La réciprocité, l’un des points clés de l’accord transatlantique de libre échange.

Par Bertrand de Kermel Publié le 9 mai 2014 à 2h41

Négocié dans l’opacité, l’accord transatlantique et en train de sortir de l’ombre à l’occasion de la campagne des européennes.

Il comporte de graves lacunes, parmi lesquelles on notera l’absence de toute notion de réciprocité des échanges.

Avant d’aller plus loin, soulignons trois points qui rendent ce sujet particulièrement important.

1 - L’Union Européenne et les Etats Unis sont en train de négocier la plus vaste zone de libre échange jamais mise en place sur la planète, depuis le début de l’humanité. Il est donc légitime de s’y intéresser, même si les négociateurs ne le souhaitent pas.

2 - L’ambition des Etats Unis et de l’Europe est de négocier un accord transposable à l’OMC, c’est à dire un accord engageant à terme pratiquement tous les pays du monde. "Ce que nous tentons de mettre en place n'est rien de moins qu'un modèle standard mondial qui pourra s'imposer aux autres pays, voire à l'Organisation mondiale du commerce" (OMC), indiquait un haut fonctionnaire américain à la presse, lors de la visite du président OBAMA à Bruxelles fin mars 2014. C’est dire que les dispositions qui figureront ou non dans cet accord transatlantique auront valeur de précédent. Deuxième raison pour analyser de près ce qui se trame.

3 - La gestion de la mondialisation est un échec collectif, aux dires mêmes du Président du Forum de Davos, qui qualifie de "poudrière" la situation des 75 millions de jeunes sans emploi dans le monde. (Cf sa chronique parue dans "Les ECHOS" du 20 janvier 2014. On peut également la consulter sur le site du Comité Pauvreté et Politique). Troisième raison pour s’intéresser au sujet.

Où est le problème de la mondialisation ? Pour faire simple, disons qu’une bonne part du problème se trouve dans les pratiques de dumpings monétaire, fiscal, social, et écologique.

Comment les éviter ou au moins les amoindrir fortement ?

1 - Sûrement pas par la règlementation, cela ne marchera pas.

2 - En investissant fortement dans la recherche, l’innovation et l’amélioration de la productivité grâce aux nouvelles technologies et à la formation professionnelle tout au long de la vie. C’est fondamental et indispensable, mais cela ne suffira pas,

3 - Il faut alors y ajouter "la réciprocité des échanges". De quoi s’agit-il ? Si la Chine a exporté pour 287,9 milliards d’euros en Europe en 2012, l’Union européenne (UE) doit pouvoir exporter à peu près autant vers la Chine, et non 143,9 milliards comme ce fut le cas la même année .

C’est du simple bon sens. Tout le monde peut le comprendre. Toutes les formes de dumpings son mécaniquement freinées par ce biais.

C’est un point clé de la théorie de Ricardo sur l’échange.

Il faut donc inclure la réciprocité des échanges dans cet accord, au niveau des marchés publics, certes, mais aussi et surtout dans l’ensemble des échanges de biens et de services. Sur ce deuxième point, c’est l’omerta qui prévaut…

Comment procéder ? Timothy Geithner, le secrétaire d'Etat américain, avait proposé que chaque Etat limite à 4 % de son PIB son excédent ou son déficit commercial. Plus modestement, Lionel Stoléru, chargé en 2011 d’une étude sur ce sujet, proposait que chaque Etat fortement excédentaire ou déficitaire s’efforce de baisser pendant trois ans son excédent ou son déficit d'un demi-point de PIB par an. Selon lui, "cela suffirait sans doute à ramener les échanges mondiaux et l'emploi à l'équilibre". (Les Echos, 27 juillet 2011)

Dernier avantage de la proposition : elle permettra aux Etats souverains de sortir progressivement de la concurrence parfaite et infernale dans laquelle ils se sont naïvement laissés enfermer.

Il faut dire que les méga entreprises mondiales ont réussi un véritable "coup de Maître" entre 1980 et 2010.

Beaucoup de ces entreprises ont réussi à créer des situations de monopole ou d’oligopoles pour échapper à la concurrence. Même l’UE ne parvient pas à l’empêcher. Cf les cas de Microsoft et Google pour ne citer que ces deux exemples.

Dans le même temps, ces méga entreprises ont réussi à placer les Etats occidentaux en situation de concurrence parfaite. Contraints de se conduire en permanence en situation de moins disants, ils aggravent leurs déficits et paupérisent mécaniquement leurs peuples, sans aucun espoir d’en finir un jour.

Grâce à ce contexte de concurrence à l’envers, les méga entreprises payent leurs impôts là où elles le décident et quand elles le veulent bien. Cette situation est suicidaire. Les peuples la vivent très mal.

Sans un rebond pour changer ce système pervers, largement alimenté par la règle de l’unanimité en matière fiscale au niveau européen, la corruption et les paradis fiscaux (Luxembourg, Irlande, Royaume Uni etc..), l’Union Européenne explosera, ainsi que probablement la mondialisation.

Sans être le remède miracle, la réciprocité des échanges est indispensable pour humaniser la mondialisation.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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