De l’émotion à l’exaspération sur fond de manipulations

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Par Charles Sannat Modifié le 15 septembre 2015 à 11h37
Migrants Francois Hollande Crise Refugies
@shutter - © Economie Matin
120000Les pays de l'UE devaient, ce lundi 14 septmebre 2015, se partager 120 000 migrants.

Vous l’aurez compris ou deviné je voulais aujourd’hui parler des migrants… enfin je ne sais pas très bien comment je dois les appeler car, ce week-end, lors du repas dominical, n’y voyant pas du tout à mal, j’utilise le mot « migrant ». Je suis aussitôt repris par ma belle-mère qui m’explique que l’on ne dit pas « migrant » mais « réfugié ». Certes. Sauf que cette remarque pourtant anodine est très révélatrice de notre temps, de nos mœurs et de nos émotions. Changer le mot ne change pas les maux et vouloir le croire est encore plus grave.

Je vais vous parler des migrants, ou des réfugiés comme vous le voulez, non pas pour vous dire pour ou contre, soyons gentils avec eux ou pas, acceptons-les ou rejetons-les… Chacun sa conviction. En revanche je vais parler de certaines choses autour des migrants qui nous concernent tous et qui doivent nous interpeller sur le fonctionnement de notre société mais aussi et surtout sur le fonctionnement de chacun d’entre nous en tant que citoyen.

Un principe. Le migrant ou le réfugié n’est ni gentil ni méchant (sauf pour le terroriste qui se cache dans la masse). Le migrant ou le réfugié ne cherche que son propre intérêt et sa propre survie. Humainement il ne peut être blâmé, et confronté à une situation similaire, nous agirions de la même façon. Ceci étant posé voici les réflexions que je voulais partager avec vous.

De l’émotion à l’exaspération…

Il y a une semaine, un petit dont le corps était retrouvé sur une plage faisait pleurer la terre entière, surtout l’Europe et culpabilisait les peuples comme il le fallait. Nous étions méchants, si ce petit s’est noyé c’était de notre faute, à nous… les européens. Pas la faute à Bachar en Syrie ou à l’Etat Islamique dont des millions de personnes fuient la barbarie ordinaire et quotidienne. Non c’était notre faute à nous.

Les bonnes âmes nous ont donc expliqué qu’il fallait que nous accueillions tout le monde. Personne n’en voulait des migrants (je ne dis pas que c’est bien ou que c’est mal), je dis juste que personne n’en voulait. Des milliers de personnes sont mortes dans la Méditerranée, mais ce petit a permis de rendre « acceptable » l’accueil de migrants et c’est là que résulte la manipulation et le viol des esprits des gens. On vous impose une idée.

D’où la question… une idée fusse-t-elle juste doit-elle être imposée par la force ?

A chacun là encore d’apporter sa ou ses réponses.

Donc la semaine dernière il fallait faire rentrer des migrants… donc il fallait nous faire pleurer sur le sort de ces mêmes migrants… jusqu’à la nausée. Pour réussir cette entreprise tout était bon y compris le mensonge le plus éhonté.

Souvenez-vous de cette journaliste hongroise qui fait volontairement un croc-en-jambe à un père qui porte son enfant pour le faire tomber. Son action n’a rien à voir avec le hasard. Elle répond à une volonté et une logique de montage très précise.

Arrêt sur image !

Cette femme journaliste aperçoit un homme portant un enfant… la scène potentielle est donc parfaite pour émouvoir les ménagères européennes de moins de 50 ans. (j’ai intégré cette vidéo à la toute fin de cet article. Regardez. Observez. C’est saisissant.)

Mais là comble de chance un policier tente de ceinturer l’homme portant l’enfant dans ses bras… mais le policier, pas totalement abruti ni complètement inhumain, sent qu’il va déstabiliser l’homme et prendre le risque de le faire chuter lourdement risquant de blesser le petit. Il fait ce que tout homme doit faire en son âme et conscience… il desserre son étreinte et laisse le père et l’enfant s’échapper et courir vers un destin européen. Mais le policier est juste derrière, la journaliste l’a bien filmé ceinturant le « migrant » ou le « réfugié ». C’est à ce moment-là qu’elle fait tomber cet homme et son enfant tout en faisant des allers-retours caméra du policier au père au sol avec son fils… « Salop de policier ». « Fasciste de garde-frontière ». « Enfoiré d’européens riches… soyez coupables ». Voilà à quoi devait servir ce clip de propagande qui n’aura pas lieu puisqu’un journaliste un poil plus honnête a filmé la journaliste filmant… Mais vous devez bien comprendre la logique à l’œuvre !

Finalement une semaine après c’est l’exaspération… alors changement de scénario. Il va falloir détester les migrants… ou les réfugiés…

Bon il va falloir s’occuper de ma belle-mère parce que là elle les aime bien ses réfugiés (enfin pas jusqu’à les prendre chez elle non plus, faut pas déconner… sa gôchitude faiblit ces derniers temps).

