mais, au-delà de l’armement, c’est le financement de ces groupes qui pourrait être un mystère si certains éléments n’étaient pas venus, depuis quelques temps, apporter un éclairage sur la question. Aujourd’hui, de nombreux acteurs s’accordent à croire que la riche pétromonarchie du Qatar serait très généreuse avec ces groupes terroristes. Dans une édition parue au mois de juin dernier, l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné affirmait que l’émirat était un soutien financier de poids pour les différents groupes islamistes. Dans un article intitulé, « "Notre ami du Qatar" finance les islamistes du Mali », le journal retranscrit les propos d’une source au sein de la Direction du renseignement militaire français (DRM) qui dépend du chef d’état-major des armées françaises, et donc du ministère de la Défense. Selon cette source, « les insurgés du Mouvement national de libération de l’Azawad, les mouvements Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique et le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest ont reçu une aide en dollars du Qatar. » Le montant de cette aide n’a pas été précisé.

L’aide qatarie au Mali reste floue

Dans une tribune de l’Express, publiée le 4 décembre dernier, Mehdi Lazar, géographe, affirmait que « le Qatar dispose déjà d’un réseau de financement de divers madrasas, écoles religieuses ou œuvres caritatives qui datent des années 1980 et 1990 au Mali. » Le Qatar dispose également d’un « accord entre le croissant rouge qatari et la croix rouge malienne qui a eu lieu à Doha en août (2012, ndlr). » Dans sa tribune, Mehdi Lazar reprend les informations évoquées par Le Canard Enchaîné. S’il affirme qu’elles sont « troublantes, » Mehdi Lazar indique qu’il faut les « prendre avec précautions, » et que le « peu d’informations de première main – qui s’explique en partie par la situation conflictuelle sur le terrain – rend difficile une véritable appréciation de la qualité de l’engagement qatari au Nord-Mali et la mise en perspective de ce rapport. »

Le double jeu assumé du Qatar

Néanmoins, ce n’est pas la première fois que l’implication douteuse du Qatar est mise en lumière. En Syrie, tout comme l’Arabie Saoudite, le Qatar a largement participé au financement des rebelles, notamment des groupes islamistes qui se battent contre Bachar al-Assad. Malgré les appels de la communauté internationale, en particulier de Lakhdar Brahimi, médiateur de l’ONU en Syrie, le Qatar et son voisin saoudien sont restés sourds et ont poursuivi leur activité de parrainage des mouvements terroristes. Qu’il s’agisse de la Syrie ou du Mali, le Qatar a une stratégie bien rôdée. Une stratégie bien connue de la communauté internationale qui s’emploie donc à jouer un jeu diplomatique paradoxal. « Si l'hypothèse du financement, voire de l'entraînement et de l'armement de groupes islamistes armées par le Qatar au Nord Mali s'avère confirmée, alors il est possible d'en tirer plusieurs interprétations, » explique Mehdi Lazar dans sa tribune. Toujours en quête d’espace et de nouveaux marchés, « cette intervention serait pour l'émirat un moyen simple mais risqué d'augmenter grandement son influence en Afrique de l'Ouest et dans la bande sahélienne », indique le géographe.

La guerre menée par l’islam sunnite

D’autre part, l’aspect religieux n’est pas à éluder dans ce conflit mondial qui oppose l’islam sunnite à l’islam chiite : « Comme en Syrie, la présence de l'émirat au Mali - si elle s'avère réelle - doit être resituée dans le contexte d'une concurrence double : d'abord avec l'Arabie Saoudite pour le contrôle de l'islam sunnite mondial mais également afin de renforcer le poids de ce même islam sunnite face au chiisme. » Finalement, c’est l’aspect économique qui attire le Qatar dans cette région peu exploitée du globe. « Le Mali dispose d'un potentiel gazier et a besoin d'infrastructures pour le développer. Or, le Qatar maîtrise ces techniques. Il pourrait ainsi en cas de bons rapports avec les dirigeants d'un État islamique au nord du Mali exploiter le sous-sol qui est riche en or et en uranium et le potentiel gazier et pétrolier », explique encore Mehdi Lazar. La pétromonarchie du Qatar, grande alliée des pays occidentaux, reste une intouchable sur la scène internationale tant le pays est parvenu à se faire une place de choix auprès de tous ses alliés. En économie comme en diplomatie, le Qatar est maître, au Paris Saint-Germain comme au nord du Mali.

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