Que fait la Grèce avec son chômage ?

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Par Nicolas Tarnaud Publié le 15 septembre 2015 à 5h00
Grece Chomage Zone Euro Niveau
@shutter - © Economie Matin
25,2 %Le taux de chômage de la Grèce en juillet 2015 était de 25,2 %.

La Grèce a connu une croissance identique à celle des autres pays européens de 1990 à 2000. Une fois entrée dans la zone euro en 2001 et jusqu’en 2007, la croissance grecque a été artificielle. Celle-ci a été déconnectée des fondamentaux économiques et macroéconomiques.

La formation de cette bulle a éclaté de facto en 2008 lors de la crise financière américaine et internationale. La crise a engendré de nombreux chômeurs et le chômage s’est installé dans la durée. Nous ne pouvons pas aborder le chômage grec sans tenir compte des chiffres du chômage européen. En effet, avec 23 millions de chômeurs au sein de l’Union Européenne et un taux de chômage de 9,5% [décembre 2014]. Les chiffres demeurent également élevés dans la zone euro avec 17,5 millions de chômeurs correspondant à un taux de chômage de 11,1% (décembre 2014). En juillet 2015, avec un taux de chômage de 10,9% en zone euro et de 9,5% au sein de l’Union Européenne, nous comptons deux fois plus de chômeurs en Europe qu’aux États-Unis où le taux de chômage est redescendu à 5,1 % [août 2015]. Le meilleur élève reste plus que jamais l’Allemagne avec un taux de 4,7% [juillet 2015]. La plus mauvaise note revient à la Grèce qui détient, en effet, le record européen du taux de chômage le plus élevé avec 25,2% [juillet 2015].

La Grèce traverse une crise structurelle profonde et durable depuis 2008. Le chômage grec avait atteint un record en septembre 2013 avec un taux de 27,9%. Avons-nous déjà rencontré un pays en crise dont le nombre de chômeurs était bas ? La réponse est négative. Le taux de chômage de la population active grecque a augmenté en juin dernier, passant de 25% à 25,2%. Il était de 26,6% en juin 2014. Même s’il a sensiblement baissé au long d’une année glissante, il reste néanmoins à un niveau inacceptable. Une fois la période estivale terminée, de nombreux travailleurs saisonniers grecs ou étrangers se trouveront sans emploi. S’ils n’ont pas d’alternatives locales, certains feront augmenter les statistiques du chômage tandis que d’autres partiront à l’étranger. L’emploi saisonnier grec représente généralement une période d’activité de 6 mois.

Le taux de chômage risque ainsi de dépasser les 28% dans les prochains mois. Un taux qui n’a cessé d’augmenter depuis la crise de 2010 malgré une très légère baisse depuis juin 2014. La spirale haussière du chômage s’explique aussi par les nombreuses fermetures de petites et moyennes entreprises qui ont subi une baisse de leur profitabilité et du crédit crunch de la part des établissements bancaires. En effet, la majorité des entreprises grecques ont moins de 10 salariés. Elles ont été vulnérables à la détérioration de l’environnement économique. Cette dégradation a par ailleurs accentué leur fragilité. Les licenciements ont touché à la fois les jeunes actifs et ceux du secteur public. La baisse de la demande « baisse importante de la consommation » a eu un effet domino sur l’offre du secteur privé. Autre indicateur important de la santé économique d’un pays : le nombre de chômeurs chez les jeunes.

Le taux de chômage chez les jeunes [15-24 ans] était de 55,3% en 2012. Ce chiffre s’est plus ou moins stabilisé depuis cette période. Le chômage des jeunes en Grèce est d’origine structurelle. Ses causes ont été multiples : rigidités institutionnelles, environnement macroéconomique instable, système éducatif inadapté au marché du travail,…Ce dernier a longtemps formé et préparé les jeunes à s’insérer dans les métiers du secteur public qui a considérablement réduit ses effectifs depuis une quinzaine d’années. Les chômeurs de longue durée [supérieur à 12 mois] représentaient 59,3% des chômeurs en 2012. Leur augmentation va continuer d’impacter l’économie grecque avec le ralentissement de la consommation domestique. La récession s’inscrira dans la durée, excepté si de nouvelles mesures économiques arrivent à renverser la tendance de la croissance et de l’emploi.

L’avenir du chômage en Grèce

Comment le chômage grec peut-il baisser dans un pays en récession ? Lorsqu’un pays se trouve dans un environnement économique où les créations d’emplois n’existent plus avec une croissance atone, de nouvelles politiques d’austérité risquent d’amplifier le phénomène du chômage de longues durées. Les chiffres pourraient également baisser si les départs à la retraite étaient immédiatement compensés par le recrutement de chômeurs. Il ne faudrait pas que de nouveaux jeunes arrivent dans la même période sur le marché de l’emploi. Le chômage de masse a touché également le niveau des salaires. Ces derniers n’ont jamais été aussi faibles depuis quatorze ans. L’indice des salaires grecs a chuté à 85,2 soit son plus bas niveau depuis 2001. Toutes choses étant égales par ailleurs, le taux de chômage n’était qu’à 11,9% en 2000 avant que la Grèce ne fasse son entrée dans la zone euro, atteignant 17,9% en 2011. Cette diminution du pouvoir d’achat a entraîné une baisse de la consommation intérieure et des carnets de commande des entreprises. L’offre c’est-à-dire la production de biens et de services n’a pas pu s’adapter à la baisse de la demande. La Grèce du 21e siècle doit faire face à de nombreux défis économiques.

Le premier consiste à favoriser la relance économique afin de diminuer le chômage des jeunes et des moins jeunes. Si la Grèce ne privilégie pas l’investissement pour relancer l’emploi, elle risque de sombrer dans une récession (celle de 2008 ayant laissé des séquelles) qui durera plusieurs décennies. Sans la reconstruction de son système économique et la restructuration de sa dette, la Grèce restera en récession avec un taux de chômage élevé malgré le 3e plan d’aide de 86 milliards d’euros qui doit lui insuffler une bouffée d’oxygène. Celle-ci ne pourra être que temporaire vu l’ampleur de la dette qui n’a toujours pas été restructurée. L’industrie grecque n’a pas été exploitée comme elle aurait dû l’être depuis une vingtaine d’années. Ce secteur représente seulement 22% du PNB et 20% de la main-d’œuvre. La Grèce doit investir dans une industrie moderne et innovante. Il existe un formidable levier de croissance dans la recherche et l’innovation industrielle et notamment dans le secteur des économies d’énergies [isolation, bâtiment passif] et des énergies renouvelables [éoliennes, photovoltaïques] sans oublier les technologies liées à la santé nécessaires pour pallier le vieillissement de la population [biotechnologie, nanotechnologie].

Elle doit miser sur des emplois d’avenir et qualifiés afin d’être compétitive face à la concurrence étrangère. La Grèce doit également privilégier le secteur primaire en misant sur une agriculture biologique cohérente lui permettant à la fois de créer de l’emploi et de développer l’exportation agricole. Aujourd’hui, 45% des retraités et plus d’un tiers de la population grecque vivent en dessous du seuil de pauvreté. Si le taux de chômage continuait d’augmenter dans la durée, la société grecque risquerait une implosion sociale avec des conséquences nationales et européennes. L’explosion économique grecque aurait également un impact sur la croissance et la stabilité économique mondiale. La vitalité ou non de l’emploi grec dépendra de la politique économique mise en place dans les secteurs mentionnés ci-dessus ainsi que dans la recherche et l’éducation qui amélioreraient la productivité de l’économie sur le long terme.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.

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