Plus que dans tout autre domaine, l’expérience client est le facteur décisif du succès d’un logiciel ou d’une application. Quelques instants à peine suffisent à se faire une première impression qui décidera bien souvent de l’utilisation – ou non – de l’outil. Dans ces conditions, la localisation d’un développement, c’est-à-dire son adaptation aux spécificités du contexte local, est absolument capitale.
Localiser, ce n’est pas uniquement traduire les éléments de texte, même si le choix de termes appropriés est naturellement essentiel, ou implémenter les règles de gestion, de sécurité et de conformité nationales. On observe en effet souvent, d’un pays à l’autre, des différences parfois importantes dans la façon dont les utilisateurs interagissent avec une application, dans les fonctionnalités dont ils se servent plus volontiers ou dans leur appréciation d’un design.
À travers la localisation, on ne va donc pas tenter d’imposer aux utilisateurs une interface, une ergonomie et des processus uniformes, qui décevront inévitablement leurs attentes, mais chercher à proposer une expérience qui, idéalement, ne leur permettra pas de soupçonner l’origine étrangère du produit. Et pour parvenir à ce résultat, les éditeurs étrangers s’implantant en France ou français visant l’export, mais aussi les entreprises déployant leurs outils à l’international, peuvent s’inspirer de la Silicon Valley.
Ce qui caractérise par-dessus tout l’écosystème high-tech de la Silicon Valley, c’est son orientation client viscérale. Le client est au centre de toutes les préoccupations, de toutes les méthodologies, et l’indicateur souverain est le NPS (Net Promoter Score), qui mesure mieux qu’aucun autre sa satisfaction.
La première étape de la localisation va consister à assembler un groupe d’influenceurs locaux, des sortes de « super utilisateurs » identifiés parmi le cœur de cible et les experts du métier. Ils vont exprimer leurs besoins et décortiquer le produit originel pour déterminer ce qui leur semble nécessaire de conserver, de modifier ou d’éliminer. On en déduit la feuille de route des développements, auxquels des groupes d’utilisateurs seront ensuite associés de façon très régulière. On prendra soin d’y inclure des participants présents depuis l’origine (qui auront une vision globale des évolutions) et de nouveaux venus (qui apporteront un regard neuf). Très répandue, la pratique du « follow me home », où l’on va observer l’utilisateur chez lui, est le complément indispensable de ces ateliers car elle permet de déceler d’innombrables détails de contexte et d’usage qui n’apparaîtront jamais dans le cadre balisé d’un test.
Selon le produit, les versions α et β seront diffusées plus ou moins largement, mais une population restreinte de testeurs permet des échanges personnalisés, aussi importants pour optimiser finement le produit que pour consolider la relation client. Dans la Silicon Valley, en effet, l’expérience est toujours une notion end-to-end, de l’inscription jusqu’au support. Localiser signifie donc également créer un environnement où chacun, du directeur à la standardiste, connaît le produit, est capable d’en parler, de démarcher un client ou de répondre à ses questions. Quelles que soient les circonstances, le client n’a ainsi jamais affaire à un interlocuteur qui ne sache pas ce dont il lui parle. Enfin, pour renforcer la proximité, un acteur étranger devra recruter localement car il est plus facile d’inculquer la culture de l’entreprise que celle du pays.
En définitive, la clé d’une localisation réussie est de se considérer non pas comme un simple éditeur mais comme le partenaire de la réussite de ses clients. Vision ambitieuse, certes, mais qui donne du recul par rapport au produit, et permet donc de le faire évoluer avec moins de réticences dans le sens des demandes du client.