L’Union a-t-elle favorisé l’élection d’Erdogan l’islamiste, soutien de Daesh, en 2015? Le site grec Euro2day vient de faire éclater une véritable bombe diplomatique en publiant les minutes de la réunion européenne du 16 novembre où l’Union a négocié avec Erdogan l’installation de camps de réfugiés en Turquie pour tarir le flot des migrants vers l’Europe. Les détails qui sont donnés sont particulièrement édifiants, en particulier quant au ton vindicatif d’Erdogan qui a reproché à l’Europe de mégoter sur 3 milliards d’aide à la Turquie quand la Grèce en avait reçu 400…
On notera par exemple cet échange:
Tusk indique la difficulté actuelle de la situation dans l’Union. Certains Etats-Membres sont prêts à arrêter Schengen, notamment depuis les attentats de Paris. Sans perspective d’un accord rapide , les choses pourraient devenir dramatiques. Et nous voulons vraiment un accord avec la Turquie.
Erdogan demande rhétoriquement: « Et que ferez-vous des réfugiés si nous ne trouvons pas d’accord? vous allez les tuer? »
Erdogan aidé par l’Union?
Mais la véritable bombe diplomatique n’est pas là. Elle tient plutôt aux détails des concessions obtenues par Erdogan en échange de sa politique de compromis relatif sur la question des réfugiés. En particulier, on relèvera cette tirade de Juncker:
Source: Euro2day.gr
« Remarquez, s’il vous plaît, que nous avons repoussé la publication du rapport de progrès après les élections turques. Et nous avons été critiqués pour ce report. »
Où l’on apprend que la Commission Européenne a donné des coups de pouce à Erdogan pour qu’il soit réélu, malgré ses accointances avec Daesh, malgré la répression féroce qu’il exerce contre la presse, malgré son appartenance à un parti islamiste…
Erdogan instrumentalise la crise des migrants
Pendant ce temps, l’organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence de l’ONU, vient de confirmer que la vague de migrants en 2016 serait bien plus puissante qu’en 2015. Les chiffres pour le seul mois de janvier montrent que l’Europe a d’ores et déjà accueilli près de 70.000 personnes pour le seul mois de janvier 2016, contre 5.000 le même mois de l’année précédente.
Voici le détail des chiffres:
Source: OIM
On notera en particulier que la Grèce est soumise à un véritable raz-de-marée au moment même où la crise économique la frappe durement.
Erdogan a une vague de migrants prête pour 2016?
Aujourd’hui, tous les signes avant-coureurs d’une année très dure en termes de flux migratoires sont donc réunis. Non seulement les flux d’arrivées sont importants alors que nombre de pays d’Europe ont annoncé le durcissement de leur politique d’accueil, mais de nouvelles vagues de réfugiés se forment en Syrie pour échapper aux combats dans le nord du pays.
Tout indique que les rangs des réfugiés en Turquie devraient donc encore grossir, renforçant le « stock » de 2,5 millions de déplacés dont certains (beaucoup ?) sont candidats au départ vers l’Europe ou l’Amérique.
L’Europe sans réponse claire face à Erdogan
Ajoutons qu’à ce stade, l’Europe n’a aucune stratégie claire pour faire face à cette future vague migratoire. Schengen est toujours en place, Frontex n’a pas de pouvoir identifié et se contente de recueillir les migrants en mer, et Merkel négocie avec la Turquie comme si les relations germano-turques n’avaient pas changé depuis 1914.
Bref, le printemps devrait apporter un nouveau désastre dont l’Europe mettra des mois à mesurer l’amplitude et des années à réparer les dégâts.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog