Entre chômage et salaire d’insertion, nos politiques et nos syndicats semblent avoir fait leur choix et pour eux la messe est dite. Pourtant l’idée émise par le Président du MEDEF est loin d’être aussi rétrograde que certains le prétendent et pourrait même rapidement s’avérer bénéfique.
En évoquant la possibilité de créer un smic intermédiaire pour favoriser l’insertion des personnes éloignées du travail dans l’entreprise, Pierre Gattaz, s’est attiré les foudres des syndicats mais aussi d’une bonne partie du monde politique gauche – droite confondues. Pourtant au même moment, trois économistes proches du Président de la République, Elie Cohen, Gilbert Cette et Philippe Aghion, ont eux aussi émis l'idée de faire varier le smic en fonction des régions ou de l'âge, réclamant un gel partiel de son montant pour favoriser l’emploi peu qualifié. Dans leur dernier ouvrage « Changer de modèle », ils rappellent qu’un salaire minimum trop élevé peut nuire à la fois à l'emploi, à la confiance et à la mobilité sociale. Une réalité que certains oublient trop vite en refusant toute réflexion sur le sujet.
Un tremplin vers l’insertion
La mesure a pourtant démontré son efficacité en Grande Bretagne ou au Pays-Bas, deux pays où dès 16 ans, des « smic jeunes » progressifs avec l’âge et la qualification, permettent d’entrer plus facilement dans l’entreprise. Un Anglais non qualifié de moins de 20 ans coûte aujourd'hui un peu plus de 6 euros par heure à son employeur outre-Manche, contre près de 11 euros en France. Une étape transitoire qui leur offre une chance supplémentaire de faire leurs preuves et qui est vécue comme telle. Et les résultats sont là ! Le taux d’emploi des 15-24 ans en Grande-Bretagne est de près de 50 % contre 28 % seulement en France, soit plus de 10 points en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Doit-on dès lors condamner une génération au chômage au nom du respect de sacro-saint dogmes ? D’autant que les études économétriques sur le sujet évoquent 20 000 emplois peu qualifiés supprimés par point supplémentaire de smic et que ses augmentations successives ont pour effet de compresser les bas salaires : le smic est actuellement égal aux deux tiers du salaire horaire médian ouvrier, contre la moitié environ, dans les années 1970.
Une double peine
En l’état actuel, les jeunes générations sont confrontés tout à la fois, à la barrière du smic dont le montant ralenti leur insertion dans le monde du travail et à leur exclusion de la solidarité nationale, puisqu’ils ne bénéficient pas du RSA interdit aux moins de 25 ans. Avec pour conséquences, près d’un actif sur quatre inscrit à Pôle emploi et près de 23 % des jeunes vivant en situation de pauvreté fin 2012, soit 5 points de hausse depuis 2004. Et ce ne sont pas les contrats d’avenir ou de génération qui semblent être en mesure de changer durablement la donne. Il devient donc urgent d’engager une vaste réflexion pour faire évoluer un système générateur de précarité, qui malgré de multiples tentatives depuis le premier plan d’urgence pour l’emploi des jeunes de Raymond Barre en 1977, n’a pas réussi à endiguer le phénomène.
Prendre en compte les réalités
Alors que la lutte contre le chômage est érigée en priorité nationale, ne doit-on pas explorer toutes les pistes, plutôt que d’attendre un hypothétique retour à une croissance forte ? Oui, il est préférable de proposer de rentrer dans l'entreprise de façon transitoire avec un salaire adapté, supportable par toutes les entreprises notamment les TPE et les PME, plutôt que de laisser autant de jeunes sur le bord du chemin. C’est déjà ce que propose l’apprentissage, un système unanimement plébiscité, qui permet à 70 % des jeunes qui en bénéficient de trouver un emploi à l’issue de leur période de formation, tandis que 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire classique sans aucune formation, ni diplôme. Le moyen aussi de rattacher au monde du travail les personnes qui en sont le plus éloignées. Plus de deux millions de jeunes travaillent déjà pour un revenu inférieur au salaire minimum, en apprentissage, en alternance ou en stage, afin de s’insérer plus facilement dans le monde de l’entreprise. Il serait grand temps de prendre en compte cette réalité, d’en tirer les enseignements et d’en finir avec un marché du travail sclérosé.