Grèce : aléa moral en Zone Euro ?

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Par Alexandre Baradez Publié le 13 février 2015 à 5h00
Grece Zone Euro Espagne Dette
@shutter - © Economie Matin
23,7 %L'Espagne inquiète davantage la zone euro que la Grèce avec un taux de chômage de 23,7 %.

Alors que le futur de la Grèce se dessine actuellement dans les déclarations officielles, les négociations plus discrètes et l’Eurogroupe, on ne peut s’empêcher de penser que - même si les signes de tension et de contagion observés lors de l’éclatement de la crise de la dette entre 2010 et 2012 ne sont pas visibles - le traitement de la situation grecque crée indirectement un parallèle avec l’Espagne et l’Italie.

2160 milliards d'euros de dette pour l'Italie

Pour l’Italie, c’est évidemment le montant très élevé de sa dette publique qui pose des questions sur sa soutenabilité à long terme (2160 milliards d’euros soit près de 130% du PIB) et l’instabilité politique qui a secoué le pays avant l’arrivée au pouvoir de Matteo Renzi, qui crée le parallèle avec la Grèce.

En ce qui concerne l’Espagne, c’est la fragilité passée de son secteur bancaire, secoué il y a quelques années par l’effondrement du marché immobilier et sauvé par un plan européen duquel le pays est sorti depuis (versement de 41 milliards d’euro par le MES au gouvernement espagnol pour recapitaliser les banques) mais surtout la montée en puissance fulgurante de la gauche radicale et du parti Podemos qui trace un parallèle avec la situation grecque. En revanche contrairement à l’Italie, l’endettement de l’Espagne reste dans la moyenne européenne au-dessus de 90% du PIB.

Non, c’est bien la montée du sentiment anti-austérité en Espagne et l’ascension du parti Podemos et de son leader Pablo Iglesias qui pourraient commencer à inquiéter les marchés. Selon un sondage paru le 4 février, le mouvement représente la deuxième force politique du pays, devant le Parti socialiste (PSOE) et derrière les conservateurs du Parti populaire (PP)... alors qu’il n’existait pas il y a encore quelques mois (fondé en janvier 2014). Et ce, à quelques mois de plusieurs échéances électorales : les municipales et régionales en mai mais surtout les élections générales en fin d’année. Sachant que tout ceci se passe au sein de la 4ème puissance économique de la zone euro.

La Grèce : un laboratoire européen

Face à cette réalité politique, nul doute que la Grèce constitue un laboratoire où les idées émises, les déclarations et surtout les demandes qui sont et seront formulées par le nouveau gouvernement seront inévitablement « transposées » indirectement à l’Espagne. Et c’est là que les marchés commencent à se montrer attentifs... Ce qui sera principalement observé, c’est le comportement et les décisions politiques prises dans le contexte actuel avec deux possibilités : soit le gouvernement poursuit la trajectoire qui est la sienne avec comme objectifs l’accélération de la croissance et la décrue du chômage en faisant le pari que la reprise économique constatée depuis plusieurs mois suffira à faire « mécaniquement » reculer le soutien à la gauche radicale ; soit le gouvernement espagnol ralentit la cadence actuelle en tirant sur le budget et en laissant filer les déficits à court terme pour freiner les tensions sociales avec le risque de s’éloigner des objectifs européens et de s’attirer les foudres de Bruxelles...

ll est très probable que la situation politique en Espagne inquiète aujourd’hui beaucoup plus les responsables européens que la situation en Grèce. Non seulement en raison du faible poids économique de la Grèce au sein de la zone mais également en raison de la taille et de la répartition de sa dette. La dette grecque a déjà été restructurée et est majoritairement détenue par les états européens (soit directement, soit via le FESF), la BCE et le FMI. La dette espagnole est beaucoup plus répandue dans les bilans des banques de la Zone Euro...

L'Espagne inquiète plus que la Grèce

La lecture des données économiques de l’Espagne montre une amélioration de la situation depuis l’éclatement de la bulle immobilière et indirectement les conséquences de la crise des subprimes aux Etats-Unis. En 2009 le d"ficit du budget représentait plus de 10% du PIB contre 6.8% à fin 2013 et un objectif de 5.5% en 2014. La croissance après avoir plongé en 2008-2009 puis une seconde fois en 2011-2012 a commencé à se redresser en 2013 pour atteindre 2% en rythme annuel au 4ème trimestre 2014.

Sur le front du chômage, après une envolée spectaculaire entre 2007 et 2013 (taux de 8% à...27% !), une légère décrue est observée depuis le 2ème trimestre 2013 jusqu’à fin 2014 (de 27% à 23.70%), sachant que les moins de 25 ans payent toujours un très lourd tribut avec plus de 50% d’entre eux toujours sans emploi aujourd’hui...

Les responsables politiques actuels en Espagne vont donc devoir exploiter ces chiffres pour convaincre que la situation de fond s’améliore, reste à savoir si ce sera suffisant pour faire retomber la pression sociale et stopper l’envolée de Podemos dans les sondages.

La période d’incertitude sur le comportement des gouvernements espagnols et italiens face à la situation grecque et sur le momentum des réformes est susceptible d’ouvrir une période d’instabilité que le marché pourrait sanctionner à court terme avec un accroissement de la volatilité.

Cela ne semble en revanche pas suffisant pour remettre en cause la reprise économique qui s’installe progressivement en zone euro avec la stabilisation du chômage en 2013 puis le léger repli sous 12% en 2014. Même constat pour les indices d’activité (PMI) qui, après une nette reprise entre 2012 et 2014, ont connu une phase de baisse pour rebondir à nouveau en décembre. Cette reprise devrait être confortée par la baisse des prix de l’énergie, la baisse de l’euro, la mise en place du QE de la BCE et le plan d’investissement Juncker.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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