L’interview accordée au Point par Emmanuel Macron quelques heures avant sa nomination au poste de ministre de l’Economie (Le Point précise « il s’exprime donc ici à titre personnel, librement ») fait déjà des vagues.
Pourtant, Emmanuel Macron n’a rien dit d’abominable ! Il a repris à son compte une analyse du marché du travail français partagée par la majeure partie des économistes, pour ne pas dire par tous les économistes sérieux. Dans son entretien au Point, Emmanuel Macron explique que « c'est le moment de passer à l'étape deux de la modernisation du marché du travail, parce que cela n'a pas d'impact déflationniste et peut restaurer la confiance. Rehausser et simplifier les seuils sociaux permettrait de lever un obstacle traumatisant pour beaucoup de petits patrons, sans pour autant changer la vie des salariés. Ensuite, nous pourrions autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d'accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunérations. […] Pourquoi ne pas étendre ce dispositif à toutes les entreprises, à la condition explicite qu'il y ait un accord majoritaire avec les salariés ? ».
Et pourtant, moins de 36 heures après la nomination du nouveau gouvernement, 24 heures après le premier conseil des ministres, la polémique est lancée. A croire que c’est le seul mode de fonctionnement au sein de la majorité gouvernementale ! Le problème n’était peut-être pas Arnaud Montebourg, Benoit Hamon ou Aurélie Fillipetti, mais la conception même du dialogue politique à gauche.
"Le gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur la durée légale du travail à 35 heures" fait savoir Matignon. "Une modification de la durée du travail relève de discussions entre partenaires sociaux que l'éxecutif respectera" dixit l'AFP, qui a sondé l'entourage du Premier ministre. Jeudi 28 août au matin, alors qu'Emmanuel Macron est ministre de l'Economie depuis moins de deux jours, un des personnages les plus importants de l'Etat dans l'absolu mais aussi et surtout dans la situation actuelle du pays, un sous-sous ministre, Harlem Désir, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes dont tout le monde dit qu'il ne sert à rien, à contester sur un plateau télé tout "projet de remise en cause des 35 heures", taclant le nouveau ministre de l'Economie, qui n'a pourtant rien dit de tel.
Relisez bien Macron : "nous pourrions autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d'accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunérations". Le ministre de l'Economie ne dit pas qu'il faut changer la durée du temps de travail, mais créer les conditions juridiques pour que les partenaires sociaux y dérogent. Entreprise par entreprise. Branche par branche. "à la condition explicite qu'il y ait un accord majoritaire avec les salariés". Difficile de faire plus consensuel.
Ce premier couac gouvernemental, 36 heures après la nomination du gouvernement Valls II, démontre malheureusement que le problème de François Hollande et de son Premier ministre n'est pas tant d'avoir des projets de réforme pour la France que de parvenir à les mettre en oeuvre, faute de chef - ou de culture du chef - pour imposer sa volonté. Valls a retourné la table, et pourtant, ca rue déjà dans les nouveaux rangs !
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