Lorsque le projet de loi « Marini », qui prévoit de surtaxer le commerce électronique, a été annoncé, j’étais avec des entrepreneurs étrangers. Après un moment d’incrédulité, l’un d’eux a émis un jugement peut-être excessif, mais bien ciblé : « La France finira par être un parc de loisirs».
Ce projet est d’abord un contresens économique : l’économie repose tout entière sur l’investissement dans les industries d’avenir. Le commerce électronique est une des rares industries de croissance où la France est forte. Dans le top 10 des e-commerçants en France, 8 sont français. Et son importance va bien au-delà, car il entraîne derrière lui une grande partie de notre industrie high-tech. Une industrie où l’offre d’emplois excède la demande, en emplois qualifiés -développeurs d’applications, ingénieurs, spécialistes du web-marketing, cloud computing- et moins qualifiés, dans les plate-formes logistiques et la relation client.
Quand la « grande industrie » réduit les emplois en France, internet embauche. Va-t-on taxer un secteur créateur d’emplois, tout en subventionnant ceux qui licencient ? Vente Privée, Cdiscount, Pixmania, Rue du Commerce, Criteo, sont maintenant des noms respectés de leurs concurrents mondiaux - même s’ils sont encore mal connus de nos sénateurs. Avons-nous tant d’industries de niveau mondial, pour nous offrir le luxe d’handicaper celle-ci ? Plus important encore, le e-commerce est une opportunité pour relocaliser des productions traditionnelles. Mon entreprise, Envie de Fraises, fabrique plus de 80% de ses vêtements en France. Même nos tissus sont français.
Pourquoi ? Le commerce sur internet colle, beaucoup plus vite, aux besoins de ses clients. On n’y fait pas deux collections par an, mais quinze. Quand on ne peut pas attendre trois mois qu’arrive le conteneur de Chine, on investit dans des usines (de textile !) en France. En outre, ce projet ignore la continuité entre commerce électronique et commerce tout court. Pourquoi surtaxer le commerce sur internet, et pas la VPC ?
Comment mesurer l’assiette, alors que les commerçants traditionnels se tournent tous vers le e-commerce, et que les e-commerçants développent des réseaux de boutiques ?
Enfin, beaucoup d’e-commerçants sont trop jeunes pour avoir une rentabilité solide. La plupart ont besoin de nouveaux investissements pour accélérer leur croissance. Hélas, en France, l’investissement est plus rare que les taxes. Demain, nous verrons pourquoi ce projet, contresens économique, est aussi critiquable sur le plan politique.
Lire la deuxième partie : Surtaxer le commerce sur internet : un contresens total ! (2/2)