Mais avec l’aide des journaux et des radios, nul doute que belle-maman détestera les migrants (à ce moment-là elle ne les appellera plus du tout les « réfugiés »).

Le père du petit Aylan était finalement un méchant passeur !

C’est en tout cas ce qu’affirme un article du très sérieux Figaro et qui ouvre la voie à la remise en cause de la version officielle ce qui permet en douceur de faire basculer la population vers l’exaspération.

Finalement on va pouvoir tirer sur les passeurs et utiliser l’armée…

Je ne dis pas que c’est bien ou mal, je rapporte factuellement une information parfaitement sérieuse et je mets en perspective. Il y a une semaine le petit Aylan tee-shirt rouge face dans l’eau faisait pleurer l’Europe. Aujourd’hui personne ne s’émeut de la possibilité de tirer sur de frêles esquifs, fussent-ils porteurs de passeurs… de l’émotion à l’exaspération.

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est l’APF… tenez lisez !

« Bruxelles (AFP) – L’Union européenne a approuvé lundi le recours à la force militaire contre les passeurs de migrants qui opèrent à partir de Libye, y compris en saisissant leurs bateaux, dans le cadre d’un renforcement de son opération navale en Méditerranée.

Cette importante transition permettra à l’opération navale de l’UE contre les passeurs et les trafiquants en Méditerranée d’arraisonner, fouiller, saisir et dérouter les embarcations soupçonnées de servir à la traite humaine, dans le cadre du droit international », a indiqué le Conseil de l’UE dans un communiqué ».

Source Challenges ici

Finalement on peut aussi suspendre Schengen sans que cela ne pose de problème à l’Europe…

Ou encore cette information dans le Point qui cite aussi l’AFP… « Migrants : après Berlin, plusieurs pays rétablissent les contrôles aux frontières ».

L’Allemagne, la Slovaquie et l’Autriche ont rétabli les contrôles aux frontières. La Hongrie a fermé le principal point de passage avec la Serbie ».

Source Le Point ici

Des bouleversements européens à venir

Cette « crise des migrants » va profondément bouleverser les équilibres européens, nos façons de faire ou d’appréhender notre espace commun et extérieur.

Il y a peu de chance que cette crise fasse « exploser » l’Europe, au contraire, face à un défi commun l’union fera la force. Loin de menacer l’Europe cette crise va renforcer l’Europe, mais quelle Europe ?

Car l’Europe qui en sortira sera bouleversée aussi bien sur son fonctionnement, ses institutions, ses traités ou encore son appréciation des « droits de l’homme »…

Toutes ces belles idées se fracasseront sur une terrible réalité… celle du nombre, celle de la démographie. Il n’est pas question ici du débat traditionnel et clivant pour ou contre… Il s’agit de « Politique ».

Schengen est déjà mort et ce n’est qu’une première étape. Nous aurons vraisemblablement une érosion majeure des droits fondamentaux également. Logiquement nos états évolueront vers des états de plus en plus policiers. La démocratie sera chamboulée. Nos habitudes également, sans oublier des impacts économiques, sociaux particulièrement forts.

Vers la première opération militaire de l’Europe

Alors ma belle-mère ne le sait pas encore, ne lui dites pas, la pauvre… il faut l’habituer doucement, c’est comme pour rentrer dans l’eau et ne pas risquer l’hydrocution, faut y aller en douceur.

Donc belle-maman ne le sait pas encore mais d’ici quelques semaines, l’Europe qui ne sait pas se construire économiquement ou politiquement, va lancer sa première opération militaire. Elle sera évidemment « humanitaire » et belle-môman pourra dégouliner de bons sentiments réconfortée par les médias de masse.

Nous débarquerons en Lybie. Enfin nous, pas moi hein, j’ai rien à y faire moi en Lybie, et nous allons créer de beaux camps de tentes avec le logo « ici l’Europe prend soin des migrants », ou encore cette tente « vous est offerte par l’Europe »…

Puis nous irons aussi au sol en Syrie… plus ou moins avec les Russes et nous allons là encore créer des camps…

Voilà nous sommes en plein dans la dictature de l’émotion et des bons sentiments, mais les bons sentiments comme les émotions n’ont jamais fait et ne feront jamais les bonnes politiques.

Belle-môman ne le sait pas encore, mais dans deux mois, elle applaudira des deux mains à l’opération européenne de maintien de la paix.

Ce que je dénonce, ce n’est pas ces pauvres bougres prêts à tout pour un avenir meilleur et qui poursuivent leur propre intérêt, non, ce que je dénonce c’est la dictature de l’émotion, car l’émotion non maîtrisée est le terreau fertile de toutes les manipulations, les propagandes et évidemment des fascismes et des dictatures.

Alors, en attendant, préparez-vous, il est déjà trop tard !

Article initialemet publié sur Insolentiae, le nouveau blog de Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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