Patrimoine des ministres, statistiques économiques : quels chiffres mentent le plus ?

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Par Jean-Marc Sylvestre Modifié le 17 avril 2013 à 12h48

La gouvernance française s’est retrouvée cette semaine dans une position une fois de plus complètement schizophrénique. D’un côté, François Hollande exige une transparence totale des personnels politiques mais, de l’autre, il accepte des chiffres macro-économiques complètement faux.

L’opinion publique ne retiendra sans doute pas grand-chose de l’opération vérité sur le patrimoine des élus et sera beaucoup plus marquée par l’aggravation de la situation. Les chiffres se multiplient, venant de sources les plus diverses et les plus sérieuses pour montrer qu’une fois de plus les prévisions et les engagements ne seront pas tenus . Déficit, endettement, emplois… Rien ne s’arrange. Hollande a demandé à tout le monde d’assumer la transparence sur les finances privées, mais refuse d’assumer le même effort de vérité sur les comptes publics.

Si le PS espérait que la publication des patrimoines des ministres allait faire oublier l’affaire Cahuzac et provoquer un sursaut de mobilisation autour du président de la République, devenu garant de la morale publique et de la vertu, c’est raté. Ce « choc de moralisation » a agacé le plus grand nombre à droite comme à gauche et frustré une grande partie de l’opinion de gauche convaincue désormais que personne ne dit la vérité. Plus grave, cette opération dévalue encore davantage le personnel politique. Le montant et le détail des fortunes publiées confirment ce que l’on pressentait depuis déjà longtemps.

D’abord, les hommes politiques sont en majorité pauvres ou même très pauvres au regard de leur train de vie et de leurs responsabilités.

Leur train de vie est très confortable parce qu’il est pris en charge par la République mais leurs revenus personnels et leur fortune n’en font rien d’autres que des membres de la classe moyenne supérieure. Il y a certes quelques millionnaires mais pas des millionnaires très riches.

Nos ministres sont misérables à côté des patrons du CAC 40

Ensuite, et c’est presque plus grave, les ministres n’assument pas ce qu’ils possèdent. Ils font tout pour apparaître plus pauvres que pauvres, ils ont un côté curé catholique, comme si pour être de gauche et près du peuple il fallait vivre en état de modestie et de quasi-pauvreté. Quant à ceux qui ont un peu d’argent, un appartement, une résidence secondaire, bref, ceux qui vivent comme des cadres supérieures, dirigeants ou profession libérales, il leur faut s’en justifier en permanence. Soit ils ont hérité de leur parent soit ils ont un conjoint qui a bien réussi. En fait, la gauche accepte mieux le produit de l’héritage ou du mariage que celui du mérite, du talent ou du travail. L’héritier qui n’a pas fait d’autres efforts que de naître est accepté, parfois même admiré. Le chef d’entreprise qui a pris des risques et créé des emplois est vilipendé. C’est pathétique et désespérant pour tous ceux qui attendent que l’ascenseur social soit réparé.

Enfin, le spectacle de la pauvreté chez les politiques est générateur de risques. Le risque d’incompétence et de médiocrité. Le risque de propager des arguments populistes et démagogiques. Le risque de la corruption, la grande corruption liée aux marchés publics ou à l’évasion fiscale ou de la corruption ordinaire liée au travail au noir par exemple. Quant à occulter le scandale Cahuzac, on se trompe lourdement. L’affaire Cahuzac reflète le mauvais fonctionnement de la gouvernance et l’incapacité du pouvoir dans une démocratie à voir la réalité et à l’assumer. En paraphrasant Machiavel, on pourrait dire que « les princes qui gouvernent n’habitent pas en banlieue, ils n’ont pas à le faire tant qu’ils se souviennent que les banlieues existent ». Le jour où ils l’oublient, les banlieues se fâchent.

C’est peut-être ce qui est en train de se passer avec l’opinion publique. Quelque part, l’opinion se moque de ce gagnent les élus. Ce qui compte, c’est ce qu’ils font.

Les malades sont indifférents au chirurgien playboy qui se pavane en voiture de luxe mais ils ont beaucoup d’admiration et de reconnaissance pour celui qui leur sauvera la vie. Les Français se sont détournés de leurs élus parce qu’ils sont incapables de leur apporter des résultats. Plus grave, ils sont incapables de leur donner un calendrier de redressement qui tienne la route.

Cette semaine, la situation économique et les prévisions de retournement se sont, une fois de plus, dérobés sous les pieds de nos gouvernants. Les organisations internationales, le FMI, la commission de Bruxelles, tout comme les observatoires nationaux, sont au diapason. La récession est installée en France pour 2013 et sans doute 2014. L’alourdissement de la dette, des prélèvements et du déficit rende impossible toute relance de l’économie par des moyens monétaires ou budgétaires. Keynes est définitivement mort. La crise l’a tué. Les États n’ont aucun moyen de financer un tel redressement. Les finances publiques peuvent du jour au lendemain échapper à tout contrôle. Indicateur le plus spectaculaire, l’emploi.

Il n’existe aucune raison pour que la promesse du Président de renverser la courbe du chômage soit effective avant la fin de l’année. Aucune raison mais personne ne le dit. Alors pourquoi ? Parce que le gouvernement se refuse à assumer une réalité qui l’obligerait à trahir des éléments fondamentaux de l’équation socialiste.

Première trahison, il lui faudrait reconnaître qu’en essayant d’établir les équilibres budgétaires, en accroissant la ponction fiscale, il s’est trompé. La surfiscalité n’explique pas l’aggravation de la crise depuis un an. Mais cette surfiscalité a empêché le jeu des facteurs de redressement. Tous les moteurs de la croissance sont arrêtés : consommation, investissement et exportation. Le gouvernement ne peut pas reconnaître qu’en alourdissant la fiscalité sur l’entreprise et le capital il se trompe.

Deuxième trahison, le seul levier de reprise passe par la compétitivité des entreprises. Mais pour améliorer la compétitivité, il faut alléger les charges qui pèsent sur les salaires et permettent aux chefs d’entreprise d’être rémunérés du risque qu’ils prennent. Sinon il n’en prendra pas et sans risque pas de croissance.

Troisième trahison, le seul moyen d’intervention sur la politique économique passe par la réduction des dépenses publiques. C’est le seul moyen de redonner de l’oxygène et de la marge au système de production. Or, la baisse des dépenses publiques implique de toucher aux fonctionnaires et sans doute au périmètre de l’action de l’État. C’est le cœur du marché politique de la gauche. C’est pourtant, indépendamment de la conjecture internationale, le seul moyen de casser la grève des consommateurs qui ne consomment plus, des chefs d’entreprise qui n’embauchent pas et des financiers qui n’investissent plus. Tant que la gouvernance française n’aura pas touché à la fiscalité, à la compétitivité des entreprises et à ses dépenses publiques, elle racontera des histoires à tout le monde. L’opinion le sait.

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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