Fronde anti-Linky : l’absence de réaction de Matignon pose question

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Sébastien Denis Modifié le 29 juin 2016 à 17h32
Power Poles 503935 1280%203
cc/pixabay - © Economie Matin
5 MILLIARDS €Le déploiement des compteurs Linky va coûter près de 5 milliards d'euros.

Depuis que l’installation des compteurs Linky a démarré en France, une coalition d’une centaine de maires s’est organisée pour empêcher le déploiement du boitier dans leur commune. Un mouvement contestataire qui n’a pour le moment déclencher aucune réaction que ce soit du côté de François Hollande ou de celui de Manuel Valls.

Lancé fin 2015, la pose des compteurs Linky dans les foyers français devrait continuer jusqu’en 2021. Si plus de 600 000 boitiers verts ont déjà été installés, ce sont 35 millions d’unités qui viendront remplacer nos compteurs traditionnels au terme de cette phase de déploiement.

Une centaine de maires refusent son déploiement

Et comme pour tout changement touchant la sphère sanitaire, l’arrivée des compteurs intelligents suscitent des interrogations, des craintes, voire même un rejet total chez une partie de la population. Pour certains, la menace est si grande qu’elle a laissé place à l’organisation d’une fronde anti-Linky, menée par un groupe de maires qui refusent en bloc l’échange de compteurs. Qu’il s’agisse des communes de Varenne-sur-Seine en Seine-et-Marne, de Larnod dans le Doubs ou encore de Barsac en Gironde, une centaine de municipalités est désormais vent debout contre Linky, bien décidée à ne pas céder face à ce qu’elle considère comme étant un danger pour la santé des usagers.
L’argument numéro évoqué chez les anti-Linky reste les ondes électromagnétiques dégagées par l’appareil et les conséquences sanitaires que ces dernières pourraient avoir sur les Français, notamment en termes de cancer. Des craintes maintes fois balayées, que ce soit par Enedis (ancien ERDF), distributeur des compteurs, ou par des études réalisées de manière indépendante sur le sujet, à l’image de celle effectuée récemment par l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

Pour l’organisme, les résultats de sa recherche « montrent que les compteurs Linky créent une exposition en champ électrique et en champ magnétique comparable à d'autres équipements électriques du quotidien ». Classés dans la catégorie « potentiellement cancérigène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) », organisme chapeauté par l’OMS, les compteurs ont ainsi rejoint le rang de produits consommés quotidiennement tel que le café ou la viande rouge. Une catégorisation décidée davantage comme une mise en garde établie sur le principe de précaution que comme un risque inévitable. Un constat qui ne suffit pas à calmer le mouvement des maires anti-Linky, qui continuent d’assurer haut et fort aux habitants de leurs communes qu’ils diront non à l’installation du compteur communicant.

Peut-on refuser Linky ?

Au-delà des considérations sanitaires, se pose alors une autre question : les communes, peuvent-elles, oui ou non, refuser l’installation de Linky sur leur territoire ? Selon un article paru sur le site de l’association de défenses des consommateurs UFC Que Choisir : « le dispositif de comptage est fourni et posé par ERDF. Il fait partie du domaine concédé » et ce dispositif de comptage « est entretenu, vérifié et renouvelé par ERDF », d’après les conditions générales d’EDF. En d’autres termes, le refus des compteurs est contractuellement impossible.

L’association précise que « le compteur n’est pas la propriété de sa filiale ERDF, mais appartient aux collectivités locales. Néanmoins, celles-ci ayant concédé le service public de distribution d’électricité à ERDF sur 95 % du territoire, les compteurs relèvent de son entière responsabilité. Sur les 5 % du territoire restants, ce sont les entreprises locales de distribution qui en ont la charge ».

Concrètement, les maires impliqués dans la fronde, comme le reste des détracteurs de Linky, ne peuvent donc pas s’opposer à l’installation du boitier dans les foyers. Si jusqu’à maintenant, ERDF a toujours précisé qu’il n’était pas dans les prérogatives des communes d’accepter ou de refuser Linky, les paroles du distributeur ne semblent pas être prises au sérieux par les détracteurs du compteur et une question se pose : ne serait-il pas au gouvernement de se prononcer clairement sur le sujet ?

Le silence de Manuel Valls sur la question

Soutenu par un gouvernement Hollande engagé de plein fouet dans une transition énergétique ambitieuse, le déploiement contrarié de Linky n’a provoqué pour l’instant aucune réaction de l’Élysée. Manuel Valls confirmait pourtant il y a encore quelques mois son enthousiasme quant à la généralisation de ces « smart meters » en France.
Pour le Premier ministre : « Consommer moins, c'est aussi savoir ce que l'on consomme. C'est la vocation des nouveaux compteurs communicants, comme Linky pour l’électricité, et Gazpar pour le gaz naturel, qui commencent à se déployer partout en France. » Selon lui, Linky reste un outil essentiel qui permettra aux Français de faire des économies d’énergie grâce aux informations sur leur consommation recueillies par l’appareil.

On pourrait donc se demander ce qui justifie l’inertie du Premier ministre, fervent supporter du projet, et son manque de prise de position face à un mouvement qui pourrait ralentir in fine l’installation des compteurs dans l’Hexagone et par ricochet, mettre à mal la mise en place d’un processus technologique favorisant l’instauration du nouveau modèle énergétique français.

On peut aller d’autant plus loin et se demander quel rôle pourrait jouer François Barouin, actuel président de l’Association des maires de France, dans cette stratégie de pacification et de clarification autour de Linky. Porteur d’un projet positif aussi bien pour l’environnement que pour l’économie du pays, le gouvernement ne peut plus faire preuve d’indolence quant à l’exécution de ses actions et au respect de son agenda.

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Conseiller énergétique, Sébastien Denis réalise des diagnostiques de performance énergétique auprès de particuliers et de professionnels, et participe à l'élaboration de stratégies durables pour ses clients.

Aucun commentaire à «Fronde anti-Linky : l’absence de réaction de Matignon pose question»

Laisser un commentaire

* Champs requis