Oui mais pas à n'importe quelles conditions : tandis que les fondements de la formation vacillent sous la tension grandissante imposée par le changement perpétuel de l'entreprise, il est grand temps de se poser les bonnes questions. S'assurer que les collaborateurs possèdent les compétences nécessaires pour mettre en oeuvre la stratégie de l'entreprise, explorer les nouvelles compétences dont l'entreprise aura besoin demain, voilà les conditions nécessaires à l'évolution de la compétitivité des entreprises ... Certes. Mais les entreprises ne peuvent pas forcer le développement des compétences, quoiqu'elles proposent en termes de plan de formation.
Transférer chez l'apprenant la responsabilité de se former, n'est-ce pas la clé du succès de l'apprentissage ? A l'heure où l'on assiste à une véritable consumérisation de la formation, notamment avec le phénomène des MOOCs, il est grand temps de faire évoluer le contexte culturel et organisationnel dans lequel nous grandissons, peu propice à la motivation de chacun.
Les enjeux de la formation sont croissants. Soumise à l'exigence de productivité et de performance collective dans un contexte en perpétuelle mutation, l'entreprise, si elle veut éviter le « darwinisme économique », doit s'adapter dans un environnement qui évoluerait plus vite que sa capacité à s'y adapter. Un exemple : 8 métiers sur 10 dans 4 ans, relatifs à l'IT, ne sont pas encore connus ! Les nouveaux embauchés doivent être immédiatement opérationnels, les salariés formés dès qu'un processus ou une nouvelle application informatique sont déployés, une équipe de vente à niveau avant même le lancement d'un nouveau produit.
Plus que jamais, la formation doit contribuer efficacement à l'alignement des compétences sur les marchés et besoins d'aujourd'hui... et de demain ! Autre chiffre éloquent: 900 000... c'est le nombre d'offres d'emplois IT non pourvues à l'aube de 2015 en Europe faute d'expertises adéquates alors même que le vieux continent compte 26 millions de chômeurs aujourd'hui !
Développement des compétences existantes et exploration des nouvelles compétences nécessaires à venir, c'est le double enjeu des politiques de formation. Encore faut-il que les acteurs apprenants en soient conscients et en aient le désir. Or, le modèle traditionnel de la formation repose sur la motivation extrinsèque, encouragée par le système éducatif dès le plus jeune âge et qui conduit hélas à une logique souvent attentiste chez l'adulte.
Voilà donc le premier défi, d'ordre culturel, à relever : transférer à l'apprenant la responsabilité de se former en encourageant la motivation intrinsèque – celle qui satisfait un besoin personnel - versus la motivation extrinsèque. Il y a va de la qualité et de l'efficacité de ce que nous faisons chacun des formations que nous suivons. Selon le journaliste et auteur américain Dan Pink, les 3 piliers de la motivation intrinsèque sont le besoin de maîtrise, de but et d'autonomie. L'autonomie correspond au sentiment d'être à l'origine de ses actions, ce qui ne signifie pas absence d'autorité mais la satisfaction d'être écouté et de ne pas être contrôlé voire étouffé. Par ailleurs, en améliorant ses compétences, le travailleur améliore son plaisir au travail. Les enquêtes le prouvent : le salarié demande à être plus à l'aise dans son travail au jour le jour, plus « performant ».
Le travail sur ces 3 piliers produit un apprentissage plus durable qui doit être favorisé dans un environnement mouvant et qui devrait être à la base de notre système éducatif perçu trop souvent comme contraignant. Dès l'âge de 6 ans, nos enfants ont des « devoirs » à faire et doivent résoudre des « problèmes », expressions même de la motivation extrinsèque là où ils devraient avoir des « cahiers de vouloirs » et des « solutions » à trouver. Ce sont ces mêmes enfants, que l'on a conditionnés à se motiver par la contrainte, qui constituent le vivier des entreprises.
Le second défi est d'ordre organisationnel et relève de l'offre de formation proposée par les entreprises.
Les programmes au sein des universités d'entreprises sont très forts pour organiser un apprentissage linéaire. Or, l'apprentissage n'est pas linéaire. Cela a été démontré scientifiquement, l'apprentissage est un processus organique. Pourtant, nous n'arrêtons pas d'organiser nos formations avec un début à A et une fin à Z. L'apprentissage ne se termine jamais en réalité. Ce problème d'offre, on essaie de le transformer par ce qu'on appelle un « écosystème d'apprentissage » qui encourage le rapport autonome au travail, c'est-à-dire un environnement au service de l'organisation apprenante pour permettre l'émergence de l'apprentissage. Dans cette perspective, il est proposé à l'individu d'être moins consommateur de stock de connaissances et plus engagé dans son propre devenir. L'apprentissage est en effet l'affaire de l'apprenant. Le travail du formateur est de comprendre les obstacles pour pouvoir les réduire. L'être humain n'est pas une « urne à remplir » mais un être qui se construit tout au long de sa vie.
On l'a compris : pas de formation efficace sans motivation. Et pas de motivation sans responsabilisation de l'apprenant. Formation et coercition ne font pas bon ménage. Le système éducatif devrait en tenir compte pour faire grandir nos enfants et les responsabiliser.
La réponse des entreprises devra satisfaire ce nouvel apprenant, consommateur rendu plus autonome et plus exigeant par la mise à disposition sur le web de formations de qualité.
Les MOOCs font le pari de la responsabilisation, de l'autonomie et de la motivation intrinsèque. La « MOOC-mania » semble leur donner raison... à un bémol près : selon une étude du MIT et de Harvard, seuls 5 % des inscrits valident ainsi la formation, 9 % vont plus loin que la moitié des cours, et un tiers des étudiants n'en a visionné aucun. Preuve qu'il y a encore du chemin à parcourir...On ne change pas un environnement culturel en quelques MOOCs.